Si la réouverture des musées a été marquée par l’inauguration de la Bourse du commerce, son architecture signée Tadao Ando et ses renversantes expositions, c’est désormais à son restaurant d’ouvrir ses portes. Autour de la famille Bras, ce projet a réuni les frères Bouroullec et François Pinault mais aussi des designers convoqués pour donner du sens à l’histoire que voulaient raconter les chefs. Cette histoire, c’est celle de l’ancienne halle au blé, l’ancêtre de la Bourse du commerce, où s’échangeaient autrefois les céréales dans la capitale. Ce passé agricole a inspiré le concept du restaurant baptisé la Halle aux grains.
Un vocabulaire, direct, pas bourgeois…
Les Bras père et fils ont décidé d’y décliner les grains et semences sous toutes leurs formes (légumineuses, céréales, oléagineuses, ombellifères…). Au total, 50 ont été recensées pour structurer la carte. Plus bistronomique que gastronomique, cette dernière révèle le tropisme des Aveyronnais pour le végétal… Mais les chefs ont aussi voulu donner du sens à leur Halle aux grains en faisant appel à des designers. D’abord à Ronan et Erwan Bouroullec, à qui François Pinault a confié l’aménagement des espaces intérieurs et extérieurs. « Dans la Halle aux grains, nous avons employé un vocabulaire direct, pas bourgeois, naturel…, énonce Ronan Bouroullec. Il fallait rester cohérent avec le reste du musée. »
Pour parvenir au restaurant, nous vous conseillons d’emprunter le spectaculaire escalier à double rotation, au centre duquel trône un lustre monumental développé par la fratrie avec Flos, dans lequel une structure en aluminium protège des tubes en verre soufflé à Murano de 17 mètres de long. Une pièce spectaculaire qui fait dialoguer architecture historique et création contemporaine.
Elise Fouin trace son sillon
Dans la Halle aux grains, les Bouroullec ont d’abord aménagé une poignée de salons privés destinés aux repas d’affaires, auxquels succède une salle simplement cloisonnée par des rideaux gris ajourés, « afin de ne pas couper la circulation de la lumière », précise Ronan Bouroullec. Au sol, on retrouve les mêmes tapis que dans le musée, précieux pour atténuer le bruit ambiant. Les chaises et tables qui marient le feutre au métal ont été conçus pour Magis (collection « Officina »). Sur les consoles, les miroirs développés spécialement pour le lieu avec la galerie Kreo côtoient des lampes d’Inga Sempé et des objets en verre (IIttala).
Chargée de développer une vaisselle spécifique, Elise Fouin est elle aussi partie de l’univers des graines. Cette fille d’agriculteurs de Haute-Saône a été inspirée par les semoirs dont les disques tracent leurs sillons parallèles dans les champs. Elle en a tiré un plat en tuile de sarrazin où sont disposées les graines germées en guise d’amuse-bouche. Pour le service de l’après-midi, il fallait des mugs et soucoupes. Les premiers font un clin d’œil à l’architecture et aux textures brutes de Tadao Ando. Les seconds déclinent les mêmes sillons cannelés. Quant aux bols, ils sont présentés retournés pour faire écho à la coupole de la Bourse et les assiettes présentent une encoche qui rappelle la graine du logo du restaurant.
La Halle aux grains soigne son service
Le logo justement est l’œuvre d’Anne et Guillaume Bullat (agence Voiture 14), qui a conçu toute l’identité graphique. Elle est partie du mot GRAINES et a ensuite travaillé sur les vides typographiques pour retrouver des formes de semences. Ses formes ornent la papeterie, les menus, étiquettes des vins ainsi que tous les supports de communication, du site web à la boutique du restaurant.
Vénérable spécialiste du tissage jacquard, les Tissages Moutet ont conçu avec Catherine André et Voiture 14 les torchons et tabliers. L’idée était de se fondre dans le cadre général conçu par les Bouroullec. Les équipes ont planché sur les textures, l’armure (la façon dont les fils se croisent), la granulosité… en replongeant dans les archives de la manufacture.
> La Halle aux grains. Bourse du Commerce, 2, rue de Viarmes, 75001 Paris. Ouvert tous les jours de l’année, de midi à minuit. Accès direct coupe-file.
Menu midi 55 €, soir 78 €/98 €. Carte: 60-70 €. L’après-midi, vente sur place de boissons et petite restauration sucre/salée.