De la production locale à l’utilisation de matières biosourcées, certains designers imaginent des solutions durables pour le moins atypiques. C’est le cas du studio de design KOMUT qui esquisse du mobilier thermoplastique.
Entrepreneur dans le milieu de l’architecture et du mobilier urbain, Philippe Tissot fonde il y a quinze ans Taporo, une entreprise spécialisée dans les résilles de façade en béton. « À l’époque, nous utilisions des moules en silicone deux à trois fois pour couler le béton puis nous les jetions. Il fallait que je trouve une solution pour éviter ce gaspillage. »
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Face à ce constat, il commence à réfléchir à une solution pour remplacer le silicone. Avec son acolyte YuTyng — œil artistique de KOMUT qui vient du monde de la mode —, il a alors l’idée de l’impression 3D.
Un algorithme au centre de la conception
Pour concevoir le dessin du prototype, KOMUT n’a pas seulement besoin d’un designer. L’architecte Florian Cheraud a aidé le studio à concevoir un algorithme qui permet de transformer le dessin en parcours d’outils. Il explique : « Ici, nous passons d’un objet 3D à un langage machine, pour que le bras robotique de KOMUT puisse imprimer l’objet. »
Perfectionnistes, Philippe, YuTyng et Florian travaillent sans relâche sur cet algorithme. Le codage est pensé pour être accessible et modifiable. Lumière, chaleur, circulation… Chaque détail est mis en place dans le but de former un « ensemble cohérent et maîtrisé. »
« La conception d’algorithmes est une nouvelle manière de manipuler des représentations, autant des plans que de nouvelles formes d’abstraction. Tout cela s’inscrit dans la continuité de ce qu’est l’architecture. Je pense sincèrement que les futurs grands architectes du 21e siècle auront compris cela ».
Quand l’artisanat rencontre la technologie
À l’aide de l’impression 3D, KOMUT imagine des O.V.N.I.S aux lignes courbes. Grâce à ses bras robotisés venus d’anciennes machines qui servaient à concevoir des automobiles, la famille « Gloutons » forme du mobilier thermoplastique à la silhouette énigmatique. « Notre manière de concevoir est un retour à l’artisanat qui met en lumière l’artisan et son outil. »
À l’aide d’une technique de fabrication industrielle appelée extrusion – qui permet de transformer une matière solide en un composant plus souple – les couches de matières, ajoutées par addition, s’alignent les unes contre les autres. « Le flux de l’extrudeuse descend en permanence. En pilotant le robot, la buse au sol se déplace et forme des vagues […] Nous pouvons d’ailleurs varier les diamètres des formes. »
KOMUT s’entoure également d’un ingénieur en matériaux pour la réalisation de ses pièces de mobilier thermoplastique, qui surveille la pression, la température mais aussi les propriétés de la matière. Malgré le besoin perpétuel de robots pour la conception de leur mobilier, la conception reste un travail à quatre mains en ce qui concerne le design, la gestion du logiciel de conception et la phase de ponçage.
Un mobilier à impact positif
Remplacer une matière par une autre, telle est la devise du studio. Le mobilier de KOMUT se compose d’une mono-matière recyclable qui n’utilise aucun surplus. Exit les vis, les vernis et les laques, les créateurs ont pour objectif de valoriser le recyclage en circuit court et le zéro déchet.
« Quand le plastique est utilisé massivement, il devient durable. Nos meubles peuvent être utilisés pendant une centaine d’années. » Sous la forme d’une étiquette en polyester placée sur chaque pièce de mobilier thermoplastique, un QR code indique l’origine, les détails de réalisation et les consignes à respecter pour prendre soin du meuble.
Si 80% des matériaux utilisés— tels que le PETG ou le polypropylène – sont recyclés, le reste est biosourcé, à l’instar du maïs fermenté qui résiste aux intempéries. Le studio KOMUT se fournit essentiellement en France mais aussi au Benelux en ce qui concerne sa matière première.
« Le dernier bilan que nous avons fait en juillet 2022 indique que la production de KOMUT n’a pas d’impact sur les nouvelles émissions de gaz à effet de serre » se réjouit Philippe.
Les paillettes de PET – que le studio se procure dans le centre de tri où il est installé – sont ensuite envoyées dans un atelier à Crépy Levallois qui les recompactent afin d’homogénéiser la teinte. « Il existe tellement de variétés de plastique différentes, autant choisir celui qui convient pour chaque pièce de mobilier. » KOMUT sélectionne sa matière en fonction de la couleur, certes, mais aussi de l’utilité qu’il souhaite lui donner.
A chaque collection, sa thématique environnementale
Avec quatre collections au compteur, KOMUT a déjà imaginé une dizaine de pièces de mobilier intemporelles, modernes et durables. Allant de la table d’appoint à la chaise pour enfants, les séries « A4», « Aller-retour», «Kilometer» et « Paradise» développent toutes une thématique unique.
Et pour preuve, la collection « A4» dénonce le rejet carbone de la production de feuilles de papier, tandis que la gamme de pots « Paradise» appelle à la rêverie avec ses dégradés de couleurs. «Kilometer» dévoile un design organique et des formes infinies alors qu’«Aller-Retour» évoque l’économie de carbone réalisée par la conception de chacune des pièces de mobilier. Une nouvelle collection devrait bientôt voir le jour … Affaire à suivre !
> KoMut. 83 Rue Cartier Bresson, 93500 Pantin.