Chez l’éditeur culte, made in Italy sous-entend souvent aussi « designed around the world». Surtout quand il s’agit de la voyageuse Bodil Kjær, dont Cassina réédite quelques pièces pour la vie quotidienne. IDEAT lui décerne l’Award « Best reedition» 2022.
Petites architectures à notre service
Cassina, la plus italienne des maisons d’édition italiennes, rejette tout nationalisme en matière de création. Sa directrice artistique, Patricia Urquiola, ne fait-elle pas partie du paysage du design italien et, plus exactement, milanais, tout en étant, de son propre aveu, « très espagnole » ?
Dans ce domaine, les inspirations comme les hommes et les femmes de l’art viennent du monde entier. Cassina le prouve avec trois rééditions de Bodil Kjær, designer danoise nonagénaire sollicitée ces dernières années par au moins sept labels : un fauteuil au dossier haut, conçu en 1955 pour le « farniente », qui renverse un peu le corps en arrière (fare niente, ne rien faire), désormais posé sur un rembourrage en PET recyclé ; trois tables gigognes de 1955, en bois massif, pour un usage quotidien ; enfin, une table roulante de la même époque, dont les proportions ont été légèrement modifiées par rapport au dessin original afin de pouvoir transporter de grandes bouteilles. Ces meubles sont comme de petites architectures à notre service et non des mythes auxquels il faut s’adapter.
Une œuvre prolifique
Si l’éditeur a sollicité une personnalité atypique, une ex-étudiante du maître Finn Juhl, qui a suivi sa voie sans imiter quiconque, la femme que nous redécouvrons sait ce que signifie collaborer avec un grand éditeur, puisqu’au début de sa carrière, cette fan de Charles et Ray Eames a travaillé aux États-Unis, chez le designer américain Paul McCobb (1917-1969), avant d’aller apprendre l’architecture à Londres, à l’Architectural Association, puis au Royal College of Art.
Entre ses maisons rafraîchies à l’énergie solaire en Afrique et sa contribution à l’opéra de Sydney, Bodil Kjær s’est diversifiée. Cassina a bien estimé le parti à tirer de celle qui a su convaincre l’architecte Marcel Breuer de la laisser meubler l’un de ses bâtiments new-yorkais, après avoir fait de même avec Josep Lluís Sert, doyen de la Graduate School of Design (Harvard). Comme elle le dit elle-même : « J’ai eu une vie, pas une carrière. »