La visite de la nouvelle Monnaie de Paris commence par l’atelier de fonderie au rez-de-chaussée, où l’on assiste en plein Paris à la magie du métal en fusion. Immersion ensuite dans la salle des matières plongée dans l’obscurité afin de mieux discerner les éclats des minéraux qui concourent à la fabrication des pièces et des médailles : or, argent, bronze, étain, platine, cuivre, nickel, fer, zinc…
Nouveau choc visuel lorsque l’on arrive dans la salle toute blanche du laboratoire, puis dans les ateliers de ciselure et de patine accessibles par une passerelle. « Le parcours a été conçu pour alterner les points de vue entre les ateliers et les collections, et cela afin de faire dialoguer les trésors d’autrefois et les créations d’aujourd’hui, explique Philippe Prost, architecte chargé de la rénovation du chantier et fondateur de l’agence d’architecture AAPP. Il nous paraissait capital que cohabitent le musée et la manufacture, la visite des collections et le travail dans les ateliers, sans que l’un n’empiète sur l’autre. »
Le voyage se poursuit en effet dans la manufacture qui expose tables de gravure, imposantes vitrines et établis. Tout aussi impressionnante est la salle de la frappe sise dans l’espace du Grand Monneyage, décoré de panneaux suspendus. Suivent les salles « fonctions et usages », celui consacré à l’art de la collection, la salle des coffres entièrement carrée et habillée d’aluminium… Et, enfin, la nouvelle boutique située dans l’ancienne fonderie, sous un dôme de dix-sept mètres de hauteur. Pour la tonalité chromatique du lieu, la déclinaison bleue, argent et noire de la marque Monnaie de Paris s’harmonise au blanc des murs et à l’or des boiseries.
Le nouvel hôtel de la Monnaie est donc un magnifique périple architectural, muséal, artistique et culturel. Et tout cela derrière une façade de 117 mètres longeant le quai Conti, l’une des plus belles de style néoclassique à Paris. Les panneaux de cuivre ou d’Inox perforé habillant l’atelier central d’outillage, calqués sur les planches dans lesquelles les flans sont découpés pour devenir ensuite des médailles, s’harmonisent merveilleusement avec la pierre ancienne. En tout, 32 000 m2, dont près de la moitié sont dévolus au seul projet architectural. Coût des travaux, 52 millions d’euros…
Un lieu phare d’art contemporain
2017 est donc une date charnière dans la rénovation du site qui a contribué à la création d’un nouveau musée, à la réorganisation des ateliers, mais également de la cour des Fonderies-Benjamin Franklin, celle de la Méridienne, et de la cour de l’Or. Et, pour clore cette seconde tranche de rénovation en beauté, le lieu dévoilera des collections et des trésors qui n’avaient jusqu’alors jamais été montrés, parallèlement à des expositions temporaires qui ont fait depuis cinq ans de l’hôtel de la Monnaie un lieu phare en termes d’art contemporain. Un département désormais dirigé par Camille Morineau, ancienne conservatrice du musée national d’Art moderne.
On se souvient néanmoins des rendez-vous organisés par sa devancière, Chiara Parisi, comme « Not Afraid of Love » de Maurizio Cattelan ou la première exposition institutionnelle de Paul Mc-Carthy, « Chocolate Factory » (et le scandale du « plug anal » de la place Vendôme…) ou encore « Take Me (I’m Yours) », de Christian Boltanski et Hans Ulrich Obrist… Une programmation audacieuse qui a hautement contribué à moderniser l’image de la Monnaie et à l’inscrire dans le paysage public parisien de l’art contemporain. « Ce site classé, occupé par la première et la dernière usine de Paris, n’a jamais cessé de fonctionner pendant les travaux », explique Aurélien Rousseau, président-directeur général. D’autant que, depuis 1976, la Monnaie de Paris œuvre sur deux sites : le quai Conti, d’une part, qui regroupe les cours, le bâtiment des fonderies, le petit hôtel de Conti – construit par Jules Hardouin-Mansart en 1669 –, la manufacture comprenant de nouveau la frappe des collections exceptionnelles et qui avait déménagé il y a plus de quarante ans ; et, de l’autre, l’atelier de Pessac, en Gironde, où sont fabriqués les euros (neuf millions de pièces par jour).
Lauréat d’un concours lancé en 2009, l’atelier d’architecture AAPP Philippe Prost s’attela donc à la première tranche de travaux en 2011. Qui s’est achevée en 2014 avec la rénovation du palais Conti accueillant les expositions temporaires, mais également avec une nouvelle salle du conseil abritée dans les combles de l’aile droite, avec le restaurant de Guy Savoy dont Jean-Michel Wilmotte a assuré la décoration, ou encore la cour des Remises, le grand salon Guillaume-Dupré (siège de l’École des mines en 1785) et certaines salles du premier étage. En 2015, l’atelier central d’outillage et de gravure est livré. Abritant la frappe des monnaies d’exception dans un site donnant sur la cour d’honneur, le Grand Monnayage comprend ainsi, sur quatre niveaux, les ateliers de fonderie, de ciselure, de patine et de dorure.
Dès le début, l’idée de la réhabilitation était simple : proposer un périple architectural à travers des salles d’expositions et des ateliers, afin de faire découvrir des collections historiques ainsi qu’une quinzaine de métiers d’art. Et cela en passant par des expériences visuelles et auditives. « Aujourd’hui, il est important de donner à comprendre les métiers de la monnaie, ajoute Philippe Prost, également professeur et président du conseil d’administration de l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville. De montrer comment celle-ci est faite, et cela au milieu de salles muséales exposant médailles, monnaies historiques, peintures, mobilier, machines… ».
La dernière tranche de rénovation, qui s’achèvera en 2019, promet également de belles émotions avec la création d’un nouveau passage public entre la rue Guénégaud et la Seine, la restauration du petit hôtel de Conti, la livraison de la galerie du Métal, ainsi que celle d’un jardin de mousse et d’un concept-store. Véritable trait d’union entre hier et aujourd’hui, la Monnaie retrouve tout son éclat.
Monnaie de Paris. 11, quai de Conti, 75006 Paris.
Tél. : 01 40 46 56 66. Exposition « Women House », jusqu’au 28 janvier 2018.