Rennes : Ronan Bouroullec revient sur le projet Belvédère

Imaginé par les frères Bouroullec pour la ville de Rennes, Le Belvédère doit beaucoup à l’exposition « Rêveries urbaines », qui s’est tenue en 2016. Pour IDEAT, Ronan Bouroullec revient sur la genèse de ce projet.

Plusieurs de vos réalisations récentes, dont Le Belvédère, semblent découler de l’exposition « Rêveries urbaines ». Quelle était votre intention avec cette exposition ?
Ronan Bouroullec : Avec l’exposition « Rêveries urbaines » aux Champs libres, en 2016, nous avions souhaité répondre à l’invitation de la maire de Rennes et montrer notre aptitude à la variété – cette façon de nous pencher sur de nouveaux sujets qui nous caractérise, je trouve – sans pour autant que cela ne soit une rétrospective (qui venait justement d’avoir lieu au musée des Arts décoratifs, à Paris, NDLR).

« Une rêverie candide »

D’où ce « cahier de brouillon de réflexions sur la ville », qui a pris la forme d’une centaine de maquettes*. Une installation immersive à la qualité plastique, une présence physique proche du songe, un peu à la façon des films de Miyazaki. Une rêverie candide, sensible, mais aussi pragmatique, puisque j’aime obtenir des résultats. Je suis rarement content, mais là je l’étais réellement. Néanmoins, je n’avais pas imaginé à quel point les politiques, les privés ou les entreprises viendraient se servir dans ce répertoire d’idées et d’objets un peu « transgenres » : la Pergola existe aujourd’hui à l’identique à Miami, les grands bancs circulaires Ring ont été installés à Aarhus, au Danemark, puis au musée Vitra, à Weil am Rhein, en Allemagne, ou à Poitiers et nous les développons dorénavant un peu partout.

Le Belvédère des Bouroullec en maquette ou en situation avec son exostructure de lumières.
Le Belvédère des Bouroullec en maquette ou en situation avec son exostructure de lumières. Studio Bouroullec

Par la suite, certains projets ont emprunté à l’imaginaire et à la réflexion de « Rêveries urbaines », même s’ils ont bénéficié d’un dessin spécifique, comme ce fut le cas pour les fontaines des Champs-Élysées. De même, c’est à l’issue de sa visite de l’exposition que François Pinault a émis le souhait que nous réfléchissions sur différents sujets, notamment l’aménagement de l’espace autour de la Bourse de commerce, à Paris, où il a établi sa fondation.

« L’exostructure » de lumière

L’exposition est-elle aussi à la genèse du Belvédère qui a pris place sur la Vilaine ?
Ronan Bouroullec : Le Belvédère prend appui sur « Rêveries urbaines », mais il s’agit d’un objet particulier, différent, qui n’existait pas dans l’exposition. La maire de Rennes avait beaucoup aimé l’une de nos maquettes, un chapiteau lumineux. L’idée d’un chapiteau nomade qui, à l’instar des cirques, se serait déplacé tous les deux ans dans cinq lieux distincts de Rennes, a alors un moment été évoquée. Mais pour un certain nombre de raisons, cela ne nous a pas paru réalisable.

Les maquettes de « Rêveries urbaines » viennent d’intégrer les collections du Centre Pompidou.
Les maquettes de « Rêveries urbaines » viennent d’intégrer les collections du Centre Pompidou. Studio Bouroullec

Le projet de créer une nouvelle place sur le fleuve, une sorte de chapiteau, mais flottant, a fait son chemin. J’avais en tête la fin du XIXe siècle, les guinguettes des bords de Seine, une grande plate-forme avec une « exostructure » de lumières. Quelque chose de très festif, un côté merveilleux. Ce bateau-guinguette lumineux que j’avais à l’esprit était assez proche du Belvédère d’aujourd’hui, une petite île accessible par une passerelle, assez grande néanmoins pour accueillir une trentaine de personnes. C’est un objet dont la fonction ne revendique aucun bénéfice évident et qui est avant tout de l’ordre d’une apparition, d’un songe.

Ronan Bouroullec et l’effort architectural

Est-il pour autant erroné de dire que, comme son nom l’indique, Le Belvédère est là pour offrir un point de vue sur la ville ?
Ronan Bouroullec : Le Belvédère a en effet une position stratégique, entre la ville ancienne et l’ouverture à la ville nouvelle, au point de départ de ce qui devrait être un appel d’air le long de la Vilaine. De là, on a un point de vue tout autant sur la cathédrale que sur un bâtiment récent de Jean Nouvel (Cap Mail, NDLR), ainsi que sur les tours des Horizons, construites par Georges Maillols dans les années 70, si emblématiques de la ville. Il se trouve qu’il y a à Rennes une attention, un niveau et un effort architectural contemporain que je trouve plutôt élevés et il nous semblait important de pouvoir le souligner.

Quelle différence entre inscription dans la ville et inscription dans le paysage ? Est-ce que ce type de projet pourrait exister sans la cohabitation avec les bâtiments ?
Je le crois et je suis d’ailleurs en train de réfléchir à une exposition qui serait une « rêverie rurale »…

> bouroullec.com

Une guinguette contemporaine, une rêverie à la Miyazaki, mais aussi un point de vue sur la cité à la frontière entre ville ancienne et ville nouvelle.
Une guinguette contemporaine, une rêverie à la Miyazaki, mais aussi un point de vue sur la cité à la frontière entre ville ancienne et ville nouvelle. Studio Bouroullec
Détail du projet Belvédère et sa fiche technique. (Studio Bouroullec)
Détail du projet Belvédère et sa fiche technique. (Studio Bouroullec) Studio Bouroullec