Votre travail doit-il être explicité ?
Michael Anastassiades : Je ne crois pas qu’il faille nécessairement l’expliquer… Le plus important, c’est de laisser le produit parler de lui-même. Si ce que fait un designer ne dit rien aux gens, c’est qu’il ne s’agit pas d’un bon produit.
Le design industriel doit-il être soumis à la critique comme l’est le monde de l’art ?
Je crois à la critique. Elle est très importante pour resituer un objet dans son contexte historique. C’est même capital, parce que sévit dans le design une certaine tendance à appréhender les objets de façon superficielle. Souvent, l’originalité est relative. De plus, les critiques, les journalistes, voire le public, ne font parfois que célébrer le produit, hors de toute référence. Les critiques doivent remettre tout cela en perspective.
Qu’avez-vous ressenti quand vous avez été choisi pour être le Designer de l’année de Maison & Objet 2020 ?
J’ai pris cela comme un honneur tout en étant assez surpris. C’est toujours agréable d’entendre que des gens vont vous célébrer. Maison & Objet est une manifestation qui m’est familière, je m’y suis très souvent rendu. Une telle nouvelle vous donne illico le sourire.
Qu’allez-vous montrer au salon Maison & Objet ?
« Mobile Chandeliers », une collection de lampes que je réalise depuis une dizaine d’années, mais présentée comme une expérience, pas comme un produit commercial. Cette installation, hors de tout contexte décoratif, comprend treize de ces chandeliers mobiles, suspendus dans une relative pénombre. Chacun, équipé d’un petit moteur, tourne lentement sur lui-même…
Avant le design, vous avez étudié le génie civil. Pour quelle raison ?
Depuis l’enfance, au contraire de mes parents, je voulais faire quelque chose de créatif. Eux pensaient que pour avoir un travail sérieux, il fallait étudier quelque chose de concret. Le métier d’ingénieur civil leur a semblé un bon compromis. J’ai suivi ce cursus jusqu’au diplôme, avec l’idée de me réorienter après, ce que j’ai fait quand j’ai découvert le Royal College of Art (RCA), à Londres : mes études d’ingénieur finies, je me suis dirigé vers le design.
Étiez-vous un enfant curieux des objets en particulier ?
Oui, je m’y suis toujours intéressé, mais en premier lieu à ce qu’offrait la nature. Je possède aujourd’hui une très importante collection de pierres, qui remonte à cette époque et que je continue d’enrichir. Une véritable obsession…
Le mot « design » a-t-il tôt signifié quelque chose pour vous ?
Voulant devenir artiste avant tout, je n’avais pas vraiment de discipline précise en tête pour réaliser ce désir. Plus tard, en découvrant le design lors de mes études à Londres, j’ai pris conscience de ma passion pour les objets. Me diriger vers cette discipline s’est imposé comme une évidence.
Quelle était l’atmosphère du Royal College of Art : académique ou effervescente ?
Je ne portais alors aucun jugement de la sorte. Je voulais simplement évoluer dans un environnement créatif et c’était ma première occasion d’y parvenir. De plus, les liens entre les disciplines encourageaient à intégrer différents départements en même temps. La possibilité de faire ces essais était ce qu’il y avait de plus excitant pour moi.
Une fois votre studio fondé, vous destiniez-vous uniquement aux luminaires ?
J’avais terminé mes études depuis un an seulement quand j’ai créé mon studio. Je pensais alors que deux années d’apprentissage du design au niveau d’un Master n’étaient pas suffisantes pour définir ce que je comptais concevoir et dire dans cette discipline. Installé en indépendant, j’ai d’abord examiné quel était mon idéal en la matière. Je voulais faire de mon studio une plateforme de recherche. J’expérimentais beaucoup. Les pièces produites à cette époque ont d’ailleurs été exposées dans plusieurs musées dans le monde. Elles étaient très différentes de celles que je conçois d’aujourd’hui. J’essayais de résoudre des problèmes plutôt que de réaliser des produits destinés à être commercialisés. Plus tard, pour être totalement libre, j’ai créé ma propre marque de lampes.
> Retrouvez la suite de cette interview dans le n° 142 d’IDEAT, déjà en kiosque…