Guide de survie au Japon : 12 gestes qui vous sauveront (peut-être)

Par un phénomène encore un peu mystérieux, le Français a tendance à perdre toute retenue dès qu’il pénètre dans un avion et une fois débarqué dans un pays étranger. Il se tient et s’habille mal, parle fort, pense être le plus intelligent du monde… À l’usage de ceux qui croient avoir déjà été frappés par ce syndrome, quelques recommandations avant d’atterrir à Tokyo-Narita…

1/ Se munir d’un plan

Vous pensez que la seule adresse de votre rendez-vous vous suffira ? Hélas, vous risquez fort de déchanter… À Tokyo, la numérotation est aussi complexe qu’elle le fut jadis à Florence, c’est-à-dire au fur et à mesure que les constructions se sont succédé. Impérativement, il vous faudra la géolocalisation. Atten­tion ! même une fois sur place, vous pourrez perdre au moins vingt minutes avant d’atteindre votre but, tant un immeuble peut abriter des centaines de lieux. D’où l’intérêt de prévoir large… et d’arriver en avance !

Plan des transports en commun tokyoïtes.
Plan des transports en commun tokyoïtes. DR

2/ Toujours des deux mains !

Nous aurions dû débuter par ce sujet crucial. Si vous offrez un cadeau, faites-le des deux mains. Cela marque toute l’importance que vous lui accordez (cela évite aussi d’offrir des nullités crasses). Il en sera de même quand vous tendrez votre carte de visite (faites-la imprimer en caractères japonais, ­encore des points de marqués). Puis recevez celle de votre interlocuteur de la même façon, et non avec désinvolture et détachement. Vous la posez devant vous. Même chose quand il s’agit de boire dans un bol. Pour tout ce qui concerne l’univers tactile : des DEUX mains ! Vous verrez, c’est un vaste continent irrésistible et doux : yokoso ! (bienvenue).

Toujours tiliser ses deux mains pour donner ou recevoir quelque chose.
Toujours tiliser ses deux mains pour donner ou recevoir quelque chose. Mirjam Bleeker & Ludovic Maisant

3/ Un pour tous…

Vivre au Japon, c’est avant tout penser en tant que groupe et à l’harmonie entre ceux qui le constituent. On fait donc très attention à respecter autrui, à ne pas le gêner, à ne pas lui prendre ses affaires, à les lui restituer, à aider dans la rue… Dans les onsen (bains publics, une expé­rience indispensable), au restaurant, partout, on s’applique à ne pas la jouer « perso ». D’où cette tranquillité, cette sérénité des villes, des transports en commun… Ainsi, il convient de rester toujours sur la droite dans les escalators japonais, à part à Osaka où, là, c’est à gauche…

La solidarité est primordiale au Japon.
La solidarité est primordiale au Japon. Antoine Lorgnier

4/ Au Japon, on arrive à l’heure

Lorsqu’on adopte ce genre d’habitudes, il est difficile de s’en séparer ensuite… Mieux même, il est bon d’arriver juste en avance. Il n’y a rien de plus pénible que la mise en scène pathologique de ceux qui accourent, en retard, essoufflés et bredouillants. Une sorte de régression infantile un brin maso pour capter une étrange attention. Au Japon, les horaires ont cette dureté métallique qui sans cesse se voit soli­difiée par des confirmations, et ce, parfois, un mois avant ledit rendez-vous. En guise de cadeau, vous allez gagner du temps !

Ni en avance ni en retard !
Ni en avance ni en retard ! David Lefranc

5/ Tenir la baguette

Bien sûr, on peut demander des couverts pour déguster des sushis. Mais vous vous priverez de cette approche si tendre, si précise des baguettes. Elles fonctionnent alors comme des guillemets respectueux, tandis que nos instruments occidentaux piquent et coupent. Il y a même une élégance qui peut se laisser transgresser par les doigts pour saisir, au comptoir, le sushi présenté par le chef. Pour porter un toast, se dispenser de dire tchin-tchin (nom cocasse pour les attributs masculins). Et ne jamais disposer ses baguettes à la verticale (présage funeste). Pour s’en sortir sans dommage : toujours regarder comment font les autres convives.

L’usage des baguetes répond à une étiquette bien précise.
L’usage des baguetes répond à une étiquette bien précise. Antoine Lorgnier

6/ Ne jamais dire non

C’est inutile et parfois blessant. Il existe suffisamment de subtilités dans la gestuelle et le vocabulaire japonais pour éviter la porte claquée au nez. Ainsi, il est préférable d’atténuer son refus et d’aménager une sortie honorable pour son interlocuteur. Car il s’agit pour lui de ne pas perdre la face, axe clé des comportements au Japon. C’est également, pour nous, s’abstenir d’être un brin provocateur, voire tranché, exclusif ou défi­nitif. Et, du coup, s’offrent à nous tout un monde de nuances, d’options et une conduite en douceur.

Vous vous voyez lui dire non ?
Vous vous voyez lui dire non ? Young-Ah Kim

7/ Revoir son hygiène

Vous êtes bien assis ? Sachez qu’au Japon, le Français est considéré comme un porc, avec tout le respect que nous avons pour ce coquet mammifère ! Il est sale, se mouche en public, ne se lave pas les mains. Ne se douche pas avant d’entrer dans un bain, ne retire pas ses chaussures avant de pénétrer dans une maison, ne change pas de chaussons avant d’aller aux toilettes, jette ses papiers par terre… La liste est longue ; il faut tout revoir ! Logiquement, à votre retour, dès l’aéroport de Roissy, vous allez commencer à éprouver de la honte pour vos semblables !

Facile de prendre soin de son hygiène dans de telles conditions !
Facile de prendre soin de son hygiène dans de telles conditions ! Aman

8/ Rejoindre le cœur du grain de riz

Comment bien savourer un sushi? En allant le quérir jusqu’au cœur du grain de riz pour éprouver la résistance de la peau extérieure et la tendreté de son cœur. La beauté, au Japon, fonctionne souvent à la réverbération, à l’écho. Nul besoin d’attendre d’elle qu’elle s’affiche, ne réclame l’œil. Non, elle est parfois révélée au détour d’une porcelaine, elle se détecte à l’apparition d’une nuque ou à travers les ondes d’un jardin. Le contrechamp, le détail, agissent en résonance, de façon imaginaire. Il y a un mot pour cela : yatsushi. « Ce n’est pas ce que tu vois, mais ce que tu ne vois pas, mais dont tu ressens la beauté. »

La gastronomie japonaise est faite d’infinies subtilités.
La gastronomie japonaise est faite d’infinies subtilités. Antoine Lorgnier

9/ Offrir un cadeau

Il ne s’agit pas d’apporter un service complet en porcelaine de la Manufacture de Sèvres, ni un fragment de la relique du saint suaire de Turin. Faites simple, petit, léger et français ! Des macarons, des caramels au beurre salé, un fromage (pour les amateurs), une boîte de sel de Guérande… En toute logique, vous allez marquer des points, car le Français s’estime géné­ralement digne de recevoir des cadeaux, pas d’en faire ! Vous verrez, après, on ne peut plus s’arrê­ter. Vous venez de ­découvrir une pliure en vous inexplorée : la bonté. Et si vous êtes le destinataire d’un présent, attendez un peu avant de l’ouvrir.

Les petites attentions typiquement françaises seront grandement appréciés par les Japonais.
Les petites attentions typiquement françaises seront grandement appréciés par les Japonais. Antoine Lorgnier

10/ La galanterie réinventée

On imagine l’art japonais de la séduction singulièrement subtil. Eh bien, c’est le cas ! Il conviendra d’agir avec respect, sentiment et patience. Œuvrer en douceur et jamais de façon frontale. Ainsi, si vous souhaitez passer la nuit avec l’élu(e) de votre cœur, c’est de l’ordre du possible. Faut-il pour cela procéder sur un tapis de pétales de roses. Avec, au final, cette proposition osée… Si vous êtes à Tokyo, demandez ingénument : « Voudriez-vous dîner, ce soir, à Kyoto ? » Comme il n’y a pas de train de retour à une heure tardive, il est logique que la nuit devra donc se passer à Kyoto. Transposable en France…

Au Japon, la séduction est un art subtil…
Au Japon, la séduction est un art subtil… Erick Saillet

11/ Au Japon, pas de pourboire, s’il vous plaît…

…au risque de mettre un peu la pagaille. Tout est compris dans la note : au restaurant, à l’hôtel, dans le taxi… Si vous ajoutez un pourboire, on pourrait bien vous courir après pour vous rendre la monnaie ! Si vous voulez remercier d’une autre façon, vous pouvez fort bien apporter un petit cadeau (des chocolats, des biscuits…) ou alors offrir au personnel une tournée de bières fraîches. Il y a toujours dans l’archipel une sorte de rectitude, d’honnêteté constante. Si vous perdez votre portefeuille plein d’argent, vous avez de grandes chances de le récupérer. La personne ira même jusqu’à vous dire : « Sumimasen (pardon) », comme si elle était fautive de ne pas l’avoir trouvé plus tôt…

Ne pas laisser de pourboire, même si le service est impeccable.
Ne pas laisser de pourboire, même si le service est impeccable. Antoine Lorgnier

12/ Le salut du départ

Il existe un rituel admirable au Japon que l’on peut importer sans taxes de douane. Quand vient le moment des séparations, la personne qui reste sur place va regarder l’autre s’éloigner, jusqu’à ce que celle-ci disparaisse de son champ de vision. Cela peut être très court. Mais fort long si vous habitez le long d’un fleuve ou d’une large avenue. On ne peut alors que penser au temps passé ensemble, à la personne qui s’en va, lui vouer des sentiments, de la sollicitude. Il y a un mot pour cela : omiokuri.

En revanche, garder les bras levés n’est pas obligatoire…
En revanche, garder les bras levés n’est pas obligatoire… Erick Saillet

Thématiques associées