Signées Manuel Aires Mateus, similaires mais différentes, ces quatre maisons minimalistes en béton avec patio cadrent avec une troublante continuité le paysage portugais de l’Alentejo. Une invitation à vivre l’architecture, et non pas seulement vivre dans une architecture. Visite de l’hôtel Pa.te.os.
À Melides, au Portugal, à seulement une heure trente de Lisbonne et vingt minutes de Comporta, l’ensemble de l’hôtel Pa.te.os invite, au sein d’une propriété rurale de 80 hectares, à une immersion sensorielle, à la fois dans la nature intacte de l’Alentejo et dans l’architecture en béton minimaliste des quatre maisons conçues par Manuel Aires Mateus. « Ce qui intéresse l’architecture, c’est l’espace. Or ce que l’on construit est indissociable de ce qui l’entoure. Cela implique une certaine façon de dessiner, d’imaginer, de dire que l’on travaille sur les limites… Mais comment construit-on les limites ? » s’interroge l’architecte portugais.
Cette expérience audacieuse et sophistiquée de l’hospitalité est portée par la détermination d’esthète des propriétaires, Sofia et Miguel Charters – leur maison en briques façonnées à la main, Casa de Tijolo, elle aussi signée Aires Mateus, a été la première construite sur le domaine –, ainsi que par leur désir de partager l’authenticité et la beauté du paysage avec leurs hôtes. « Je suis obsédé par la cohérence. Donc, dans nos projets, tout ce que l’on voit, tout ce que l’on touche est authentique », affirme Miguel Charters.
À commencer par le choix de matériaux à la sensorialité avérée (béton, chêne, ardoise, lin, marbre), par le raffinement des coloris neutres (gris, écru, taupe), par le mobilier scandinave (Carl Hansen & Søn, Audo, Frama), par les luminaires (DCW éditions, Lumina) et par une ligne parfumée spécialement créée par Lyn Harris.
Mais la genèse de l’hôtel Pa.te.os repose aussi sur un sentiment : l’amitié. Celle que Sofia et Miguel souhaitaient honorer en ajoutant une solution d’hébergement sur leur propriété plantée de chênes-lièges, de pins, d’oliviers, d’arbousiers, d’herbes aromatiques et de vigne, afin de pouvoir accueillir leurs amis de passage. Et celle qui les lie à Manuel Aires Mateus, avec qui ils ont collaboré sur les quatre projets développés à ce jour par Primosfera, leur société immobilière familiale.
A lire aussi :
L’activation de la mémoire collective
Ouvert aux réservations depuis l’automne 2022, cet ensemble de quatre maisons en béton de surfaces habitables respectives de 85, 95, 152 et 208 m2 constitue autant de variations autour d’une forme archétypale. « Nous sommes toujours très intéressés par la possibilité de démultiplier les utilisations potentielles d’une organisation très répétitive », confie l’architecte.
Chaque maison se loue, individuellement ou collectivement, pour un séjour minimum de deux nuits. Pour toutes, les ouvertures en façade et les patios – qui ont inspiré le nom du projet – sont autant de cadrages photographiques sur la nature environnante de la Serra de Grândola et sur la ligne bleue de l’océan Atlantique qui brouillent de façon idéalement troublante la frontière entre l’intérieur et l’extérieur.
En s’inscrivant avec force et singularité dans le paysage – soit en y disparaissant par moments, soit, au contraire, en s’y révélant de manière inattendue avec leurs contours qui tracent, comme à main levée, la silhouette d’une ferme de l’Alentejo –, les quatre constructions matérialisent ce qui représente, aux yeux de Manuel Aires Mateus, l’une des raisons d’être de l’architecture : l’activation – mais sans nostalgie – de la mémoire collective. « L’hôtel Pa.te.os est né de cette vision que l’on a quand on se promène dans le Sud, que l’on voit surgir des ruines composées seulement de quatre murs extérieurs et que l’on s’imagine instantanément vivre à l’intérieur, explique celui-ci. Habiter une ruine est une idée romantique. Ce que l’on a matérialisé avec ce projet, en transformant une telle idée en expérience de l’espace, c’est, en quelque sorte, en même temps la ruine et la maison. Nous avons dessiné les bâtisses et les patios en orientant les vues, en créant une continuité avec la nature. Les perceptions y sont variées ; certains séjours s’ouvrent sur un patio, d’autres, sur l’horizon. Ce ne sont pas des maisons que l’on habite de façon permanente ; donc, ici, l’idée était également de procurer des sensations spatiales un peu plus fortes que la normale, car c’est cette forme d’exagération des sentiments de la vie qui rend les séjours temporaires plus attrayants. » Une expérience, en effet.