Pourquoi êtes-vous initialement partis en Chine ?
Je quittais un certain esprit parisien où l’on se suffit un peu à nous-mêmes, dans l’excellence d’un entre-soi cerclé. Je déteste ce genre de trucs ! Pour moi, c’est important d’aller voir ailleurs, d’apprendre, de se prendre une claque. La vie a fait ensuite que Delphine et moi sommes revenus vivre à Paris.
Comment est née Maison Dada ?
Il y a un an et demi, Delphine et moi avons créé Maison Dada à Shanghai, où nous avons vécu onze ans. C’était un peu une extension de Dariel Studio, l’agence de design que j’avais fondée. Nous faisions de l’architecture d’intérieur et du design produit pour des marques. Nous avons vu là-bas qu’il y avait de belles choses à faire en Chine sur le plan de l’artisanat et du design. Le « made in China » est loin d’être forcément horrible !
Pourquoi ce nom de Maison Dada ?
Ce qui m’intéresse, c’est le côté dadaïste, très libre. Mélanger, essayer les choses sans limites. Travailler avec Arik Levy ou Neri & Hu. Notre rocking-chair pour enfants m’a été inspiré par l’ingénieur Jacques Carelman (1929-2012), inventeur un peu loufoque de la cravate-culotte et de la poussette-télé. Le pas de côté m’a toujours intéressé.
Les savoir-faire artisanaux chinois ont-ils été préservés ?
Certains ont été préservés, dans les tapis par exemple. Les Chinois ont aussi une culture millénaire de la céramique. La période de la Révolution culturelle a tout aplati au profit de l’industrie. Et même après, l’artisanat n’était pas la priorité. Mais certaines familles ont préservé leurs techniques.
Comment fait-on du design contemporain avec des techniques artisanales chinoises ?
Nous avons eu envie de les utiliser en faisant des échanges entre artisans ou en invitant des designers extérieurs. C’est le propos même de Maison Dada. Designer moi-même, j’ouvre la marque à d’autres créateurs, chinois ou européens, designers ou artisans. Pour faire se rencontrer par exemple porcelaines de Jingdezhen et de Limoges sur le même vase.
Tout ce qui est présenté dans votre nouveau showroom parisien est-il fait en Asie ?
Oui, nous avons là-bas notre atelier pour contrôler la qualité de tout. Impossible d’avoir un prototype parfait et de récupérer 200 pièces faites à la main avec la moitié à jeter…
Comment s’est montée votre première collection ?
Je l’ai dessinée moi-même ! Pour la deuxième, nous avons travaillé avec des designers très différents comme Wuu Design Studio. Très connus en Chine, ils ont dessiné notre grand miroir Looking for Dorian et nous présenterons leurs nouvelles pièces en janvier à Maison & Objet. Nous avons aussi travaillé aussi avec Arik Levy pour les tables Paris-Ming et un bureau. Nous collaborerons bientôt avec Kiki Van Eijk… Tous ces designers cultivent un lien fort avec l’artisanat. Nous avons de projets avec des designers chinois peu connus en Europe comme Mario Tsai par exemple. Il n’est pas rare qu’ils aient étudié en Europe dans d’excellentes écoles dont ils sont revenus décomplexés, aussi chinois qu’internationaux.
L’architecte franco-argentin Marcelo Joulia nous a dit un jour qu’on mésestimait le nombre de designers chinois qui sortaient chaque année, diplômés des écoles du pays.
7 000 par an, un chiffre à la hauteur du marché chinois. Même si tous ne deviennent pas forcément designers. Comme en France, du reste.
Travailler entre Paris et Shanghai pose-t-il des problèmes de communication ?
Non, en ce moment, je suis assez fier de voir Thomas Dariel Studio travailler avec Moroso. Avec Patrizia (Moroso), nous travaillons vraiment sur l’artisanat chinois pour une collection que nous présenterons en avril 2018 à Milan. On y intégrera du cloisonné et de la céramique chinoise, de la laque sculptée en relief à la main. L’idée est d’avoir chez un éditeur italien quelque chose qui rappelle un autre type d’artisanat.
C’est du design qui tend vers l’échange culturel…
Et pas seulement en buvant des coupes de champagne à Paris ! Le peintre et designer Abdou Salam Gaye, mari de Patrizia Moroso, pilote par exemple un atelier de plus d’une centaine de personnes à Saint-Louis (Sénégal) où la façon de travailler ensemble rend le produit plus intéressant. Le fil de pêche est le seul matériau utilisé. Il est tressé d’une telle façon que les designers, de Patricia Urquiola à Sebastian Herkner, peuvent en faire des créations extraordinaires.
Votre histoire familiale vous prédestinait au design, non ?
Mon arrière-grand-père, Pierre Dariel, était professeur aux Arts décoratifs à Paris. Il a notamment travaillé avec Robert Mallet-Stevens avec qui il était associé pour l’édition de son mobilier.
Qu’allez-vous faire cette année ?
Nous allons développer des partenariats, notamment un bougeoir et un porte-senteurs en collaboration avec Cire Trudon qui seront vendus chez eux. Nous venons de lancer dans notre showroom de Shanghai des bibliothèques sur pied, en bois ainsi que des chevets aux tiroirs comme des boîtes superposées. Il y a aussi le fauteuil Madame Aï et des objets de décoration comme le buste This is not a self portrait. Sans oublier la nouvelle collection de tapis ou la lampe Dali Divina. Tout cela sera présenté à Maison & Objet en janvier.
Est-ce bien raisonnable de faire une coiffeuse ?
Certes, c’est un objet bourgeois, mais qui se vend très, très bien ! Dans les mois à venir, je vais d’ailleurs travailler sur les objets disparus, comme les écritoires. Tout sera fait à la main.
Maison Dada, 34, rue saint Dominique, 75007 Paris. Sur rendez-vous. Tél. : 09 80 96 24 94. www.maisondada.com