Pour ce premier focus sur une scène artistique liée à un territoire, la Fondation Louis Vuitton expose les œuvres d’une vingtaine d’artistes chinois, issues de sa collection (Ai Weiwei, Huang Yong Ping, Yan Pei-Ming…) ou produites spécifiquement pour l’occasion. La conservatrice Laurence Bossé s’est attelée à ce pan particulier de l’accrochage. Aussi s’est-il agi pour elle de porter un regard neuf sur une scène en pleine mutation, mais qui, pourtant, a déjà fait l’objet de nombreuses expositions de groupe à travers le monde. Le prisme envisagé n’est donc pas celui d’une approche générationnelle ou répondant à une thématique précise. Au premier abord, la sélection partirait même dans plusieurs directions : des stars y côtoient des artistes émergents, la tranche d’âge s’étale de 28 à 52 ans, leur expérience de la société chinoise n’est donc pas la même, leurs médiums d’expression sont très variés (peinture à l’huile ou à l’encre, photographie, sculpture, vidéo, performance…). Et pourtant, l’exposition « Bentu » (« la terre natale ») évoque le besoin que ressentent aujourd’hui les artistes chinois de redécouvrir une identité (artistique) propre, notamment face au déferlement d’informations qu’ils ont à affronter depuis une vingtaine d’années. Elle souligne aussi leur appétit retrouvé pour une culture jadis forgée par une certaine spiritualité, le confucianisme notamment, et de la confronter à celle, plus globale, qui ne cesse de modifier la société chinoise. De Hao Liang, qui tente de trouver un écho contemporain à la pratique de la peinture à l’encre, à Cao Fei, qui ausculte les réseaux sociaux chinois, ou de Xu Zhen, qui met en regard les iconographies classiques, à Xu Qu, qui s’interroge sur les flux monétaires, à n’en pas douter, « Bentu » livre un regard neuf sur cette scène artistique. Un regard très éloigné de la « Mao nostalgia » porteuse d’une esthétique aux concepts un peu limités.
« BENTU, DES ARTISTES CHINOIS DANS LA TURBULENCE DES MUTATIONS » à la Fondation Louis Vuitton. 8, avenue du Mahatma-Gandhi, 75116 Paris. Jusqu’au 2 mai.
Sven Laurent - Let Me Shoot for You - Courtesy Almine Rech Gallery