L’appel du rail : quand voyager redevient un art de vivre

Le train n’est plus seulement un mode de transport : c’est devenu un manifeste. Du mythique Orient Express aux nouveaux palaces sur rails, le voyage reprend son sens. Loin des terminaux aseptisés, le chemin de fer réinvente le déplacement en célébrant la lenteur, le paysage et l’art de vivre entre deux destinations.

Qui n’a jamais rêvé de voyager à bord de l’Orient Express ou de rallier Venise en traversant les paysages enchanteurs des Alpes suisses ? Le voyage en train – mais pas à bord de n’importe lequel, certes – porte en lui quelque chose de magique. Une aura qui nous plonge immédiatement dans les romans d’Agatha Christie, nous propulse dans les wagons-bar nappés de blanc et nous fait fantasmer de malles Louis Vuitton. Alors que privilégier le rail est devenu indispensable, le voici qui renoue avec sa désirabilité d’antan, refaisant de la traversée une expérience à part entière, que l’on attend autant que sa destination.


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Sur les rails depuis 1876

Comme toutes les bonnes histoires, celle des trains de luxe commence par une légende… et un cœur brisé. Georges Nagelmackers, jeune ingénieur belge, s’enfuit aux Etats-Unis au lendemain d’un chagrin d’amour. Un voyage qui change sa vie. Depuis les années 1850, le nouveau pays encore divisé est déjà traversé par des lignes de chemin de fer qui accueillent les premiers wagons-lits de l’histoire.

La Reine Elizabeth II en voyage official de Sydney à Newcastle à bord du train royal, en 1954.
La Reine Elizabeth II en voyage official de Sydney à Newcastle à bord du train royal, en 1954. museums-of-history-new-south-wales

Des couchettes sur rail qui décident Nagelmackers, à son retour en Belgique à lancer son entreprise de trains de luxe reliant l’Europe aux portes de l’Orient. En 1875 est donc lancée la Compagnie Internationale des Wagons-Lits. Un projet de rames ultra confortables dont le beau décor n’a rien à envier à la qualité des (nombreux) services proposés à bord. L’Orient-Express était né.

Le départ inaugural a lieu en octobre 1883 et les premiers passagers rejoignent Constantinople en une semaine. Le succès est au rendez-vous, Georges Nagelmackers ayant rendu les fantasmes de l’Orient accessibles en seulement quelques jours. Le visionnaire construit des hôtels pour prolonger l’expérience de ses clients puis, en 1919, dévoile la nouvelle voie du Simplon-Orient-Express rattachant Paris à Istanbul, en passant par le tunnel du Simplon, en Suisse, Milan et Venise.

La compagnie continue de prendre de l’ampleur, tout comme le luxe de ses wagons dont la décoration est confiée à René Prou et au maître verrier René Lalique. D’autres acteurs décident alors de surfer sur la vague de ces voyages au long cours. Pourtant, en 1977, le pionnier que fut l’Orient-Express s’élance pour son ultime périple. L’avion a eu raison du train, la rapidité l’a emportée sur la beauté des panoramas qui demandent de prendre le temps.

« L’un des plus grands luxes est devenu le temps »

Près de cinquante ans plus tard, le chemin de fer se remet sur les rails du cool, dans un contexte de changement climatique où s’envoler est devenu, si ce n’est tabou, au moins controversé, tant l’on connait l’impact négatif de ces trajets sur l’environnement en général et le dérèglement climatique en particulier. Mais comment convaincre les vacanciers de rallonger leurs trajets ? Réponse des compagnies : monter en gamme et jouer sur la nostalgie d’une époque révolue.

Partout autour du globe, les itinéraires en trains de luxe se multiplient, que ce soit en Suisse, avec le Glacier et le Bernina Express, en Inde, avec le Maharaja’s Express, en Afrique, avec le Rovos Rails où encore au Peru, à bord du Hiram Bingham qui s’élance jusqu’au Machu Picchu. Des légendes ressuscitée et de nouveaux venus qui entrent en scène. Une ambition des groupes qui cherchent à faire de ce moyen de transport une expérience à part entière, guidée par un public à la recherche de voyages porteurs de sens, à la fois plus durables d’un point de vue écologique, mais aussi ancrés dans la déconnexion et la lenteur.

Belmond est un pionnier du voyage lent et réfléchi, assure Gary Franklin, président de la division trains et croisières chez Belmond (propriétaire notamment du British Pullman et du Venice Simplon-Orient-Express). Nous constatons une forte croissance de la demande pour ce type de transport et cherchons en permanence à enrichir notre offre. Nous percevons cette renaissance du voyage en train de luxe non seulement comme une réponse à une demande croissante pour des options plus durables, mais aussi comme une opportunité de promouvoir une approche du voyage plus lente et plus consciente. L’expérience du “slow travel” consiste à voyager de manière plus significative. Aujourd’hui, le luxe ne se résume plus à l’acquisition de biens matériels ; pour nous, l’un des plus grands luxes est devenu le temps.


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