La nouvelle vie des sanatoriums : entre design, hôtels et lieux de repos

Les sanatoriums et les maisons de cure se refont une santé. Ces bâtiments, pensés à l’origine pour guérir des patients de la tuberculose, se transforment aujourd’hui en hôtels, en appartements ou en chambres de résidence. En montagne ou non loin de l’eau, ils invitent au repos ou à passer à l’action.

Les sanatoriums et les maisons de cure se refont une santé. Ces bâtiments, pensés à l’origine pour guérir des patients de la tuberculose, se transforment aujourd’hui en hôtels, en appartements ou en chambres de résidence. En montagne ou non loin de l’eau, ils invitent au repos ou à passer à l’action.


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1 – Scandic Holmenkollen Park en Norvège

Par beau temps, l’hôtel Scandic Holmenkollen Park – à 350 mètres d’altitude – offre sans doute la plus belle vue sur Oslo. On la doit à l’agence Mellbye qui a rénové, durant le Covid, cet étonnant complexe hôtelier composé de dix bâtiments.

Le lobby du Scandic Holmenkollen Park en Norvège.
Le lobby du Scandic Holmenkollen Park en Norvège. DR

Situés à proximité du Holmenkollen Ski Museum, les lieux ont une longue histoire. En 1914, l’hôtel a investi l’ancien sanatorium en bois du docteur Ingebrigt Christian Lund Holm, érigé en 1894 par l’architecte Balthazar Lange. Le bâtiment, qui arbore le drakstil – un style inspiré des Vikings et de l’art médiéval des pays scandinaves –, abrite désormais 27 chambres et suites à l’esprit cabane chic et peut se louer dans sa totalité (piscine incluse).

Pour la décoration de l’établissement, qui s’est agrandi à la faveur des épreuves sportives – à commencer par les J.O. d’Oslo, en 1952 –, les architectes ont puisé des œuvres d’art et du mobilier d’époque dans les entrepôts de la maison.

> Kongeveien 26, 0787 Oslo. À partir de 164 € la nuitée. Scandichotels.com


2 – Casa Ria en Espagne

David Chipperfield, lauréat du prestigieux Pritzker Prize d’architecture en 2023, a ouvert la Casa RIA à Saint-Jacques-de-Compostelle, en juillet 2024. Située dans un ancien sanatorium privé de la fin du XIXe siècle, elle offre un espace d’exposition de 75 m², une salle de conférences, des bureaux et une cantine.

La Casa Ria à Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne.
La Casa Ria à Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne. DR

Rénovée par l’architecte, la bâtisse – point d’ancrage de la Fundación RIA – propose douze chambres pouvant accueillir vingt résidents, étudiants, stagiaires ou chercheurs. Au-delà de la définition traditionnelle de l’architecture, la fondation vise à améliorer la vie des habitants de Galice – où David Chipperfield possède depuis plus de trente ans une maison de vacances – et leur environnement culturel et paysager.

Il a récemment rénové le sanatorium Dr. Barner, à Braunlage, en Allemagne, dessiné par Albin Müller. Cette clinique, consacrée à la médecine psychosomatique et à la psychothérapie, est l’un des bâtiments Art nouveau les mieux conservés d’Allemagne.

> Rúa da Virxe da Cerca, 6, 15703 Saint-Jacques-de-Compostelle. Fundacionria.org


3 – Pousada Serra Da Estreal au Portugal

À flanc de montagne à 1 200 mètres d’altitude, la Pousada Serra da Estrela a de faux airs du Grand Budapest Hotel du film de Wes Anderson. Le bâtiment couleur saumon orangé, orné de tourelles et de balcons, s’étire sur 160 mètres de long au cœur du parc naturel de la Serra da Estrela. Avec 101 000 hectares, c’est la plus grande zone protégée du pays incluant l’unique station de ski du Portugal.

À flanc de montagne à 1 200 mètres d’altitude, la Pousada Serra da Estrela a de faux airs du Grand Budapest Hotel du film de Wes Anderson.
À flanc de montagne à 1 200 mètres d’altitude, la Pousada Serra da Estrela a de faux airs du Grand Budapest Hotel du film de Wes Anderson. luis-nobre-guedes

Aussi, plusieurs sanatoriums s’y installèrent dans les années 1920, parmi lesquels celui de la Compagnie des chemins de fer qui assurait le rétablissement de ses employés atteints de tuberculose. L’architecte en charge, le journaliste et cinéaste José Ângelo Cottinelli Telmo (1897-1948), imagina un bâtiment comme un hôtel de montagne, s’éloignant ainsi de l’esthétique « hygiéniste ».

En 2014, l’architecte Eduardo Souto de Moura – récompensé par le Pritzker Prize 2011 – a respecté ses lignes et redonné vie à cet édifice désaffecté depuis près de quarante ans, après avoir accueilli des réfugiés des anciennes colonies portugaises. Une partie fut démolie puis reconstruite selon les photos d’époque avec les balcons dits de guérison. L’entrée principale fut déplacée pour dégager la zone avant.

L’une des chambres du Pousada Serra da Estrela.
L’une des chambres du Pousada Serra da Estrela. luis-nobre-guedes

L’esprit et la saveur de l’époque se reflètent dans le minimalisme et les tons blancs et gris. Les salles de bains en carrelage et chrome évoquent, quant à elles, une atmosphère d’hôpital. On peut lire une partie de l’histoire des lieux à travers les photos du sanatorium accrochées dans les 92 chambres.

Cette réhabilitation est le second projet d’Eduardo Souto de Moura pour le groupe hôtelier Pestana. En 1997, il avait brillamment converti un ancien monastère en hôtel, la Pousada Mosteiro de Amares. En France, il a notamment signé la transformation de l’ancienne gare routière de Clermont-Ferrand en une scène nationale, La Comédie.

> Estrada Nacional 339, Penhas da Saúde, 6200-324 Covilhã. À partir de 150 € la nuitée. Pousadas.pt


4 – Paimio Sanatorium en Finlande

L’architecture comme « instrument médical ». C’est ainsi qu’Alvar Aalto (1898-1976) décrivait le Paimio Sanatorium (1929-1933) qu’il signa avec sa femme, l’architecte finlandaise Aino Aalto. Ce chef-d’œuvre moderniste, à 1h30 en voiture d’Helsinki, a récemment été rénové.

Le lobby du Paimio Sanatorium en Finlande.
Le lobby du Paimio Sanatorium en Finlande. ARTO WIIKARI

On peut désormais dormir dans l’une des sept chambres (Retreat Rooms) réaménagées selon les plans d’origine. Épurées, elles n’avaient qu’un seul objectif : le bien-être du patient et son rétablissement avec les critères de confort d’époque – toilettes et douches sur le palier.

Œuvre totale des Aalto, le sanatorium accueille des meubles dessinés par le couple, ainsi qu’une série de fauteuils 41 dits « Paimio », dans les espaces communs. La terrasse et les balcons ont été conçus en fonction de l’ensoleillement. Là, la rambarde est basse et les garde-corps assez fins pour embrasser la vue sur la forêt depuis une chaise longue.

L’une des chambres doubles du Paimio Sanatorium en Finlande.
L’une des chambres doubles du Paimio Sanatorium en Finlande. ARTO WIIKARI

Une foule de détails s’explique par le fait qu’Alvar Aalto fut malade durant le projet et contraint de rester au lit. Une position qui l’inspire pour le mobilier et les bâtiments résidentiels. Dans les années 1960, le sanatorium est transformé en hôpital jusqu’à la fermeture de ses portes après 2010.

La Paimio Sanatorium Foundation, qui gère depuis peu l’endroit, a fait de l’ancien sanatorium un lieu de vie et de culture au sens large. Débats et expositions s’y déroulent entre visites guidées et dégustations au restaurant. Treize appartements (Mäntylä), meublés par des entreprises finlandaises, sont également à louer.

> Alvar Aallon tie 275, 21540 Paimio. À partir de 100 € la nuitée. Paimiosanatorium.com


5 – Manna en Grèce

Les rêves d’enfant sont parfois les plus coriaces. L’entrepreneur grec Stratis Batagias passa de nombreux étés dans des camps de vacances de la région d’Arcadie, au cœur du Péloponnèse. À 1 200 mètres d’altitude, dans la forêt de pins du mont Ménale, il y ressentait une énergie magnétique. Elle doublait lorsqu’il entrait dans ce sanatorium en ruines, l’un de ses terrains de jeux. À 12 ans, il voulait déjà l’acheter. Trois décennies plus tard, c’est chose faite.

Le lobby du Manna en Grèce.
Le lobby du Manna en Grèce. Ana Santl

En 2013, le vieux bâtiment est mis aux enchères par le gouvernement chahuté par la crise économique. Stratis Batagias l’acquiert, aidé par des investisseurs, et fait alors appel à l’agence multi-primée K-Studio, basée à Athènes. Ses architectes et designers d’intérieur conservent les structures de 1927. La préservation du bâti et de l’histoire fait partie de leur philosophie et de leur pratique. Ainsi en va de la rénovation de l’aéroport de Mykonos et de la transformation d’un ancien chai de raisins de Corinthe en hôtel, le Dexamenes.

Pour l’hôtel Manna, ils ont donc valorisé l’architecture d’origine, en pierre calcaire grise, et les mosaïques anciennes au sol, des héritages de l’artisanat local. Une nouvelle aile, aux pierres taillées dans la carrière voisine, est ajoutée. Les deux bâtiments sont reliés par un couloir bordé de baies vitrées où entrent la lumière et la forêt.

L’une des chambres poétiques du Manna en Grèce.
L’une des chambres poétiques du Manna en Grèce. Ana Santl

La nature s’invite partout jusque dans les 32 chambres et suites, à la belle hauteur sous plafond. Leurs couleurs terre et lichen et leurs matières naturelles (bois, laine, lin) ont un effet apaisant. Côté restaurant, la carte imaginée par le chef Athinagoras Kostakos s’ancre dans la saisonnalité. Quant au spa, il invite à se reconnecter à soi-même et à la Terre.

Anna Mela-Papadopoulou, l’aristocrate qui souleva les fonds pour le sanatorium dans les années 1920, peut reposer en paix. La guérison des cœurs et des âmes continue sous son toit qui, désormais, fait partie de la collection Design Hotels.

> Korfoxylia Magoulianon, 22010 Arcadia. À partir de 238 € la nuitée. Mannaarcadia.gr


6 – Forestis Dolomites en Italie

Sous l’empire austro-hongrois, des médecins choisissent Palmschoss, dans le Sud-Tyrol, pour faire ériger un sanatorium au milieu d’une forêt dense. Les conditions étaient idéales : un air pur, balayé par les vents venus de la Méditerranée, un excellent taux d’ensoleillement et une altitude de 1 800 mètres.

Réduites en poudre dans un moulin, elles ont été mélangées à de la terre limoneuse et de l’eau. La mixture a été appliquée, humide, sur les parois puis recouverte de cire d’abeille. On retrouve cet enduit dans l’immense spa déroulant une piscine de 20 mètres de long et une autre, à l’extérieur, de 22 mètres.
Réduites en poudre dans un moulin, elles ont été mélangées à de la terre limoneuse et de l’eau. La mixture a été appliquée, humide, sur les parois puis recouverte de cire d’abeille. On retrouve cet enduit dans l’immense spa déroulant une piscine de 20 mètres de long et une autre, à l’extérieur, de 22 mètres. FORESTI

Le grand architecte autrichien Otto Wagner (1841-1918), maître de l’Art nouveau viennois, est alors chargé des plans. Construit en 1912, le bâtiment, avec sa façade en pierre et en bois, a des allures de pension de famille. Le destin était-il écrit dans les fondations ? Le sanatorium n’accueillit jamais de tuberculeux, le monde ayant basculé dans la Première Guerre mondiale.

Des membres du clergé y viendront en villégiature jusque dans les années 1950, avant que le bâtiment sombre dans l’oubli jusqu’à sa découverte, dans les années 2000, par l’entrepreneur hôtelier Alois Hinteregger. Il comprend aussitôt le potentiel de ce lieu isolé, situé face au massif des Dolomites. Sa famille s’en porte acquéreur quelques années plus tard et le transforme en hôtel.

En 2020, sous l’impulsion de la nouvelle génération, l’établissement est métamorphosé par l’architecte Armin Sader, originaire du Sud-Tyrol. La construction historique, classée, voisine dès lors avec trois nouvelles tours, de tailles différentes.

Les 60 chambres, suites et penthouses sont répartis dans les édifices qui, tous, offrent de belles hauteurs sous plafond. Les meubles d’Armin Sader ont été réalisés par un artisan local.
Les 60 chambres, suites et penthouses sont répartis dans les édifices qui, tous, offrent de belles hauteurs sous plafond. Les meubles d’Armin Sader ont été réalisés par un artisan local. KONSTANTIN VOLKMAR

Les 60 chambres, suites et penthouses sont répartis dans les édifices qui, tous, offrent de belles hauteurs sous plafond. Les meubles d’Armin Sader ont été réalisés par un artisan local. Les tissus des coussins, des canapés et des chaises proviennent d’une usine du Trentin.

Détail sympathique : les enduits de certains murs sont composés à partir des pierres extraites durant les travaux. Réduites en poudre dans un moulin, elles ont été mélangées à de la terre limoneuse et de l’eau. La mixture a été appliquée, humide, sur les parois puis recouverte de cire d’abeille. On retrouve cet enduit dans l’immense spa déroulant une piscine de 20 mètres de long et une autre, à l’extérieur, de 22 mètres.

> Palmschoss 22, 39042 Brixen. À partir de 737 € la nuitée. Forestis.it


7 – The Comodo en Autriche

À 100 kilomètres de Salzbourg, Bad Gastein a connu son heure de gloire au XIXe siècle, quand les aristocrates se baignaient dans ses eaux riches en minéraux, connues pour leurs vertus curatives – elles auraient notamment un effet régénérateur et anti-inflammatoire. Les siècles filant, cette ville thermale, doublée d’une station de ski, s’est endormie sur son passé. Elle se réveille lentement depuis quelques années.

Ses intérieurs reflètent délicieusement cette époque avec un twist contemporain.
Ses intérieurs reflètent délicieusement cette époque avec un twist contemporain. pion-studio

En 2023, l’hôtel The Comodo s’installe dans une ancienne maison de cure à l’architecture brutaliste des années 1960. Ses intérieurs reflètent délicieusement cette époque avec un twist contemporain. Rien d’étonnant puisque Piotr Wisniewski, architecte et designer, collectionne avec amour les pièces mid-century.

En 2021, celui-ci cofonde l’agence berlinoise WeStudio avec la propriétaire de l’hôtel, l’architecte Barbara Elwardt. Ils formalisent ainsi des années de travail commun (dont les intérieurs de Mamula Island Hotel, ancienne prison sur une île du Monténégro). Pour The Comodo, ils distillent l’ambiance nostalgique d’un resort d’altitude des années 1960. La forêt et les sources d’eau s’invitent subtilement dans les lieux.

WeStudio a collaboré avec Amberdesign de Berlin pour les papiers peints des 70 chambres et suites.
WeStudio a collaboré avec Amberdesign de Berlin pour les papiers peints des 70 chambres et suites. pion-studio

Ainsi du lobby-bar-lounge déroulant un parquet de chêne en écho au plafond à caisson en contreplaqué qui, plus loin, devient un miroir. Les couleurs lie-de-vin et vert bouteille évoquent la nature généreuse. WeStudio a collaboré avec Amberdesign de Berlin pour les papiers peints des 70 chambres et suites, lesquels reprennent très discrètement les dessins topographiques des montagnes entourant la ville. Même approche pour les tapis. Quant aux carreaux de la piscine, les designers se sont inspirés d’une image d’une roche de la région prise au microscope puis agrandie.

WeStudio a aussi passé une commande auprès de l’agence Fundamental, à Berlin, pour des vases et des bougeoirs qui viennent égayer les espaces. L’établissement, membre de Design Hotels, est le premier de la série The Comodo. Le second est déjà en cours. À suivre…

> Kaiserhofstrasse 18, 5640 Bad Gastein. À partir de 214 € la nuitée. Thecomodo.com


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