En matière de défilé de mode, il y a deux écoles : le style « low-key » (discret) et le « show-off » (exubérant). Si des maisons comme Céline ou The Row ne jurent que par le minimalisme, la tendance est aujourd’hui clairement à l’opulence. On ne parle pas de style vestimentaire – nous n’en n’aurions pas l’autorité – mais bien de l’à côté, du décor où sont montrées les collections. A l’instar des shows annuels de la célébrissime marque de lingerie américaine Victoria’s Secret, les podiums ressemblent aujourd’hui davantage à des superproductions hollywoodiennes qu’à de simples estrades où défilent les mannequins.
Cette surenchère de créativité a parfois du bon et quelques défilés restent gravés dans les mémoires tant leur mise en scène était brillante. Souvent accompagnés de professionnels de la scénographie comme Alexandre de Betak, fondateur du Bureau Betak, les créateurs de mode pensent leurs défilés avec autant de soin que leurs vêtements.
> Jeune fille en fleurs… de papier (Chanel Couture, Printemps-Eté 2015)
Chaque saison, les défilés de Karl Lagerfeld – c’est lui qui imagine chacune des mises en scène de ses collections – pour Chanel n’en finissent plus de surprendre et d’émerveiller ses invités. Deux fois par an, sous la nef du Grand Palais, le monde de la mode tient les paris sur la prochaine folie du créateur allemand. Si ses récents décors de supermarché et de rampe de lancement de fusée ont été largement commentés sur les réseaux sociaux, nous préférons nous attarder sur la subtile mise en scène de la collection couture Printemps-Eté 2015. Lagerfeld avait alors recréé un jardin extraordinaire dans une serre immaculée, où la végétation était faite de papier.
> Goodbye Marc (Louis Vuitton, prêt-à-porter, Printemps-Eté 2014)
Après seize ans de bons et loyaux services, le règne de Marc Jacobs chez Louis Vuitton s’est achevé avec le défilé Printemps-Eté 2014. Pour sa dernière présentation, le créateur new-yorkais a choisi de mettre en scène sa révérence comme un générique de fin de film, c’est-à-dire en convoquant tous ses meilleurs souvenirs chez « LV ». Sur son podium, on retrouvait donc le carrousel sur lequel ses models s’amusaient en 2011, la mythique locomotive de l’Orient-Express qui lui servit de décor en 2012 à Shanghai, les escalators qui ponctuait une autre scénographie de la même année et cette ambiance abyssale très luxueuse, caractéristique de son défilé automnal de 2013. Mettez le tout dans un mixeur et ça vous donne une sortie par la grande porte.
> L’éternelle patte Koolhaas chez Prada (Prada, prêt-à-porter, Printemps-Eté 2017 et 2015)
Complice historique de Muccia Prada, directrice artistique de la marque éponyme, l’archistar Rem Koolhaas et son cabinet de recherches et de design AMO/OMA conçoivent les mises en scène de la maison italienne depuis près d’une décennie. Fidèle à son corps de métier, l’architecte imagine chaque saison des décors audacieux et futuristes, à l’instar de « Total Space » qui illustrait la collection Printemps-Eté 2017. Structure métallique, jeux de lumières et ambiance futuriste, rien n’était laissé au hasard.
Dans un genre différent, Koolhass a signé en 2015 une réalisation surréaliste : un désert de dunes pourpres. Un tour de force logistique – imagine-t-on les tonnes de sables qu’il a fallu mobiliser ? – que l’on saluera en éludant l’empreinte carbone de la démarche.
> Escale architecturale (Louis Vuitton Croisière, 2017, par Es Devlin)
Si le défilé extraordinaire est devenu la nouvelle norme dans la mode, les présentations des collections « croisière » constituent aussi des moments d’exception. Chanel, Dior, Louis Vuitton… Les grandes maisons n’ont peur de rien pour faire vivre à leurs invités des moments privilégiés. Chanel à Cuba, Dior au Far West… Mais nous retiendrons Louis Vuitton et les courbes futuristes du musée d’art contemporain Niterói à Rio imaginé par l’illustre Oscar Niemeyer, dont la rampe d’accès devint, le temps d’un défilé, un catwalk de luxe.
En seconde page :
Retrouvez les scénographies spectaculaires du Bureau Betak.