Au programme du nouveau hors-série IDEAT outdoor n°13, plus de 160 pages d’inspirations et de tendances, pour passer le printemps au grand air et avec style. En kiosque le 22 avril 2022.
- Dossier design : le salon prend ses aises au jardin. José Lévy, Yabu Pushelberg, Sam Accoceberry… les designers réinventent nos terrasses.
- Dossier lifestyle : piscines de rêve : la déco fait tout ! Pergolas, vérandas, cuisines : la vraie vie.
- Dossier déco : maison de campagne dans les Pouilles, villa en Afrique du Sud ou appartement à Barcelone : calme et volupté avant tout.
L’édito de Vanessa Chenaie, pour le nouveau hors-série IDEAT Outdoor n°13
Dans les maisons traditionnelles japonaises, il est un élément d’architecture typique qui s’appelle l’engawa. C’est une sorte de terrasse qui fait tout le périmètre des édifices donnant sur un jardin, une forêt, un espace vert. Un lieu de transition entre l’intérieur et l’extérieur. Une coursive.
En Occident, la tendance actuelle vise, à sa façon, à flouter les frontières entre ces espaces. Par le choix d’un revêtement de sol identique assurant la continuité dedans-dehors, par des salons de jardin, avec tables, luminaires, parasols, de plus en plus sophistiqués, par l’adaptation d’un tas de « services » (cuisines, douches, mobilier de rangement, brasero, pergola…) qui agrémentent la vie à l’extérieur.
Cet entre-deux, en Occident, nous le meublons, quand les Japonais eux, le laissent vacant et l’utilisent pour contempler la nature changeante au gré des saisons.
Pour méditer.
Cette expérience sensible d’un silence aussi plein d’émotion que dans un film d’Ozu, nous avons pourtant une nouvelle chance de la tenter avec la réouverture du musée départemental Albert-Kahn, à Boulogne-Billancourt. L’écrin repensé par l’architecte japonais Kengo Kuma fait justement dialoguer le dedans et le dehors en créant un écho permanent avec la nature, permis par l’usage du bois, du bambou, du métal. L’engawa est ici soutenu par un autre élément japonais, le sudare. Comme des stores, des lames horizontales rythment le bâtiment à la manière d’une seconde paroi (qui fait chanter la pluie, disent les jardiniers) tandis qu’à l’intérieur, les plafonds sont habillés de poutres fines suspendues, produisant une vibration intime avec l’extérieur.
Le parcours est conçu pour oublier la ville et découvrir le jardin. Jardin japonais, jardin anglais, forêt vosgienne, jardin français… Albert Kahn (1860-1940) a réuni ici les paysages qui lui étaient chers, mais aussi une collection d’images : ses « Archives de la planète », constituées d’autochromes et de films nitrate pris de novembre 1908 à mars 1909 lors de son tour du monde. Le projet du banquier philanthrope était de « partager le monde », ce monde en transformation du début du XXe siècle. Profondément républicain, favorable à la redistribution des richesses dans l’intérêt général, fervent promoteur de l’éducation, Albert Kahn financera des bourses pour permettre aux futurs enseignants et scientifiques de voyager et de transmettre ensuite à leurs étudiants les connaissances acquises sur le terrain. De philanthropique, le dessein de Kahn deviendra politique. Il écrit en 1918 Des droits et devoirs des gouvernements, opuscule dans lequel il décrit un régime fédéral mondialisé organisé pour recenser, analyser et comprendre les événements afin d’éviter les crises et les guerres. C’est un ordre de la tolérance. Son fantastique inventaire, qui explore la diversité des cultures, est aujourd’hui ouvert à tous. C’est un musée d’éducation à l’image par l’image, qui incite à réfléchir aux questions de société, à la fraternité entre les peuples.
À méditer ?
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