1/ Se munir d’un plan
Vous pensez que la seule adresse de votre rendez-vous vous suffira ? Hélas, vous risquez fort de déchanter… À Tokyo, la numérotation est aussi complexe qu’elle le fut jadis à Florence, c’est-à-dire au fur et à mesure que les constructions se sont succédé. Impérativement, il vous faudra la géolocalisation. Attention ! même une fois sur place, vous pourrez perdre au moins vingt minutes avant d’atteindre votre but, tant un immeuble peut abriter des centaines de lieux. D’où l’intérêt de prévoir large… et d’arriver en avance !
2/ Toujours des deux mains !
Nous aurions dû débuter par ce sujet crucial. Si vous offrez un cadeau, faites-le des deux mains. Cela marque toute l’importance que vous lui accordez (cela évite aussi d’offrir des nullités crasses). Il en sera de même quand vous tendrez votre carte de visite (faites-la imprimer en caractères japonais, encore des points de marqués). Puis recevez celle de votre interlocuteur de la même façon, et non avec désinvolture et détachement. Vous la posez devant vous. Même chose quand il s’agit de boire dans un bol. Pour tout ce qui concerne l’univers tactile : des DEUX mains ! Vous verrez, c’est un vaste continent irrésistible et doux : yokoso ! (bienvenue).
3/ Un pour tous…
Vivre au Japon, c’est avant tout penser en tant que groupe et à l’harmonie entre ceux qui le constituent. On fait donc très attention à respecter autrui, à ne pas le gêner, à ne pas lui prendre ses affaires, à les lui restituer, à aider dans la rue… Dans les onsen (bains publics, une expérience indispensable), au restaurant, partout, on s’applique à ne pas la jouer « perso ». D’où cette tranquillité, cette sérénité des villes, des transports en commun… Ainsi, il convient de rester toujours sur la droite dans les escalators japonais, à part à Osaka où, là, c’est à gauche…
4/ Au Japon, on arrive à l’heure
Lorsqu’on adopte ce genre d’habitudes, il est difficile de s’en séparer ensuite… Mieux même, il est bon d’arriver juste en avance. Il n’y a rien de plus pénible que la mise en scène pathologique de ceux qui accourent, en retard, essoufflés et bredouillants. Une sorte de régression infantile un brin maso pour capter une étrange attention. Au Japon, les horaires ont cette dureté métallique qui sans cesse se voit solidifiée par des confirmations, et ce, parfois, un mois avant ledit rendez-vous. En guise de cadeau, vous allez gagner du temps !
5/ Tenir la baguette
Bien sûr, on peut demander des couverts pour déguster des sushis. Mais vous vous priverez de cette approche si tendre, si précise des baguettes. Elles fonctionnent alors comme des guillemets respectueux, tandis que nos instruments occidentaux piquent et coupent. Il y a même une élégance qui peut se laisser transgresser par les doigts pour saisir, au comptoir, le sushi présenté par le chef. Pour porter un toast, se dispenser de dire tchin-tchin (nom cocasse pour les attributs masculins). Et ne jamais disposer ses baguettes à la verticale (présage funeste). Pour s’en sortir sans dommage : toujours regarder comment font les autres convives.
6/ Ne jamais dire non
C’est inutile et parfois blessant. Il existe suffisamment de subtilités dans la gestuelle et le vocabulaire japonais pour éviter la porte claquée au nez. Ainsi, il est préférable d’atténuer son refus et d’aménager une sortie honorable pour son interlocuteur. Car il s’agit pour lui de ne pas perdre la face, axe clé des comportements au Japon. C’est également, pour nous, s’abstenir d’être un brin provocateur, voire tranché, exclusif ou définitif. Et, du coup, s’offrent à nous tout un monde de nuances, d’options et une conduite en douceur.
7/ Revoir son hygiène
Vous êtes bien assis ? Sachez qu’au Japon, le Français est considéré comme un porc, avec tout le respect que nous avons pour ce coquet mammifère ! Il est sale, se mouche en public, ne se lave pas les mains. Ne se douche pas avant d’entrer dans un bain, ne retire pas ses chaussures avant de pénétrer dans une maison, ne change pas de chaussons avant d’aller aux toilettes, jette ses papiers par terre… La liste est longue ; il faut tout revoir ! Logiquement, à votre retour, dès l’aéroport de Roissy, vous allez commencer à éprouver de la honte pour vos semblables !
8/ Rejoindre le cœur du grain de riz
Comment bien savourer un sushi ? En allant le quérir jusqu’au cœur du grain de riz pour éprouver la résistance de la peau extérieure et la tendreté de son cœur. La beauté, au Japon, fonctionne souvent à la réverbération, à l’écho. Nul besoin d’attendre d’elle qu’elle s’affiche, ne réclame l’œil. Non, elle est parfois révélée au détour d’une porcelaine, elle se détecte à l’apparition d’une nuque ou à travers les ondes d’un jardin. Le contrechamp, le détail, agissent en résonance, de façon imaginaire. Il y a un mot pour cela : yatsushi. « Ce n’est pas ce que tu vois, mais ce que tu ne vois pas, mais dont tu ressens la beauté. »
9/ Offrir un cadeau
Il ne s’agit pas d’apporter un service complet en porcelaine de la Manufacture de Sèvres, ni un fragment de la relique du saint suaire de Turin. Faites simple, petit, léger et français ! Des macarons, des caramels au beurre salé, un fromage (pour les amateurs), une boîte de sel de Guérande… En toute logique, vous allez marquer des points, car le Français s’estime généralement digne de recevoir des cadeaux, pas d’en faire ! Vous verrez, après, on ne peut plus s’arrêter. Vous venez de découvrir une pliure en vous inexplorée : la bonté. Et si vous êtes le destinataire d’un présent, attendez un peu avant de l’ouvrir.
10/ La galanterie réinventée
On imagine l’art japonais de la séduction singulièrement subtil. Eh bien, c’est le cas ! Il conviendra d’agir avec respect, sentiment et patience. Œuvrer en douceur et jamais de façon frontale. Ainsi, si vous souhaitez passer la nuit avec l’élu(e) de votre cœur, c’est de l’ordre du possible. Faut-il pour cela procéder sur un tapis de pétales de roses. Avec, au final, cette proposition osée… Si vous êtes à Tokyo, demandez ingénument : « Voudriez-vous dîner, ce soir, à Kyoto ? » Comme il n’y a pas de train de retour à une heure tardive, il est logique que la nuit devra donc se passer à Kyoto. Transposable en France…
11/ Au Japon, pas de pourboire, s’il vous plaît…
…au risque de mettre un peu la pagaille. Tout est compris dans la note : au restaurant, à l’hôtel, dans le taxi… Si vous ajoutez un pourboire, on pourrait bien vous courir après pour vous rendre la monnaie ! Si vous voulez remercier d’une autre façon, vous pouvez fort bien apporter un petit cadeau (des chocolats, des biscuits…) ou alors offrir au personnel une tournée de bières fraîches. Il y a toujours dans l’archipel une sorte de rectitude, d’honnêteté constante. Si vous perdez votre portefeuille plein d’argent, vous avez de grandes chances de le récupérer. La personne ira même jusqu’à vous dire : « Sumimasen (pardon) », comme si elle était fautive de ne pas l’avoir trouvé plus tôt…
12/ Le salut du départ
Il existe un rituel admirable au Japon que l’on peut importer sans taxes de douane. Quand vient le moment des séparations, la personne qui reste sur place va regarder l’autre s’éloigner, jusqu’à ce que celle-ci disparaisse de son champ de vision. Cela peut être très court. Mais fort long si vous habitez le long d’un fleuve ou d’une large avenue. On ne peut alors que penser au temps passé ensemble, à la personne qui s’en va, lui vouer des sentiments, de la sollicitude. Il y a un mot pour cela : omiokuri.