Face aux défis imposés par le changement climatique, designers et architectes tentent de trouver de nouveaux matériaux plus durables et respectueux de l’environnement. Le coquillage, rebut de l’univers de l’alimentation, mais exosquelette délicat issu des fonds marins, se taille une place de choix dans le monde de la décoration et de l’architecture.
La Toilette aux coquillages de Paul Bonlarron
Honoré lors de la dernière édition de la Design Parade Hyères par le prix du Mobilier National, Paul Bonlarron nous invitait, avec sa Toilette aux coquillages, à reconsidérer la place des mollusques dans nos intérieurs et à redécouvrir l’art délicat et poétique de la rocaille.
Initié au XVIIe siècle, cette pratique consistait à assembler coquillages et roches pour donner naissance à des grottes artificielles et oniriques, dans des parcs ou des palais. Une grammaire esthétique que s’est approprié Paul Bonlarron dans une version contemporaine, à travers plusieurs procédés : un miroir de nacre qui joue avec le reflet de coquilles argentées et miroitantes, ou encore une splendide applique réalisée avec une technique de gravure au vinaigre.
La géoverrerie de l’Atelier Lucile Viaud
Ce précieux cabinet présentait aussi le travail passionnant de l’Atelier Lucile Viaud, spécialisé dans la géoverrerie— soit la conception de verres à partir de ressources naturelles et locales dont le coquillage fait partie. Ainsi, le Verre marin Glaz est conçu à partir de coquilles d’huîtres bretonnes ou de coquilles d’ormeaux. Quant au Verre de Rouergue, il a été réalisé avec des coquilles d’escargot. A ces différents verres s’ajoute le plâtre de mer composé lui aussi de déchets comme des coquilles d’huîtres ou de bigorneaux. Des nouveaux matériaux qui s’invitent dans nos intérieurs avec sa marque Ostraco, par le biais de l’art de la table.
Le coquillage façon porcelaine de Natural Material Studio
Un univers aussi investi par le bureau de design Natural Material Studio. Dirigé par la designer Bonnie Hvillum, celui-ci récupère les déchets, ou plutôt les restes de coquillages du Noma, considéré à plusieurs reprises comme le meilleur restaurant du monde. Le résultat ? Une matière qui rappelle celle de la porcelaine, du corail, plusieurs types d’argiles et permet des effets de glaçure. La collection Shellware a été co-réalisée avec le céramiste Esben Kaldahl, .
La revalorisation des déchets coquilliers de Malàkio
Tout aussi respectueux de l’environnement, le projet Malàkio est porté par deux Bretons, Morgan Guyader et Hugo Kermarrec, en quête de sens et d’innovation. Constatant le peu de systèmes de revalorisation des déchets coquilliers en France et la difficulté à trouver des matériaux durables, le designer Morgan Guyader a imaginé, lors du confinement, un composite à base de déchets coquilliers. Un nouveau matériau composé d’environ 60% de coquillages et d’une matrice minérale à 40% était né.
Collectées localement puis broyées en Bretagne, les coquilles peuvent avoir plusieurs granulométries, permettant ainsi de personnaliser cette matière à l’impact carbone faible et qui nécessite une consommation énergétique approximativement neutre. Celle-ci peut être utilisée dans une gamme de petits objets mais aussi des projets de plus grande envergure sur mesure allant du comptoir au plateau de table.
L’éco-verre durable de Lulu Harrison
Si les coquilles de mollusques peuvent être des déchets dont on ne sait que faire, certains coquillages peuvent être de véritables nuisances. C’est le cas des moules quagga, une espèce qui cause bien des problèmes dans les tunnels de transfert de la Thames Water — l’entreprise chargée de la gestion de l’eau potable et des eaux usées de la capitale britannique.
Responsable de blocage, cette espèce envahissante est très coûteuse à éliminer et finit généralement dans une décharge. Soutenue par Thames Water, Lulu Harrison, étudiante à la vénérable Central Saint Martins, a créé un éco-verre durable 100 % londonien et conçu à partir des coquilles de ce sous-produit naturel mais nuisible.
Baptisé “Thames Glass”, le projet a été co-réalisé avec les architectes Katerina Dionysopoulou et Billy Mavropoulos du studio Bureau de Change. Ils y ont vu un potentiel qui conviendrait à des réalisations de type architecturale pour des fenêtres ou des verrières. Présentés à l’occasion de la dernière édition de la London Craft Week, ces carreaux de verre affirment leurs origines 100% britanniques. Ils s’habillent en effet de motifs inspirés de l’ornementation des pots de cheminée en terre cuite produits au milieu du 19e siècle au Royaume-Uni. Un procédé qui fait entrer l’utilisation du coquillage dans une autre dimension, celui de l’architecture.
Le terrazzo marin par Ostrea
Pour un sol en huîtres, moules ou St-Jacques, retour en Bretagne, avec la marque Ostrea qui donne une seconde vie à cette ressource naturelle, issue du monde agroalimentaire, à travers un éco-matériau conçu dans la région : le terrazzo marin. Pas question d’éclat de marbre mais de paillettes de coquillages qui habillent ces dalles personnalisables grâce à l’ajout de pigments naturels. Ce matériau recyclable, ignifugé, résistant aux rayures, à l’eau et aux tâches, fait passer le délicat coquillage du statut d’objet poétique à celui d’élément de construction robuste et éco-responsable.