Matali Crasset, totalement Aware

L’anglais « aware » signifie « prendre conscience et être concerné par une situation». C’est aussi l’acronyme d’une association qui travaille à rétablir la parité homme-femme dans le récit de l’histoire de l’art. En sollicitant la designer Matali Crasset pour réaménager ses locaux parisiens dans l’ancienne adresse de l’artiste russe Marie Vassilieff, l’organisation avait l’assurance d’une écoute avertie.

Connaître Sofonisba Anguissola (1532-1625) ou Cindy Sherman (1954-) ne suffit pas. S’il existe des artistes femmes renommées comme des stars, on voit encore des expositions minorer leur apport dans l’histoire de l’art. Ruth Asawa (1926-2013) ou Amrita Sher-Gil (1913-1941) ont eu des parcours aussi riches que ceux de Louise Bourgeois (1911-2010) ou Niki de Saint Phalle (1930-2002), mais qui les connaît ? Pour mettre en lumière le travail d’un grand nombre d’entre celles qui ont œuvré aux XIXe et XXe siècles, Aware a été cofondée en 2014 par Camille Morineau, historienne de l’art spécialiste de l’histoire des femmes artistes.

Un univers graphiquement coloré

L’association a emménagé cette année à Montparnasse, là où Marie Vassilieff (1884-1957), peintre et sculptrice d’origine russe, possédait son atelier et a ouvert une académie. Les archives de l’organisation sont accessibles sur rendez-vous à tous les chercheurs et étudiants. Mais une rénovation s’imposait. À la baguette, Matali Crasset. D’entrée, les sièges bas, orange ou verts, tels des poufs avec des poignées de sac, évacuent avec sérieux toute grisaille. L’aurore graphique stylisée peinte au mur rappelle comment la designer use de la couleur pour investir les lieux de façon aussi convaincue que le peintre américain Peter Halley avec qui elle a collaboré.

Jaune fluo et vert acide, là où la designer passe, l’ordinaire trépasse.
Jaune fluo et vert acide, là où la designer passe, l’ordinaire trépasse. Philippe Piron / Matali Crasset

On est là dans un espace de discussion qui permet également d’écouter des archives, d’assister à des projections ou de recevoir les groupes scolaires. À l’étage, trois mille livres déploient leur science dans des rayonnages colorés. Des conférences peuvent s’y tenir avec la même simplicité que dans une bibliothèque de quartier, si ce n’est que la couleur y est omniprésente : jaunes, les montants de bibliothèque, jaunes, les chaises.

Ce centre porte le nom de Delphine Lévy (1969-2020), fondatrice de Paris Musées, entité qui regroupe les quatorze musées appartenant à la Ville de Paris et à la tête desquels elle avait pensé à promouvoir des femmes. Un studio peut également recevoir en résidence chercheuses ou curatrices… ainsi que leurs homologues masculins venus étudier aussi bien l’art des femmes que l’art féministe. Voilà c’est dit, l’adjectif ne doit pas faire peur. Idem pour le design. Féminisme et design, deux combats contre le machisme, contre la laideur.

Aware. Villa Vassilieff, 21, avenue du Maine, 75015 Paris. Tél. : 01 55 26 90 29. Awarewomenartists.com

Pour Aware, lieu où découvrir l’histoire de l’art dans la parité, tout reste fonctionnel mais lumineux.
Pour Aware, lieu où découvrir l’histoire de l’art dans la parité, tout reste fonctionnel mais lumineux. Philippe Piron / Matali Crasset