À quelle mesure bat le pouls du design à Mexico, dont la désirabilité chez tous les créatifs de la planète ne semble jamais s’éroder ? À vue de nez, pour qui déambulerait dans les colonias (quartiers) les plus à la mode de la ville – Roma Norte, Juárez, Condesa… –, les designers et autres décorateurs ont l’air d’être à la fête.
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Mexico à ciel ouvert
Les hôtels délicieusement aménagés pullulent, comme le San Fernando tout en nostalgie Art déco ou l’Ignacia et sa verve néoseventies. Chez les grands chefs mexicains – Elena Reygadas, Eduardo García… –, qui depuis quelques années trustent les classements mondiaux, c’est à qui aura le restaurant le plus épatant. Les décors sont aussi soignés que les mets: frises florales et chaises scandinaves pour Reygadas, garage 70’s pimpé pour García.
Avec, comme identité stylistique générale, une veine néomoderniste qui se jouerait de la tropicalité ambiante – plantes luxuriantes, bois sombres – tout en faisant la part belle aux artisanats du cru. Une vibe joyeuse, une fête dont on percevra toutes les tonalités lors de la 16e Design Week de Mexico, pas une simple « semaine », mais plutôt quatre, au cours desquelles les projets se dévoilent et les tendances s’aiguisent.
Comme toutes les Design Week de la Terre, le foisonnement fait loi. Mais quelques sections phares (Expo Territorio, Design House, Visión & Tradición, Inédito, Diseño Contenido) structurent la manifestation et départagent les exposants.
Dans le quartier verdoyant de San Miguel Chapultepec, à deux pas des maisons les plus iconiques de l’architecte Luis Barragán – la Casa Barragán et la Casa Gilardi –, un rude immeuble brutaliste des années 80 héberge la « Territorio Galería », cœur battant de la Design Week. C’est là une qualité de la scène créative de Mexico, faire des architectures du XXe siècle qui constellent la ville, en plus ou moins bon état, d’insensés écrins.
L’exposition principale de la Design Week se déploie là, entre ces murs de béton, et si son thème « diseñando el futuro » (dessiner le futur) n’est pas d’une ébouriffante originalité, il a le mérite de porter loin les regards. La section Design House, elle, prend place chaque année dans une villa différente, dont les designers sont invités à investir les pièces.
La maison choisie pour l’édition 2024 est une demeure de luxe du célèbre architecte contemporain mexicain Carlos Herrera. En 2023, Design House occupait les murs d’une pépite moderniste du quartier de Lomas de Chapultepec, coin très sélect des confins ouest de l’agglomération.
Pour Visión & Tradición, direction l’extraordinaire Musée national d’anthropologie, chef-d’œuvre mêlant béton brut et esthétique précolombienne que l’architecte Pedro Ramírez Vázquez a érigé à la fin des années 50. À chaque édition, la section y invite un pays et un État mexicain afin que designers et artisans d’ici et là-bas collaborent.
Cette année, ce sont la Colombie et l’Aguascalientes, un petit État du centre du pays. On pistera, entre autres, les objets que Simón Ballen Botero, designer colombien installé à Mexico, épris de formes pures, a pensés en synergie avec Qüenca, duo d’artisans du bois d’Aguascalientes, ou les créations textiles que Camila Pardo Gómez, designeuse de Medellin à l’esthétique néo-Bauhaus, a inventées avec la tisserande et designeuse mexicaine Guadalupe Romo Aguilar.
Diversité culturelle
Un retour aux techniques ancestrales, encore très vivaces au Mexique, que tous les studios de design en vue de la capitale plébiscitent. Pressentis pour exposer à Design House, les frères Salvador et Enzo Compañ, sous la griffe Lørdag & Søndag, contractent ainsi avec un vannier de l’État du Querétaro pour créer d’oniriques lampes-serpents en osier avec un tailleur de pierres volcaniques de Puebla qui leur façonne de petites créatures décoratives…
Le studio et showroom des deux frères est installé dans une bâtisse moderniste un peu décatie de la colonia Doctores, quartier mêlant taquerías bon marché et créatifs de tous bords. À l’étage, Salvador possède aussi un salon de tatouage. La colonia Doctores, c’est là encore que Cada Estudio, agence de design fondée par l’architecte-paysagiste française Astrid Diehl Sykes, associée au designer mexicain Joaquín Fierro, s’est installée.
Pour la section Inédito de la Design Week, où sont dévoilées dans un pavillon de verre et de brique du parc Chapultepec des créations inédites, les deux artistes dévoileront leur collection « Peltre », à base d’émaux et d’acier, évocation du mobilier médical d’antan. La Design Week de Mexico, c’est aussi un bazar du design en plein air.
L’installation « Diseño Contenido » prend place les 12 et 13 octobre dans les allées du parc Lincoln, chic poumon vert du quartier Polanco. Designers et artisans y proposent des pièces pour tout budget dans des conteneurs reconvertis en échoppes. Et les Design Tours, balades guidées qui vous font baguenauder d’un atelier de charpenterie à un vénérable magasin de meubles, d’une agence pointue de design à un maroquinier, vous ouvrent certaines portes qui, hors Design Week, restent closes.
Il faudra encore, dans la multitude d’initiatives dont foisonne le off de cette « semaine », passer une tête dans les quelques galeries de Mexico qui ont fait du design le cœur de métier. Chez MASA, notamment, sise entre les murs d’une belle demeure hispanique, ou chez AGO Projects, galerie installée dans un modeste building de bureaux mais dont les vues sur le mythique Paseo de la Reforma sont à tomber.
À l’intersection des disciplines, AGO Projects collabore parfois avec Tatiana Bilbao, l’une des architectes les plus en vue de la ville, dont l’agence se trouve dans le même immeuble, ou encore avec le cabinet prospectif APRDELESP.
Lequel, durant la Design Week, proposera chez AGO Projects une ligne d’accessoires dédiée à la connectique: rallonges, prises multiples et autres interrupteurs d’auteur au programme, métaphore d’une métropole où, de toute part, la scène du design vous électrise.
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