Pour un designer, la rémunération vaut aussi reconnaissance de son travail. Le Français Mathieu Lehanneur a coutume de dire : « Tout se négocie. » Qu’en pensez-vous ?
Mathieu a raison. Néanmoins, le système des royalties est une belle idée. Le problème, c’est celui du pourcentage qui est souvent très bas. La vérité, c’est que j’ai cessé de me plaindre. Négocier ses droits est normal. Une collaboration suppose des rapports honnêtes. Si tous les designers disaient « Si vous voulez travaillez avec moi, voici mes règles, si vous ne les acceptez pas, adressez-vous à quelqu’un d’autre », la question serait vite réglée. Sauf que pas mal de designers ne se battent pas uniquement pour faire de bons produits. Ils se démènent d’abord pour paraître dans la presse, surtout la jeune génération. Et c’est très dangereux.
En quoi, le design « pour la presse » est-il si dangereux ?
Le design ne se fait pas tout seul, il se construit avec des industriels, lesquels ne sont pas si nombreux à avoir une vision. A jouer les intransigeants avec les éditeurs, on laisse le champ libre aux moins bons designers.
Débutants, des designers comme Alfredo Häberli ou les frères Bouroullec se rencardaient auprès de leur aîné Ross Lovegrove. Il les encourageait à ne pas se solder.
J’ai rencontré Ross à mes débuts chez Salviati. C’est l’un des rares à m’avoir donné des clefs du métier. Avec Fabio Novembre et Jean-Marie Massaud. Ces trois-là m’ont vraiment aidé. Ross m’a même envoyé ses propres contrats à titre d’exemple. Pour m’indiquer la voie. Vous imaginez la générosité qu’il faut pour partager ce genre d’informations ?
En même temps, lors notre première interview en 2010, vous évoquez la jalousie des designers en Italie…
Ils sont même super jaloux ! Je peux comprendre le protectionnisme du créateur mais cela procède d’une mentalité dépassée. Etre le petit roi de son domaine ne dure qu’un temps. Ce n’est rien au niveau de l’histoire du design. Il faut aussi penser à transmettre. Tout dépend de si vous êtes designer pour devenir riche ou si c’est votre passion. Je me considère chanceux d’avoir ma passion pour métier. Par ailleurs, j’ai ma famille, ma maison… Pas besoin de château, je suis content comme ça.
Qu’est-ce qui vous plaît aujourd’hui dans votre métier ?
Partager ma passion en lui donnant une valeur. Je parle de richesse pour soi, pas simplement d’argent, mais d’idées à partager.