Ce fauteuil iconique procède-t-il uniquement de l’intuition ?
À cette époque, avec Fernando, nous voulions matérialiser la simplicité. C’est exactement ce qu’il y avait derrière le concept du fauteuil Vermelha. Nous nous sommes demandé comment exprimer quelque chose qui soit de l’ordre du bonheur mais élaboré sans contrôle excessif. Un jour, j’ai acheté de la corde. Nous l’avons posée sur une table et l’idée a pris forme comme ça, sous nos yeux. Nous nous sommes regardés et nous nous sommes dit que nous aimerions concevoir un objet dans cet esprit. Alors Fernando a mis au point la structure métallique du siège puis nous avons pensé au revêtement. Il ne s’agit donc pas seulement d’intuition mais d’une mise en forme d’idées.
Les rues du Brésil vous inspirent-elles toujours autant ?
Oh oui ! Mais pas seulement les rues du Brésil. Celles de Paris, de l’Afrique ou du Japon aussi ! Mon regard est toujours attiré par des choses auxquelles la plupart des gens ne font en général pas attention. Lorsque je les ai repérées, j’essaie de les intégrer dans ce que nous faisons. Donc, je sors de mon studio, j’organise des workshops, je quitte ma zone de confort, comme on dit. C’est primordial, surtout quand on travaille à deux depuis trente-cinq ans. Il faut activement renouveler son inspiration. En permanence.
Votre enfance est-elle également une source d’inspiration ?
Pas spécialement. Nous avons grandi dans une petite ville qui, dans les années 50 et 60, était très ennuyeuse. Par chance, il y avait un cinéma qui projetait Pasolini, Fellini, Kubrick, Truffaut… Ces films ont été pour nous comme une fenêtre ouverte sur le monde.
Une fenêtre plutôt intello pour des enfants…
Oui. C’est d’ailleurs curieux que mon père nous ait emmenés voir de tels films… Je ne suis pas du tout sûr d’avoir compris, à l’âge que j’avais, toute la portée des œuvres que nous allions voir. Mais j’aimais observer les réactions des gens. Cela a été une grande source d’inspiration par la suite. Nous avions aussi le privilège extraordinaire d’avoir à la maison une très grande cour, où nous pouvions fabriquer ce que nous avions vu dans les films. Je me rappelle avoir adoré construire des maisons en bambou et des vaisseaux spatiaux en cactus. Nous devenions, en quelque sorte, les producteurs de nos propres jouets…
En connectant des éléments de différentes identités culturelles, vous êtes devenus des références d’un style hybride…
Oui. Notre philosophie, c’est de rassembler et de confronter tous ces éléments, entre identités culturelles et modernité. Nous sommes des conteurs. En cela, nous avons été influencés par Lina Bo Bardi. Italienne d’origine, elle a vécu au Brésil en observant les différentes cultures, y compris populaires, et elle y a distillé son élégance. Fernando et moi avions l’habitude d’aller voir ses expositions à São Paulo. Cela nous donnait envie de faire quelque chose du même ordre. Il ne s’agissait pas de recopier l’univers de quelqu’un d’autre mais plutôt, inspirés par lui, de montrer notre propre réalité et nos racines. Cela reste un élément déterminant de notre travail.
Comment avez-vous rencontré le malletier français Louis Vuitton ?
C’est eux qui nous ont contactés il y a sept ans. C’est une maison passionnante pour qui s’intéresse à la façon de réaliser un objet. J’aime travailler avec eux parce que le moindre détail devient matière à rechercher des solutions. Par Skype, nous pouvons échanger sur le processus de développement du produit à tout moment. Quelle que soit l’idée, nous la leur envoyons et, si elle est réalisable, nous en discutons avec l’équipe des « Objets nomades ». Cette collaboration est fantastique et très enrichissante.
Votre itinéraire a-t-il été totalement improvisé ?
En effet, nous n’avons jamais fait de plan de carrière… Nous sommes des intuitifs. Je suis un artiste. J’aime la liberté. Je ne pourrais pas vivre enfermé dans une boîte. Avant d’être designer, j’ai étudié le droit et j’étais censé adopter une attitude aux antipodes de ce que j’étais réellement. Or je ne conçois de travailler qu’en accord avec mon tempérament. Je n’aime pas l’idée de rester dans un bureau, statique, je le sais bien. C’est ce qui me pousse aujourd’hui à sortir dans la rue pour chercher l’inspiration…