En 1960, l’adoption du traité de coopération mutuelle et de sécurité entre les États-Unis et le Japon chauffe l’asphalte de Tokyo. Pendant dix ans, d’importantes manifestations dans tout le pays vont contribuer à la constitution d’une solide avant-garde politique et artistique, avec les mouvements bruts et informels du Gutai et du Mono-ha. La prise de conscience antinucléaire après les catastrophes d’Hiroshima et de Nagasaki, la présence américaine à Okinawa et le projet de construction de l’aéroport de Narita entraînant l’expropriation de fermiers, poussent les créatifs de l’archipel à se libérer. L’audace est à l’happening et au butô, danse subversive qui conteste la culture traditionnelle et celle, en cours d’importation, de l’Amérique.
Ces pratiques iconoclastes et souvent violentes passionnent les photographes Takuma Nakahira, Yutaka Takanashi, Kõji Taki et Takahiko Okada, qui fondent, en 1968, le magazine Provoke : un manifeste constitué d’images et de documents qui invitent à la protestation et brisent les règles de la bienséance. Ces clichés flous, sales et granuleux transcendent la réalité et subjuguent les artistes et les intellectuels engagés de l’époque, dont Nobuyoshi Araki. « Ce mouvement a eu l’effet d’une bombe », a-t-il dit. Daido Moriyama les rejoindra pour le second numéro, jusqu’au troisième – et dernier. Après l’Albertina de Vienne et le Fotomuseum Winterthur (Suisse), cette anthologie de tirages limités est désormais réunie dans une exposition réalisée entre la France et les États-Unis, par Matthew S. Witkovsky pour The Art Institute of Chicago et Diane Dufour pour Le Bal, à Paris.
Au Bal, du 14 septembre au 11 décembre 2016.
www.le-bal.fr