Parfaite. L’élégance de la bibliothèque Élysée est parfaite. Avant de se pâmer, observons plutôt son ingéniosité. C’est le système modulaire par excellence : son usager peut lui donner la largeur et la hauteur qu’il veut. La cohérence, et donc la force, de certains produits leur donne une sorte d’intégrité plastique. On les imagine dans tous les matériaux et toutes les couleurs. Depuis 2009, chez l’éditeur italien Magis, les étagères Élysée existent en érable multiplis. Côté fonctionnel, la bibliothèque Élysée s’impose. Côté esthétique, elle pose question.
Elle est belle à la manière de ce qui est débarrassé d’éléments de style. Question d’honnêteté, voire d’hygiène chez Paulin. Son but ? Satisfaire ses clients. Comme Georges Pompidou qui, lors d’une visite au Mobilier national, déclare : « Je trouve excellente votre idée de créer un atelier pour le mobilier moderne. Il n’y a pas de raison de laisser aux Italiens le monopole de la recherche et de la création. D’ailleurs, si je peux, je ferai appel à vos services pour meubler l’Élysée. » En février 1972, la presse publie les images de la nouvelle aile de l’Élysée signée Paulin. Dans le couloir longeant les quatre pièces, la bibliothèque en méthacrylate fumé fait office de paravent.
L’univers que Paulin déploie à l’Élysée fait mouche. Cette « nef » de polyester tendu des murs au plafond délimite la modernité des nouveaux espaces, sans toucher aux boiseries. Le grège domine. C’est le choix de Claude Pompidou ; Paulin avait, lui, proposé du bleu. Avec ce projet, il gagne une réputation de favori du pouvoir. « De tous les pouvoirs », confirme-t-il en 1990 au mensuel Jardin des modes. Les pouvoirs passent, le design trépasse. Si le locataire suivant fait déshabiller les boiseries, la bibliothèque demeure.
Dès 1968, elle avait été présentée sur le stand de l’éditeur Mobilier international au Salon des arts ménagers. Les 19 caissons du modèle étaient alors en Altulor teinté brun. En 1973, la bibliothèque réapparaît dans un projet de Paulin pour un showroom à Paris. Et en 2009, l’éditeur de Magis, Eugenio Perazza, la réédite, aussi belle qu’à ses débuts…