L’alerte a été lancée il y a plusieurs années dans les écoles d’art et de design françaises. Elle a pourtant été ignorée. Poussées à bout, plusieurs écoles d’art et de design publiques en danger – à Lyon, Bordeaux, Toulouse, Angoulême, Valenciennes notamment – ont lancé une mobilisation pour dénoncer le désengagement de l’État face à leurs difficultés économiques. Leur cri ? « Sans argent public, pas d’écoles publiques !».
Des précarités budgétaires
Activités réduites, frais d’inscriptions en hausse, précarisation du personnel, suppressions de postes… Les écoles d’arts et de design en France font face à une véritable crise.
Les grèves visent des financements stagnants et mal distribués depuis plus de 10 ans, en parallèle de l’augmentation des coûts de l’énergie liée à la guerre en cours en Ukraine. Un ensemble de facteurs menaçant la qualité de l’offre et, dans certains cas, la survie des instituts, qui comptent aujourd’hui 11 000 étudiants sur le sol national.
C’est le cas de l’EESI Angoulême-Poitiers où huit postes d’enseignants risquent de ne pas être renouvelés. L’ESAD Valenciennes – la plus ancienne des écoles d’art et de design de France, fondée en 1782 – est menacée de fermeture. Vu la projection budgétaire critique pour l’année prochaine, son concours d’entrée 2023 a été suspendu pour assurer l’obtention du diplôme des étudiants actuellement inscrits. L’ENSA (École nationale supérieure d’art) de Bourges est également en mauvaise posture. Elle est en effet installée dans un bâtiment fermé en partie depuis environ un an et demi pour raisons de sécurité, alors que la réhabilitation du site historique de l’école est estimée à 15 millions d’euros. À l’ESAD (École supérieure d’art et de design) de Tours-Angers-Le Mans, tout comme à Brest, les coupures de budget ont même amené les directeurs à donner leur démission.
Un problème de statut
Cette situation critique vient du statut même des écoles. Sur 45 instituts au total, seulement 10 sont gérés et financés par l’État. Les 35 autres, appelées écoles « territoriales», sont en grande partie (88%) à la charge des collectivités territoriales. Malgré les financements et les bénéfices bien moindres dérivants de cette condition – si les boursiers des écoles nationales sont exonérés des frais d’inscription, par exemple, ce n’est pas le cas des boursiers des écoles territoriales – elles délivrent les mêmes diplômes que ceux des écoles nationales et sont tenues d respecter les mêmes exigences et préconisations définies par le ministère de la Culture et par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hceres). D’ici leurs difficultés et leurs demandes d’aide.
Les initiatives se multiplient
Toutefois, les écoles d’art et de design en danger ne lâchent rien. Une pétition sur change.org pour demander à l’État « l’égalité de traitement pour l’ensemble des écoles d’art et de design sous sa tutelle»a été signée par plus de 1300 personnes. Deux différentes tribunes sont parues sur Mediapart et dans Libération. Un cadre inter-organisations rejoint par 9 syndicats et collectifs, Écoles d’art et de design en lutte, s’est formé en ligne. Dans leur « Lettre ouverte au ministère de la Culture», signée par les étudiants et personnels de instituts mobilisés aussi, ils demandent « l’accroissement des aides aux étudiants, le remboursement des frais d’inscriptions pour les étudiant·es boursier·es, réfection des bâtiments, la révision du statut des EPCC et la revalorisation des statuts de l’ensemble des personnels, notamment l’alignement des statuts des enseignant·es des écoles d’art territoriales et nationales». Un rendez-vous entre les présidences et les directions d’établissements et le gouvernement est prévu bientôt pour sortir de l’impasse.
> Une pétition a été lancée pour alerter sur la situation des écoles d’art et de design : pour la signer, c’est par ici.