Comment construire sa maison pour 2050 ?

Qu'il s'agisse de rénover ou de construire sa maison, on ne peut plus éclipser aujourd'hui l'enjeu environnemental de l'architecture. Face au changement climatique, quelles recommandations suivre afin de vivre dans une maison qui répondra à vos besoins en 2050 ? Enquête.

Le monde du bâtiment est l’un des secteurs les plus polluants de la planète. Le secteur doit également embrasser des enjeux de taille, face aux impératifs climatiques. Des enjeux qu’a tenu à souligner l’Union Européenne via des objectifs ambitieux, consistant à réduire de 55% les émissions de CO2 d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Alors comment rénover ou construire sa maison, tout en répondant aux nécessités de demain ? Architectes et spécialistes nous ont donné des éléments de réponse afin de comprendre comme penser sa maison pour 2050.

Agence de l’Atelier du Pont
Agence de l’Atelier du Pont Fred Delangle

Il est des questions qui semblent compliquées et dont les réponses une fois énoncées semblent évidentes. Interrogée sur l’habitat de demain, l’architecte Marlice Alfera est sans appel : « La maison la plus écologique, c’est celle qui existe déjà. La France est un pays très construit, donc il est intéressant de se pencher sur le bâti existant, de l’améliorer en termes de rénovation thermique, ou alors si besoin, faire de l’extension, de la surélévation.» En effet, s’appuyer sur une structure déjà existante diminue les émissions polluantes.

Mais que faire quand l’étape travaux est incontournable ? Anne-Cécile Comar de l’Atelier du Pont, qui vient de livrer les bureaux de son agence toute de bois vêtue, dans le 11e arrondissement de Paris, préconise d’utiliser des matériaux de construction qui sont biosourcés. Par biosourcé, il faut comprendre de la matière organique renouvelable (biomasse), d’origine végétale ou animale. Des matériaux à l’empreinte environnementale favorable, car pouvant stocker du carbone, où le bois règne en majesté.

En plus d’être biosourcés, les matériaux rêvés sont également géosourcés, locaux et disponibles au plus près de chez soi afin de limiter les émissions liées au transport. « Il faut chercher de la ressource locale» insiste l’architecte.

Terre crue et réemploi

Dans cette famille de matériaux, Marlice Alfera souligne les vertus de la terre crue pour concevoir une maison pour 2050 : « C’est un matériau que l’on a un peu oublié au siècle dernier, parce qu’associé à la construction paysanne ou à la construction en milieu rural. Mais dans des régions comme celle de Rhône Alpes, il y a des bâtiments complets en terre crue.»

Les avantages de la terre ? « C’est un produit très peu transformé, disponible sur place. Il est possible d’excaver un terrain et d’utiliser la terre d’excavation, pour la compacter sur place ». Un procédé qui présente d’excellentes propriétés d’isolation et d’hygrothermie, assure-t-elle.

Maison Tecla
Maison Tecla Iago Corazza

D’autant que la technique s’accommode tout à fait avec l’esthétique de son époque, comme le prouve la Crèche 24 berceaux, conçue par Régis Roudil Architectes. Logée dans le jardin du Palais de l’Alma à Paris, la bâtisse a été en partie conçue avec du pisé, qui n’est autre que de la terre crue compactée. Autre preuve de la pertinence de la matière au XXIe siècle, la maison TECLA de Mario Cucinella Architects, toujours construite avec cette même terre, à l’aide de l’impression 3D.

Crèche 24 berceaux par Régis Roudil Architectes
Crèche 24 berceaux par Régis Roudil Architectes  11h45

Dans le domaine du bâtiment, il est « un autre sujet dont les gens n’ont pas conscience aujourd’hui, ce sont les filières de réemploi» évoque Anne-Cécile Comar de l’Atelier du Pont. « In situ, si on déconstruit un bâtiment, ou ex situ avec des filières qui proposent des matériaux en réemploi qui diminuent le bilan carbone.» Ainsi, pourquoi ne pas récupérer des éléments de plomberie sur le Bon Coin ou bien une charpente en bois sur le site Cycle Up, une plateforme qui s’est spécialisée dans la seconde main du bâtiment ?

Pour une architecture frugale et mutable dans la maison de 2050

Une attitude frugale qu’a choisi d’embrasser Marlice Alfera dans la rénovation de son propre appartement parisien. Ce 25 mètres carrés se démarque via sa chambre que l’architecte a encapsulée dans des panneaux de plastique, inspirée par le shoji, ces panneaux de papier montés sur une structure en bois typique de l’architecture japonaise. Quant à la salle de bain, fonctionnelle avant les travaux, l’architecte a choisi de ne pas y toucher, soucieuse de limiter son empreinte carbone.

Une architecture frugale, mais aussi inclusive et durable, ne se résume pas uniquement à ses matériaux « mais aussi à ses usages», ajoute Marlice Alfera. « Ce à quoi les architectes s’intéressent aujourd’hui, c’est la modularité des usages en faisant des logements évolutifs.» Ainsi, au lieu de changer de logement quand une famille évolue, elle pourrait y rester « en décloisonnant ou en recloisonnant à l’envi. Pour cela il faut réfléchir aux questions structurelles, avec des plateaux qui sont très ouverts, avec des structures peu cloisonnées et peu d’éléments porteurs en intérieur.»

Logement Shoji par l’architecte Marlice Alfera
Logement Shoji par l’architecte Marlice Alfera Marlice Alfera

Quant à Anne-Cécile Comar, elle évoque la mutabilité d’un bâtiment, qui « passe, par exemple, de bureaux à logements. C’est intéressant de ne pas avoir à démanteler le bâtiment dans le futur. Cela a un impact sur la structure. Ainsi notre agence présente des niveaux plus bas que les standards, qui conviendraient très bien pour du logement mais aussi une structure poteaux/poutres que l’on peut cloisonner comme on veut. C’est intéressant pour la vie du bâtiment qui peut évoluer selon la conjoncture ou les plans d’urbanisme.» Elle rappelle alors les nombreuses vies des bâtiments Haussmann, qui, conçus initialement comme des logements, sont devenus bureaux. « Cela a fonctionné dans un sens, alors pourquoi pas dans l’autre?»