Que suggère Soleia, la dernière création des Aqua Allegoria de Guerlain?
La bonne humeur ! Il paraît que certaines personnes n’aiment pas la couleur orange. C’est pourtant jovial. Cela évoque aussi le soleil, le sud de l’Italie, la Sicile…
A quelles matières correspondent ces images ?
Les matières me parlent, même quand je suis à jeun. Quand je vous dis que l’orange est gai, c’est mon feeling. Si je sens de la lavande, dans sa simplicité, dans son côté naturel, cela m’évoque quelque chose de simple, la vérité…
Les matières que vous utilisez s’associent chez vous à un ressenti immédiat…
Un ressenti, exactement ! L’analyse supposerait qu’on réfléchisse. Mais chez moi, c’est très spontané. L’approche émotionnelle par rapport aux matières utilisées, c’est toujours un feeling immédiat.
Quel univers avez-vous développé autour de Granada Silvia, l’autre création des Aqua Allegoria ?
Granada, c’est la grenade qui en soi ne sent pas très fort. Là, on crée autrement. L’association d’idées est moins immédiate, plus intellectuelle que le feeling spontané que procure une matière première. Granada, c’est une construction mentale basée sur la texture et la couleur rouge. Écrire une formule, c’est écrire une histoire. Mes mots sont les matières premières. Parfois, une phrase s’écrit d’un geste spontané, ce sera Orange Soleia. Ou alors vous jouez avec des idées, c’est Granada Silvia.
Associations spontanées ou compositions plus abstraites, êtes-vous pris entre deux feux ?
Non, je suis ambidextre, si l’on peut dire.
A partir des matières premières, vous orchestrez donc des ressentis…
Oui, mais ce qui me permet d’être précis, c’est la technique. J’ai 58 ans et j’ai débuté dans ce métier à 20 ans. Cependant, la technique n’est que l’aide de la création. On ne crée pas sans. Tout créateur vous le dira. Un art dont l’auteur dirait lui-même « Mon fils de 2 ans peut le faire », c’est non ! Il faut une évolution, une maîtrise. Les choses reposent pour moi sur un savoir-faire développé de façon empirique auquel s’applique mon expérience.
Peut-on parler d’écriture à propos de création d’un parfum ?
Je parlerais plus de traduction… L’émotion est traduite en odeur. On est obligé d’en passer par là. Mon mode d’expression, c’est le parfum. Je m’exprime comme cela. J’aurais été chanteur d’opéra, je m’exprimerais autrement. La seule chose que je sache faire, c’est ça. J’utilise les outils olfactifs que j’ai à ma disposition.