C’est à l’Hôtel national des arts et métiers que l’architecte d’intérieur Agathe Lavaud donne ses rendez-vous. Une adresse dessinée par son confrère Raphael Navot et dont elle est une habituée : « J’aime cet endroit pour ses détails et le soin apporté au choix des matériaux. » Un travail précis et sensible, des caractéristiques que revendique aussi la jeune femme qui a ouvert son agence en 2016.
Après des études à l’ESAG Penninghen où elle a obtenu son diplôme d’architecte d’intérieur en 2014, elle a poursuivi son parcours à l’École nationale supérieure d’architecture de Marne-la-Vallée afin d’y passer son diplôme d’architecte HMONP (habilitation à la maîtrise d’œuvre en son nom propre). « C’est ce qui m’autorise à déposer des permis de construire, car aujourd’hui, même dans le cadre d’une rénovation, celui-ci est obligatoire pour une extension, une surélévation… », explique celle qui s’intéresse à toutes les échelles, de l’architecture à l’objet en passant par les agencements, notamment des cuisines, dans une vision globale de la création.
Après ses expériences chez Renzo Piano et Thierry Lemaire, où elle a appris la rigueur et à « ouvrir les vannes », l’architecte d’intérieur Agathe Lavaud prend confiance et fonde son agence, Volta, sans plan de carrière, mais avec un sens aigu de la couleur. Contrairement à nombre de ses contemporains, Agathe Lavaud « ne voit pas le monde en noir et blanc et a vraiment du mal avec les espaces tout blancs ». Elle cite d’ailleurs comme source d’inspiration un livre de colorimétrie japonais…
Une architecture noble et élégante
Pourtant, à voir ses projets, ce tropisme ne saute pas aux yeux et se fait plutôt subtil, à travers le choix de rideaux ou d’une demi-teinte sourde sur une cloison par exemple, mais aussi dans la sélection des matériaux, son autre passion. « J’adore les matériaux naturels, les sublimer et le challenge que cela représente. J’avoue que, dès mes premiers projets, j’ai rapidement imposé mes choix », précise la jeune femme qui multiplie les constructions comme les rénovations.
Parmi ses plus récentes découvertes, le liège est une véritable révélation : « J’ai même emmené mon équipe à Porto. J’y ai trouvé un fabricant exceptionnel avec qui je collabore sur des projets innovants pour mieux comprendre ce matériau et ses possibilités. Je le colore avec des pigments naturels, à l’aide d’une formule que j’ai développée. Je le détourne en obtenant des motifs à la compression qui le font ressembler à des tranches de marbre… » Si l’architecte d’intérieur Agathe Lavaud réalise du mobilier avec du liège, elle va plus loin et utilise cette matière écologique pour créer des façades de dressing et de placards de cuisine.
« J’ai de la chance, car j’ai de moins en moins besoin de me battre au fur et à mesure que s’accroît mon expérience. Mes clients me suivent dans mes expérimentations, comme tester de nouveaux vernis naturels, par exemple. » Ses recherches la mènent à explorer et à essayer des matériaux issus d’environnements proches : « Je suis toujours en quête de ressources durables et locales. Pour un projet de maison dans le Finistère, j’ai trouvé la start-up Gwilen, qui récupère des algues et autres sédiments marins pour fabriquer du “merrazzo”, un terrazzo produit localement et sans cuisson. »
Son autre cheval de bataille, c’est le travail qu’elle réalise en amont. Moins favorable aux images 3D qu’aux maquettes et dessins, elle propose toujours « une part de rêve » à ses clients : « Lorsqu’ils insistent pour être rassurés par de la 3D, je produis une image, mais celle-ci n’est jamais très réaliste… Finalement, 90 % d’entre eux me font confiance. »
Dans ses intérieurs, l’architecte d’intérieur Agathe Lavaud associe souvent des pièces vintage modernistes, qu’elle chine, à des créations contemporaines signées François Bazin, Frédéric Pellenq ou Martin Massé, à l’écriture minimale et intemporelle, mais affirmée, aussi subtile que la sienne. Très curieuse de l’histoire du design, elle conserve parmi ses meilleurs souvenirs professionnels celui d’un appartement à rénover, à Flaine (74), la station construite par Marcel Breuer dans les années 60 et 70, dans les Alpes.
« La station a subi une vague de rénovations “à la savoyarde” dans les années 80 et 90 avant que la nouvelle génération ne comprenne l’intérêt de revenir aux sources. J’ai ainsi pu reprendre l’esprit Bauhaus qui animait les lieux à l’origine », explique la jeune architecte, un pied dans l’histoire, la pensée tournée vers l’avenir.
Les inspirations d'Agathe Lavaux
- Un matériau : Le liège, pour ses vertus écologiques et ses possibilités infinies.
- Une galerie : La station de ski Flaine, en Haute-Savoie, pour son architecture signée Marcel Breuer.
- Un mouvement : J’ai passé six mois à Rome, en Erasmus, pour mes études, une période pendant laquelle j’ai découvert Aldo Rossi (1931-1997, NDLR) et Andrea Palladio (1508-1580, NDLR). Depuis, j’adore la symétrie !
- Une maison d’édition : Theoreme Editions, un éditeur audacieux dont j’aime beaucoup le travail des designers qu’il défend.
- Un lieu : La maison La Roche, bâtiment parisien signé Le Corbusier, dans le XVIe arrondissement, dont le travail de la couleur, sur les murs, me fascine toujours.