A l’heure du métavers et de l’impression 3D qui ne cessent de redéfinir les règles du design et de l’architecture, la designeuse Lulu Lafortune s’offre un univers délicieusement désuet, pensé pour la génération Z.
A rebours de la consommation de masse
La philosophie de William Morris retaillée pour le XXIe siècle ? C’est ce que semble nous proposer la Californienne à l’origine de cette marque espiègle, en mariant d’anciennes techniques d’artisanat à des procédés et esthétiques contemporains. Le résultat de cette heureuse union ? Le fauteuil «Morris», recouvert de mohair bleu et complété par une frange en lingot de soie, ou encore l’«Ambrose» qui offre un nouveau souffle aux traditionnelles assises capitonnées.
Deux ans, c’est l’âge de la jeune maison d’édition initiée par la créatrice, passée par le studio Kelly Wearstler. Après avoir perdu son emploi en pleine pandémie, elle donne naissance à Lulu LaFortune Limited. « J’ai pu réfléchir à ce en quoi je croyais en tant que designeuse. J’ai décidé de me lancer parce que je pense qu’il est primordial de vendre des articles qui sont faits pour durer mais aussi pour refléter les nouveaux fondamentaux du design. C’est un principe tout aussi important que de fabriquer des produits à partir de matériaux recyclés.» Cette ancienne étudiante en mode souligne aussi la nécessité «d’arrêter la propagation du «fast furniture» (cousin de la «fast fashion», ndlr) et de promouvoir des objets qui se transmettront de génération en génération.»
La transmission est une notion que la designeuse de 25 ans a étudié : «J’ai interviewé des dizaines d’individus et leur ai demandé pourquoi ils gardaient un meuble et pourquoi ils le transmettaient. Souvent, c’était un attachement émotionnel à une pièce qui leur rappelait un être cher ou une maison dans laquelle ils vivaient. En fin de compte, cette recherche m’a conduite vers le mouvement Arts and Crafts, et son leader, William Morris. Cette façon de penser m’a invitée à réfléchir constamment sur le passé lors de la conception d’un produit, notamment concernant les techniques d’artisanat et les matériaux. Je mets un point d’honneur à fusionner ces anciens procédés avec le design et la technologie modernes.»
Made in LA
Un goût pour le désuet, et notamment pour les arts décoratifs français, qui se manifeste dans ses créations, toutes fabriquées à la main par des artisans à Los Angeles: « La lampe de table «Watts» est une contradiction parfaite entre matériaux industriels et couleurs joyeuses. La base en aluminium enduit de poudre est une réinterprétation du design de treillage français, avec du métal (…) Elle porte le nom de Mary Watts, qui était une artiste et une suffragette dont le travail comprenait aussi une iconographie féministe, notamment des statues de Jeanne d’Arc et des bannières en soie utilisées dans les marches des femmes.»
Lulu Lafortune souligne que ses créations portent souvent le nom de femmes, à l’image de sa future collection de verres, «The Tiffany Girls». «Chaque modèle portera le nom d’une femme qui a eu un rôle déterminant dans la création des lampes Tiffany.» Une évocation charmante du passé en total inadéquation avec son temps ?
«C’est ce que j’aime le plus dans la conception de meubles, la contradiction ! Des techniques anciennes aux couleurs vives, des références historiques avec des fonctionnalités modernes : c’est l’attitude de la tendance «grand-millennial», qui pour moi permet à un spectateur de donner un sens à ma marque. Je travaille néanmoins à la transformation de mes pièces en NFT(afin qu’elles soient) disponibles pour n’importe quel espace numérique. Jusqu’à présent, les retours ont été si positifs et j’ai hâte de proposer des meubles de luxe dans ce contexte!».
> Lulu LaFortune, site web ici.