Dans le brouhaha et la chaleur de la ville, elle était une invitation au farniente, comme une bulle de sérénité… L’élégance, la simplicité et la poésie de l’installation « La Chambre sur l’eau » ont conquis le public, qui a accordé à son autrice, Emmanuelle Simon, son prix spécial lors de l’édition 2017 du festival international d’architecture intérieure Design Parade Toulon. Une année fondatrice pour la créatrice aujourd’hui âgée de 32 ans, puisque c’est aussi en 2017 qu’elle a créé sa propre agence de design et d’architecture intérieure, après avoir collaboré avec Jean-Marie Massaud et Pierre Yovanovitch.
Depuis, elle déploie son univers dans des objets, des appartements et des boutiques où elle mêle chic français et travail brut de la matière. « Ce double regard vient de ma culture franco-israélienne. J’ai toujours beaucoup voyagé entre ces deux pays, qui m’ont chacun apporté leur richesse », explique-t-elle. Un contraste que l’on retrouve dans le canapé Nomad, un ouvrage de tapisserie exigeant et précis sur une base en bois aux lignes épurées.
Retranscrire la nature
« Je ne travaille que des couleurs naturelles, dans mes intérieurs aussi bien que pour mes objets, poursuit-elle. Par exemple, en ce moment, je développe des projets dans des teintes terracotta, une idée qui m’est venue d’un voyage au Sinaï, où j’ai été fascinée par les couleurs des montagnes. J’ai rapporté quelques pierres dans mes poches et je les ai montrées à l’artisan avec qui je collabore. Il a su en retranscrire parfaitement les tonalités dans des dallages qui intégreront l’un de ces intérieurs. »
Ce rapport à la matérialité, Emmanuelle Simon le développe depuis sa jeunesse, elle qui traînait beaucoup dans l’atelier de son père, un passionné de bricolage avec qui elle a réalisé un secrétaire en bois et métal, prototype de son projet de fin de diplôme à l’école d’architecture intérieure et de design Camondo. « À l’école, j’ai appris comment créer, dessiner, concrétiser, exprimer et communiquer mes idées, comment apprivoiser les outils qui allaient matérialiser ma créativité. Ensuite, en agence, je suis passée à l’étape suivante, j’ai rendu réelles ces idées, j’ai découvert la gestion, la partie financière et humaine, comment travailler ensemble sur un projet », raconte la jeune femme.
Le Japon, inépuisable source d’inspiration
Chez Pierre Yovanovitch, dont on sent la filiation tant dans les formes que dans le travail des matières, elle dit avoir surtout appris l’importance des détails. C’est d’ailleurs de ces détails que partent la plupart de ses créations. Par exemple, l’effet de craquelure du raku lui a donné l’envie d’utiliser cette technique de céramique japonaise, qu’elle développe tous azimuts, pour un cabinet, un buffet, une applique ou une table basse. « Pour moi, le raku évoque un paysage vu du ciel. Je suis très sensible à l’esprit japonais du wabi-sabi, à la beauté de l’imperfection, qui rend chaque pièce unique », confie-t-elle.
Le blanc comme signature ?
Même dans ses objets, c’est d’ailleurs plus une atmosphère et une façon de vivre qui se dégagent qu’une écriture. On trouve ses créations en ligne chez Kolkhoze et The Invisible Collection, mais également, à Paris, à la galerie JAG de Jessica Barouch et bientôt dans une galerie américaine. Emmanuelle Simon est aussi extrêmement douée pour créer des lieux, des ambiances, comme au spa parisien Evidens de Beauté, synthèse de son univers. Là, tout n’est que confort, discrétion, élégance contemporaine et détente absolue. Elle y a notamment imaginé, pour le plafond immaculé de l’une des cabines, un bas-relief dont les motifs n’apparaissent qu’une fois la lumière baissée à son minimum.
L’omniprésence du blanc dans presque tous ses projets serait-elle déjà une signature ? « J’aime cette couleur car elle met en valeur la texture, mais j’opte plutôt pour des blancs cassés, crème, gourmands comme de la glace à la vanille », précise-t-elle avec malice. Un penchant qu’elle va avoir l’occasion d’approfondir encore pour réaliser les appartements sur lesquels elle travaille actuellement et surtout, à Los Angeles, un hôtel de 120 chambres avec trois restaurants qui devrait ouvrir ses portes dans deux ans. « Une œuvre globale dans laquelle je pourrai toucher à tout… Finalement n’est-ce pas cela, le rêve de tout architecte d’intérieur ? » interroge la jeune femme, qui garde les pieds sur terre mais aussi la tête dans les nuages.
> Emmanuelle Simon. 41, rue Beauregard, 75002 Paris. Tél. : 01 45 08 48 51. Site web.