Nanna Ditzel (1923-2005) a connu le succès dès son association avec son premier mari, Jorgen Ditzel. Mais à la mort de ce dernier, sa carrière s’est intensifiée jusqu’à ce qu’elle devienne une figure essentielle du design danois. Retour sur une carrière très inspirante.
Née à Copenhague en 1923, Nanna Ditzel grandit auprès d’une mère passionnée d’art et de design qui stimule sa créativité. Elle se lance donc logiquement dans des études d’ébénisterie et intègre ensuite l’Académie royale des Beaux-Arts du Danemark.
Elle n’attend pas d’en être diplômée en 1946 pour montrer son travail lors des expositions annuelles de la Guilde des ébénistes locale. Elle y rencontre aussi son premier mari, Jorgen Ditzel (1921-1961), lui formé au métier de tapissier. Avec ce dernier, elle conçoit des meubles pour enfants avant que le couple n’étende ses créations à toutes les typologies de la maison : papiers peints, tissus, verrerie…
Ensemble, ils s’essaient à des concepts innovants : une table d’appoint dont le plateau se soulève pour révéler un rangement, un lit qui se replie pour prendre moins de place ou une voluptueuse chaise longue baptisée Perlen pour Knud Willadsen en 1951.
Au début des années 1950, Nanna et Jorgen Ditzel mettent leur talent au service du joaillier Georg Jensen pour lequel ils élaborent des bijoux ultra contemporains, « comme le prolongement des courbes du corps humain », à l’occasion du 50e anniversaire de la maison danoise. Cette collection très bien accueillie, par le public comme la critique, fut suivie d’autres créations et récompensée de nombreux prix.
Nanna Ditzel endeuillée
Durant les fifties, le couple Ditzel poursuit en parallèle ses recherches dans le mobilier en mettant à profit des matériaux comme le rotin ou le teck. En 1959, sort leur « Egg Chair ». Avec sa forme organique, cette assise en osier qui se suspend au plafond devient l’une de leurs pièces emblématiques. Le duo de créateurs reçoit pour ses créations les médailles d’or et d’argent de la Triennale de Milan en 1954 et 1960 ainsi que le prestigieux prix Lummnig en 1960 pour ses bijoux. Nanna et Jorgen sont aussi les auteurs de nombreux textiles, où Nanna laisse éclater son imparable sens de la couleur.
Mais en 1961, Jorgen décède subitement, laissant Nanna seule aux commande du studio. Dotée d’une énergie inoxydable, elle poursuit inlassablement sa carrière d’architecte et de designer. La créatrice conçoit de nouveaux meubles et connaît un succès fulgurant en 1962 à la sortie de la série « Toadstool ».
Cette gamme de tabourets est conçue pour les enfants turbulents : ils peuvent s’y asseoir, bien sûr, mais aussi s’en servir de tables, les empiler, les faire rouler, grimper dessus… sans risque de les endommager. La collection se décline bientôt pour les adultes. En 1963, sort le berceau Lulu, une merveille d’épure scandinave qui reste aujourd’hui une des créations les plus fameuses de Nanna Ditzel. Et deux ans plus tard, elle révèle le tissu Hallingdal, toujours édité par Kvadrat un demi-siècle plus tard.
Un succès qui ne se dément pas
En 1968, Nanna Ditzel se remarie avec Kurt Heide, qui possède un important magasin de mobilier à Londres. Le couple emménage dans la capitale britannique et crée l’Interspace International Design Center. Pendant quinze ans, cette institution se forge une solide réputation de centre de recherche sur le design. Fibre de verre, polyester : les matériaux passionnent Nanna et son nouveau mari. Le couple se sépare de l’institution un an avant la mort de Kurt en 1985.
Veuve pour la seconde fois, la créatrice finit par revenir au Danemark l’année suivante. Elle installe son studio à Copenhague et continue de dessiner des pièces qui lui apportent encore une fois un franc succès. Auréolée de sa déjà longue carrière, elle devient une figure tutélaire pour la jeune génération de designers scandinaves. Et au Japon, elle est considérée comme l’une des plus grandes designers de l’après-guerre…
En 1989, la créatrice conçoit A Bench for two, un fauteuil à double dossier décoré de motifs hypnotiques. L’année suivante, elle réinterprète les courbes de ce fauteuil pour créer la Butterfly. Cette chaise papillon présente des formes géométriques et des pieds reprenant la forme des ailes du coléoptère. En 1993, le succès est de nouveau au rendez-vous avec la chaise Trinidad, qui devient le best-seller de la maison danoise Fredericia Furniture.
A 75 ans, Nanna décide d’employer sa fille aînée quelques heures par semaine en 1995 afin de la préparer à reprendre l’entreprise, dont elle est aujourd’hui à la tête. Cela n’empêche pas la designer de continuer à dessiner, notamment des bijoux pour Georg Jensen jusqu’à sa mort le 17 juin 2005 à 82 ans.
En 2023, Fredericia rend hommage à Nanna Ditzel
Aujourd’hui, les droits de réédition de son mobilier, simple et décoratif, s’arrachent. La preuve, le Danois Mater a ressorti des cartons une chaise dessinée par Nanna et Jorgen en 1955 et désormais fabriquée en plastique récupéré dans les océans…
De la même façon, l’éditeur Fredericia a produit 100 exemplaires de la chaise Chaconia à l’occasion du centenaire de la designeuse. Conçue en 1962 et présentée au salon Cabinetmaker’s Guild la même année, l’assise n’avait jamais été produite.
Fabriquée en pin d’Oregon, Chaconia est enduite de laque afin de coller au style des pièces originales de Nanna Ditzel. Le coussin est cousu main et couvert du tissu Hallingdal, également dessiné par la designeuse. Comble du chic : chacune des 100 chaises porte une plaque de cuivre où est gravé un numéro de série … et la signature de la grande dame du design danois.