Ancien étudiant en ébénisterie à la John Makepeace School for Craftsmen in Wood et du Royal College of Art de Londres, Konstantin Grcic fut également le disciple de Jasper Morrison. Après ces expériences formatrices, l’Allemand ouvre son propre studio en 1991 à Munich et trouve sa place parmi les grands designers internationaux, grâce au succès de sa Chair_One. Moulée sous pression en une seule pièce d’aluminium de 2 mm d’épaisseur, l’assise de la Chair One propose un dessin qui s’inscrit en toute subtilité entre fonctionnalité, esthétique et innovation. Elle témoigne à la fois de la richesse de l’imaginaire du designer allemand et de l’avant-gardisme de Magis.
Un éditeur qui dicte la matière
L’histoire commence à la fin des années 1990, quand Eugenio Perazza, le patron de Magis, fait appel à Grcic pour qu’il dessine une chaise en aluminium pour le marché émergent de l’outdoor. Durant plusieurs années, le designer et ses assistants, dont Stefan Diez, s’attèlent à concevoir une chaise à la croisée du travail de sculpture et de la modélisation 3D. Le principe de la Chair_One, c’est celui d’un ballon de football aux multiples facettes. Le designer privilégie les lignes géométriques aux courbes, les vides aux pleins, et l’économie de matière à la gabegie insouciante de l’époque.
La rétrospective d’un processus de création
Une fois le dessin couché sur papier, un premier prototype en carton est rapidement fabriqué pour vérifier l’équilibre général. Le designer se lance ensuite dans le soudage de fines baguettes en tôle afin de modéliser une forme légère et souple. C’est seulement après le troisième prototype que les logiciels de dessin 3D sont entrés en jeu et que l’idée d’aluminium moulé sous pression est apparue. Le premier essai n’est pas concluant car la chaise se révèle trop fragile. Sur les suivants, Grcic ajuste les sections de métal afin de d’aboutir à un résultat satisfaisant, à la fois esthétiquement et structurellement.
C’est au bout du septième prototype que Konstantin Grcic put enfin présenter la Chair_One à Magis. Elle était encore fragile mais assez solide pour qu’Eugenio Perazza puisse s’y asseoir sans en tomber. Sur la base de cette neuvième itération, Magis fait réaliser un premier prototype avec un moulage au sable, que le fabricant présente ensuite au salon du meuble de Milan. On pouvait s’y asseoir, elle était résistante… mais très inconfortable.
Le designer constate alors que l’erreur a été commise au stade de la chaise en tôle d’acier. Ce matériau est si souple qu’il s’adapte à la forme du corps, contrairement à l’aluminium, ultra rigide. Il fallait donc ajuster sa géométrie. La forme de la chaise devait découler de son processus de fabrication singulier. Après avoir trouvé l’équilibre formel parfait, il est un temps envisagé de recouvrir la chaise de cuir, mais cette idée est vite abandonnée pour privilégier l’esthétique brutale et sèche de l’aluminium.
Des déclinaison multiples
La Chair_One est le premier projet de Konstantin Grcic pour Magis. Par conséquent, le fichier informatique a été nommé 01. Donner le nom de ce fichier à la chaise parut logique à son concepteur. « Chair_One sonnait comme un nouveau départ, vierge et pur, frais. Nous ne l’avons pas baptisée One, mais Chair_One, comme pour souligner le fait qu’il s’agit bien d’une chaise », s’amuse Gric. La commande initiale de Magis portait sur une chaise pour l’extérieur. Pourtant, les architectes comme les particuliers s’approprient rapidement la Chair_One à l’intérieur. Dans une cuisine ou sur une terrasse, elle a toute sa place. Légère, maniable et confortable, elle sublime les meubles en bois et apporte de l’originalité aux salons extérieurs grâce à ses nombreuses déclinaisons colorées.
En 2013, Konstantin Grcic a fait don de 27 modèles expérimentaux de la Chair_One au musée du design de Munich, Die Neue Sammlung. Cette donation a donné lieu en 2015 à une exposition baptisée « The Good, The Bad, The Ugly ». Même le modèle effondré était de la partie pour démontrer le long travail de Grcic sur cette chaise.
Aujourd’hui, la Chair_One s’est fait une place de choix dans le mobilier contemporain, notamment grâce aux multiples combinaisons qu’elle propose. Magis l’a progressivement déclinée en chaise de table, chaise de bar et banc. Si son assise en aluminium poli est immédiatement reconnaissable à son jeu de vides géométrique, son piètement varie : quatre pieds en aluminium droit ou en étoile et, cerise sur le gâteau, un pied conique en béton. Cette dernière version, presque brutaliste, est sans doute la plus marquante par le contraste qu’elle propose entre assise et piètement. Et la raison pour laquelle elle est devenue une des premières icônes du design du XXIe siècle…