Sans en être conscients, on a tous croisé un jour les œuvres de Jean Widmer et elles ont forcément imprégné notre rétine. Car derrière le logo du Centre Pompidou, celui du musée d’Orsay ou encore le travail de signalisation des autoroutes françaises, c’est toute la créativité de ce graphiste suisse, français d’adoption, qui règne. Cette saison, l’Espace de l’Art Concret de Mouans-Sartoux, lui consacre sa première exposition, mettant en exergue les liens qui unissent son travail à l’art concret. L’occasion de (re)découvrir toute l’ampleur et l’intelligence de son œuvre. Direction Mouans Sartoux par l’autoroute du Soleil…
Jean Widmer, auteur de la signalétique des routes françaises …
Formé à l’Ecole d’art appliquée de Zurich, Jean Widmer né en 1929, développe une esthétique empreinte des codes du Bauhaus et de la Nouvelle Typographie. Il arrive en France dans les années 50 et commence à travailler jusqu’à la fin des années 1960 en tant que directeur artistique de différentes enseignes : les Galeries Lafayette et le journal Jardin des modes entre autres.
C’est en 1972 que l’architecte des autoroutes de France, ayant découvert le travail d’identité visuelle que Jean Widmer a réalisé pour le CCI (le Centre de Création Industrielle, alors conçu pour promouvoir le design au sein de l’Union centrale des arts décoratifs), pense à lui pour créer la signalétique des routes françaises.
Un projet qui le propulsera sur le devant de la scène du design graphique, faisant de lui l’une des figures de proue de cette discipline discrète mais occupant une place prépondérante dans le paysage visuel. Car qui n’a jamais été happé par l’un de ces panneaux en bordure d’autoroutes figurant tantôt le castor de la Bièvre, la Bonne Mère de Marseille, le chef toqué de Lyon ? Ce sont plus de 550 pictogrammes qui seront produits à cette occasion par Jean Widmer et son agence, des visuels qui jalonneront plus de 2500 kilomètres d’autoroute.
Les documents témoins de cette mission hors normes sont aujourd’hui exposés dans des vitrines de l’Espace de l’Art Concret, comme un inventaire du paysage français synthétisé sous la forme de ces symboles traités en aplat blanc sur fond brun. Un langage universel puisant ses sources dans les hiéroglyphes, pour parler au plus grand nombre. Car derrière cet exercice créatif, un enjeu de taille existe : ces images synthétiques doivent être en mesure d’énoncer la programmation touristique et culturelle des villes et villages desservis par les autoroutes, en un coup d’œil et leur lisibilité doit être effective depuis une automobile en route en moyenne à 130 km/h … Ces images demeureront jusque dans les années 2000, progressivement remplacées par des illustrations beaucoup plus démonstratives et littérales …
… et du logo du Centre Pompidou
En 1976, une autre commande majeure marquera fortement la carrière de l’artiste, celle du logo du Centre Pompidou, s’inscrivant dans la continuité du travail des autoroutes.
Un dessin à l’esthétique minimale et percutante, une schématisation puissante qui donne l’illusion de mouvement et permet d’identifier le lieu au premier regard.
Suivront les identités visuelles du musée d’Orsay, de l’Institut du monde arabe, de la Galerie nationale du Jeu de paume, de la Bibliothèque nationale de France, du Théâtre de la Colline, autant de logos qui servent quotidiennement la communication d’institutions culturelles françaises.
Derrière son travail de graphiste et l’idée de « créer pour la vie de tous les jours», il y a une pratique du dessin avec la recherche d’effets de contrastes et de vibrance des couleurs, de volumes entre le plein et le vide, que l’on retrouve dans ses autres travaux exposés ici : sculptures, peintures, affiches qui témoignent de l’esthétique à la fois rigoureuse, joyeuse et ludique de Jean Widmer et qui permettent de saisir la filiation de son travail à l’art concret.
> Exposition Jean Widmer, du concret au quotidien, à l’Espace de l’Art Concret, Donation Albers-Honegger, Château de Mouans, 06370 Mouans-Sartoux jusqu’au 9 avril 2023.