En 1931, l’année de sa commercialisation, rien ne prédestinait le fauteuil Modello 904 à devenir un tel objet de culte. Renzo Frau (1881-1926) l’avait dessiné avec autant de soin que ses autres modèles, qui sont encore produits par l’entreprise dont le siège est basé depuis les années 60 à Tolentino, dans les Marches.
Vanity Fair, une icône européenne
Né en 1881 à Cagliari, en Sardaigne, Lorenzo Frau, surnommé Renzo, effectue son service militaire à Milan. Rendu à la vie civile, il devient représentant de commerce, notamment pour un fabricant… de simili cuir. Après son mariage avec Savina Pisati, il emménage à Turin. Le Piémont lui semble offrir de meilleurs auspices pour sa nouvelle affaire d’importation de meubles. Poltrona Frau y naît en 1912. Les fauteuils et canapés qu’il dessine lui-même sont inspirés du mobilier anglais, français ou d’Europe centrale.
Quand la Première Guerre mondiale éclate, Renzo Frau s’engage dans l’armée et laisse Savina diriger la société. Les créations de Poltrona Frau commencent alors à entrer dans les salons, les intérieurs bourgeois, et jusque dans la maison royale des Savoie. Lorsque Renzo Frau disparaît prématurément en 1926, la vie de Poltrona Frau se poursuit. Savina édite ainsi en 1930, d’après des dessins laissés par son mari, le fameux Modello 904, inspiré du fauteuil club Chesterfield anglais, dont la réputation grandit en Italie. Il est rebaptisé Vanity Fair en 1984 quand il attire une clientèle internationale.
Une édition spéciale pour les 90 ans
Son dossier arrondi évoque l’époque Art déco ; les clous de tapissage, recouverts de cuir et battus à la main, illustrent, eux, sa facture artisanale. Lors d’une édition des D’Days, les doigts de fées de Poltrona Frau sont venus installer leur atelier dans le showroom parisien de la marque. Le cuir Pelle Frau était déjà familier des connaisseurs, mais ce qui sidéra, ce fut la structure interne quasi parfaite du fauteuil : en frêne massif avec rembourrage en crin et ressorts d’acier sanglés de jute.
Pour les 90 ans du modèle, l’éditeur a demandé au designer Roberto Lazzeroni de recomposer les proportions du siège dans une version baptisée « Vanity Fair XC ». L’esprit de l’original est respecté, mais perfectionné. La plume d’oie est à l’honneur, avec un insert de polyuréthane pour permettre aux coussins de durer plus longtemps. Le travail du designer a parfois été qualifié de sentimental, en transit entre les époques. On est en plein dedans, mais dans le temps arrêté du confort parfait.