Cinq architectes français dont les hôtels cartonnent à l’étranger

Terrain d'expérimentation pour les architectes, les hôtels haut de gamme fleurissent à l'étranger, offrant à leur clientèle une expérience de plus en plus luxueuse et exclusive. Focus sur cinq architectes français qui signent le décor de nombreuses adresses à travers le monde.

Les chaînes hôtelières haut de gamme comme Aman, Mandarin Oriental ou Shangri-la se les arrachent. De Hongkong à New York en passant par Madrid, IDEAT vous dévoile des hôtels à l’étranger signés par des architectes français.


Tristan Auer

Portrait de Tristan Auer et Island Shangri-La, Hongkong.
Portrait de Tristan Auer et Island Shangri-La, Hongkong. Amaury Laparra

Parmi les douze projets d’hôtellerie sur lesquels il planche simultanément, Tristan Auer, qui aime avant tout les lieux avec un passé, vient de livrer l’Island Shangri-La, de Hongkong, une tour construite dans les années 90 qu’il a métamorphosée en mêlant inspirations britanniques et chinoises. Autre dernière réalisation, le restaurant du Rosewood London, situé dans un bâtiment Belle Époque. « Nous recevons chaque semaine à l’agence des programmes hôteliers provenant parfois de chaînes concurrentes, confie-t-il. Passer d’un projet à un autre, souvent aux antipodes, est très stimulant, comme travailler pour une marque prestigieuse ou pour des sites qui ont une histoire. Car notre mission consiste en général à redynamiser une enseigne plutôt qu’à rénover un lieu endormi. »

Parallèlement à ses projets à Paris, à Dubai et à Zurich, où il travaille respectivement pour les hôtels Saint James Albany, Four Seasons et Mandarin Oriental, le grand ouvrage qu’il livrera en 2023 se situe à Cannes, il s’agit du Carlton. Chantier vertigineux comprenant non seulement la restauration d’un hôtel mythique, mais aussi la construction de bâtiments mitoyens ainsi qu’une piscine en sous-sol. « C’est sans doute le projet d’investissement hôtelier réalisé en France le plus important actuellement », dit-il. 


Jean-Michel Gathy

Hôtel One&Only Portonovi au Monténégro et Aman New York
Hôtel One&Only Portonovi au Monténégro et Aman New York DR

Parmi les nombreux et prestigieux chantiers de son agence figurent cette année l’hôtel Aman de New York, et les chambres et villas du One & Only Portonovi, au Monténégro. « Les résidences privées proposées dans un hôtel de luxe apportent indéniablement un plus à un établissement, confirme Jean-Michel Gathy. En effet, lorsque l’on part en vacances en famille, il est plus pratique de louer une maison que d’être dans des chambres individuelles. Aujourd’hui, les hôtels sans résidence privée, ou piscine privative, ne sont plus vraiment rentables. On a noté que le taux d’occupation d’un hôtel ainsi équipé était de 92 %, et cela même si le prix d’une chambre avec piscine est 20 à 25 % plus cher que celui d’une chambre normale. Donc la construction d’une piscine est certes onéreuse, mais elle est rentabilisée en six mois. »

Autre paramètre important dans l’hôtellerie de luxe, le confort. « Se sentir chez soi est une notion très subjective, poursuit-il, c’est une question d’intimité, de localisation, de détail, et cela ne tient pas seulement au luxe du lieu. » Dernier critère, le spa, devenu aujourd’hui plus qu’un simple espace de bien-être, car il englobe non seulement massages et soins, mais également diététique, salle de rééducation, hydrothérapie, salle de cryogénie… « C’est tout cela qui fait le succès d’un hôtel », conclut l’architecte.


Gilles & Boissier

À gauche, portrait de Dorothée Boissier et Patrick Gilles. À droite, résidence Dorchester Collection Dubaï.
À gauche, portrait de Dorothée Boissier et Patrick Gilles. À droite, résidence Dorchester Collection Dubaï. Gilles Bensimon et

Faire rêver avant tout, voilà leur credo. Parmi les derniers chantiers du duo, les résidences de l’hôtel Dorchester Collection Dubai – un bâtiment signé Foster + Partners –, et surtout le Mandarin Oriental Ritz, à Madrid. « Il s’agissait de rénover cet hôtel construit par César Ritz, au début du XXe siècle, en héritant d’une conception du voyage qui n’existe plus, explique Dorothée Boissier. C’est un lieu très marqué, auquel les Madrilènes sont attachés. » Faire preuve de prudence pour ne pas biffer l’âme de l’endroit ne fut donc pas un euphémisme. Les espaces ouverts au public semblent, seulement en apparence, avoir été peu touchés. Idem pour les chambres. Restaurant, bar, spa et piscine intérieure ont en revanche été conçus entièrement. En tout, cinq ans de « rénovation ».

« Aujourd’hui, il est indispensable d’offrir aux clients des atmosphères variées, reprend l’architecte d’intérieur, de les occuper, de les faire rêver et de les surprendre. Il faut être très créatif et ne pas se contenter de décliner un concept décoratif. Les voyageurs de 2021 sont différents de ceux de 2006, par exemple. Ils sont très pointus, ils ont séjourné dans les plus beaux hôtels du monde et s’attendent à de nouvelles expériences. D’où les questions que l’on se pose dorénavant : comment faire résonner un espace, créer un bar, un restaurant ? Mais, surtout, comment rester dans la simplicité ? »


Jean-Philippe Nuel

À gauche, Hôtel-Dieu à Lyon, à droite portrait de Jean-Philippe Nuel.
À gauche, Hôtel-Dieu à Lyon, à droite portrait de Jean-Philippe Nuel. Nicolas Matheus ; Jean-François Jaussaud

En vingt ans, il s’est imposé en référence incontournable de l’hôtellerie de luxe. Vitrines de son savoir-faire, il a converti plusieurs édifices patrimoniaux en 5-étoiles pour le compte de grands groupes internationaux (Accor, InterContinental, Radisson…). Palais de justice, à Nantes, anciens hôtels-Dieu, à Marseille et, dernièrement, à Lyon, piscine Molitor, à Paris, thermes Belle Époque, à Trouville, les projets qui portent sa signature ont pour point commun un design spécifique au secteur contract. « De nombreuses réglementations sont prises en compte, la sécurité des personnes bien sûr, les normes incendie, le handicap et même la responsabilité environnementale », souligne l’architecte.

Une somme de contraintes qui se traduit encore différemment sur l’eau : pour le spécialiste de la croisière de luxe Ponant, il vient d’inaugurer, au Havre, un navire de 200 cabines, le douzième à son actif, « tout en intégrant des réglementations draconiennes sur l’hygiène ou la résistance au feu, spécifiques aux eaux territoriales empruntées, en l’occurrence américaines. Sur un bateau, à l’instar d’un immeuble de grande hauteur (IGH), la masse combustible doit être réduite au minimum ». Chez d’autres, des labels de protection de l’environnement, internationaux, nationaux, voire régionaux, s’ajoutent aux cahiers des charges. « Au siège social de Danone, notre proposition devait intégrer du mobilier upcyclé (de upcycle, en anglais, soit « réutiliser », NDLR). Pour le futur hôtel de Patrick Bruel, en Provence, l’isolation doit mettre à profit son oliveraie. À nous d’adapter le contract à l’histoire ou à la ressource du lieu ! » conclut l’architecte.


Sybille de Margerie

À gauche, hôtel Cœur de Megève décoré par Sybille de Margerie.
À gauche, hôtel Cœur de Megève décoré par Sybille de Margerie. Vincent Leroux ; Ali Mahdavi

Si les projets pour particuliers constituent aujourd’hui la plus grande activité de son agence, la Française Sybille de Margerie livrera en 2022 les résidences privées de l’hôtel Four Seasons, à Dubai, calquées sur celles qu’elle a réalisées pour le Grand-Hôtel du Cap-Ferrat. « Avec ce style de chantier, on travaille sur des données plus épidermiques, dit-elle, plus sensibles. On réfléchit à l’unité. Il existe davantage de ponts entre l’hôtellerie de luxe et le secteur privé. Les clients qui fréquentent ces hôtels me confient souvent, ensuite, leur villa. »

Parmi ses créations récentes, outre l’hôtel Cheval Blanc, à Courchevel, le Sofitel Cataract, à Assouan, et The Norman, à Tel Aviv, figurent le boutique-hôtel Cœur de Megève, livré en 2019, ainsi que le penthouse de l’Hôtel Mont-Blanc, à Chamonix. « Le challenge de ces dernières réalisations a consisté à redéfinir les codes de la montagne sans jamais oublier les notions de confort et de modernité, explique-t-elle. Et comme Megève et Chamonix sont des stations qui fonctionnent été comme hiver, il était important de donner à chacune une identité propre. Aujourd’hui, on travaille aussi bien sur des projets de grande envergure que sur des boutique-hôtels. Cela nous offre une certaine souplesse d’esprit. »