Il faut bien l’avouer, le son des écrans plats est presque systématiquement catastrophique… Le californien Sonos a décidé de remédier à ce problème en créant un « projecteur sonore » à placer sous son téléviseur, qui sert à la fois d’enceinte d’appoint et d’amplificateur pour la musique numérique (mp3, streaming…) du foyer. Ainsi est née la Playbase, un système audio dont le design monolithique tranche avec les codes du design high-tech par sa discrétion et son raffinement. Nous avons demandé à Tad Toulis, le vice-président de Sonos en charge du design, comment il avait supervisé sa conception.
Pourquoi avoir choisi de devenir designer ?
Tad Toulis : Je n’ai pas choisi de devenir designer, cette décision s’est imposée à moi ! Mes deux parents étaient professeurs d’art, j’ai donc grandi dans un milieu qui m’a prédisposé. Et puis quand j’avais 8 ans, on m’a offert un livre de Raymond Loewy. Mon destin de designer était scellé !
Quels sont vos maîtres en matière de design ?
En règle générale, le design high-tech ne m’intéresse pas ; au contraire des chefs, des architectes, des décorateurs… Je suis un grand fan de Donald Judd et James Turrell, deux artistes qui créent des environnements visuels auxquels ne manque que la musique. C’est très inspirant quand on dessine des produits audio !
Quel était le brief initial de cette Playbase ?
Nous voulions créer un projecteur de son pour la télévision et la musique. La plupart des modèles proposent un design cheap et sont des usines à gaz en termes de fonctionnement. Nous avons voulu créer un produit facile à installer, qui s’adapte aux besoins réels des gens, pas à ceux des ingénieurs…
Comment êtes vous parvenu à ce design monolithique ?
C’est un vrai challenge de créer un objet placé en-dessous d’un autre, en l’occurrence un téléviseur de n’importe quelle taille. Il fallait donc dessiner un profil très bas afin de ne pas perturber l’angle de vision du spectateur. Il fallait aussi que l’enceinte ait une structure très solide afin d’absorber les vibrations et de supporter le poids du téléviseur. Enfin, le métal nous était interdit afin de ne pas interférer avec les équipements sans fil.
Malgré ces contraintes, reste-t-il de la poésie dans cette Playbase ?
Je viens de voir le film Moonlight. Il y a cette scène où les deux garçons sont en Floride. La nuit est étouffante et, tout à coup, surgit une brise rafraîchissante et tout le monde s’arrête pour en profiter. Pour moi, le design doit être comme cette brise : on ne doit pas y faire attention au premier coup d’œil, mais le bien-être qu’il vous apporte doit ensuite apparaître comme indispensable sans être envahissant. Au fond, c’est la même chose avec les œuvres de Judd et Turrell ; on s’y sent connecté de façon émotionnelle, pas réfléchie. Chez Sonos, nous voulons que l’on remarque d’abord le son et ensuite le design…
Vous souhaitez faire de la Playbase un objet de décoration à part entière. Comment dessiner une enceinte qui doit s’adapter aux intérieurs américains, mais aussi européens, asiatiques… ?
Je vais vous donner la formule magique : zéro design ! En utilisant une forme géométrique simple, nous affirmons un design neutre qui s’intégrera facilement dans un grand nombre d’intérieurs ! Comme dans un restaurant, n’importe qui doit pouvoir goûter et apprécier les plats, quels que soient sa culture et ses goûts. Excusez-moi, mais j’en reviens encore à Judd et Turrell : leurs œuvres sont très simples en apparence, mais en réalité, elles résultent de mises en scène complexes. C’est la même chose pour le design de la Playbase.
C’est pour cela que vous ne proposez que du noir et du blanc ?
Beaucoup de personnes sont habitués à acheter des produits audio uniformément noirs. Mais d’autres veulent échapper à ce diktat. Pour eux, nous proposons la Playbase en blanc. Mais il n’y aura pas d’autres coloris, hormis les éditions limitées.
Le design de la grille qui entoure l’enceinte semble complexe…
En effet, cette grille est la parfaite expression de ce que j’entends par « design ». Pour obtenir un son profond, les ingénieurs ont disposé sur les côtés de la Playbase des woofers (haut-parleurs graves, NDLR) qui doivent expulser une grande quantité d’air pour restituer les basses fréquences. Comme les trous sont réalisés individuellement avec une fraiseuse numérique, on pouvait en faire varier le diamètre et le dessin. Quand on s’éloigne du centre de l’enceinte, la taille et l’orientation évoluent pour créer une sorte de dégradé. Du coup, une contrainte technique devient un atout esthétique. J’en suis très fier, même si 90 % des utilisateurs n’y feront probablement pas attention…
Sonos Playbase, 799 €. www.sonos.fr
Le making-of de la Playbase