« Pour cette maison, tout s’imagine à travers une lentille de science-fiction. » Un état d’esprit qui n’a pas quitté le paysagiste John Sharp et ses équipes, chargés de réaménager les jardins de la Garcia House. Perchée sur pilotis à flanc de falaise, la bâtisse imaginée par John Lautner (1911- 1994) en 1962 semble s’être accommodée de son environnement sans le dénaturer et a été pensée pour se vivre aussi bien en intérieur qu’en extérieur. C’est dire l’importance que revêt la métamorphose de son parc, ultime étape pour achever une rénovation entamée dès les années 2000. John Sharp lui a offert « un paysage tout à fait organique et naturel, et en même temps d’un autre monde, totalement inattendu… » Découverte.
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John Lautner à la conquête du Space Age
John Lautner a marqué la Californie du Sud de sa production emblématique, qui combine prouesse technique, lignes sensuelles et architecture spectaculairement futuriste. La Garcia House, du nom du jazzman Russ Garcia pour qui elle fût érigée, est l’un des plus beaux témoignages de l’architecture Googie, inspiré par le design de l’âge atomique et la conquête spatiale.
Passée entre plusieurs mains et souffrant d’un manque d’entretien, la maison est sauvée par ses actuels propriétaires. John et Bill tombent amoureux de sa structure exceptionnelle, tout en espaces vitrés et formes fluides. Leur mission est claire : sauvegarder ce chef d’œuvre en péril.
Après une lourde rénovation architecturale puis un travail sur les intérieurs, le couple constate : « Dans notre maison, il faut sortir de la chambre et passer par l’extérieur pour aller chercher son café dans le salon. C’est abrité et comme nous sommes à Los Angeles, la météo est clémente. Il fallait absolument connecter la maison à tout cela, ne faire qu’un avec l’environnement extérieur. »
John et Bill se lancent un pari fou : donner vie à la piscine de forme elliptique imaginée par John Lautner mais jamais construite. Celle-ci voit le jour grâce aux croquis originaux de l’architecte, miraculeusement conservés. Sa position implique de traverser la propriété et de s’engager dans le relief. Enfin, le couple cherche à établir des transitions naturelles entre la maison et cette nouvelle oasis.
Une histoire d’inattendus
À l’intersection de l’aménagement paysager et de l’artistique, John Sharp est un véritable trublion dans son domaine. Il façonne les jardins en créant des histoires botaniques et des mondes sensoriels. Son style intrépide, son esprit à la fois perturbateur et poétique plaisent immédiatement au couple, à qui il est présenté par hasard lors d’une garden-party organisée à la maison. Coïncidence : il est le troisième protagoniste autour de la Garcia House à porter le prénom John. Un signe du destin ?
John Sharp se souvient : « J’ai remarqué un ficus géant sous la maison qui méritait d’être préservé et qui contribuait à donner au bâtiment l’impression de flotter. J’ai tout de suite voulu que le jardin soit aussi unique que la Garcia House elle-même. Le paysage avait besoin d’être défini, nous avons donc introduit des éléments sculpturaux. » À partir de l’impressionnante collection de fougères Staghorn du couple, l’architecte paysagiste conçoit une installation totémique faite de Sélénite, pour symboliser l’équilibre de la propriété. Les totems absorbent la lumière et brillent de manière surprenante au coucher du soleil. Des marches en bois descendent à flanc de colline jusqu’au jardin et à la piscine.
L’étonnement est définitivement un fil conducteur du projet. John Sharp profite d’un long déplacement de Bill, cadre supérieur chez Dreamworks, pour mettre sur pied une surprise de taille. « Le jour de son retour, nous avons programmé une fausse réunion à la maison pendant laquelle je leur ai présenté les plans. Bill a tout approuvé sur-le-champ et a demandé quand nous pourrions commencer. Nous sommes sortis et avons partagé avec lui le projet terminé. Un pur moment d’émotion. »
Made in Hollywood
John Sharp a créé des jardins paradisiaques pour des célébrités comme les actrices Zoey Deutch et Sophia Bush – héroïne dans les années 2000, de la série pour ados One Tree Hill. La Garcia House s’offre le luxe, quant à elle, d’être située sur la mythique Mulholland Drive, sacralisée par le réalisateur David Lynch. D’ici, au cœur du rêve hollywoodien, la vue panoramique sur toute la Cité des Anges est à couper le souffle.
Les extérieurs se devaient d’être à la hauteur, d’autant que la région jouit d’un climat particulièrement ensoleillé. John Sharp s’autorise même un clin d’œil aux proches contrées désertiques à l’instar de Palm Springs, lieu de villégiature préféré des happy few. « Nous travaillons avec la nature pour créer une composition visuelle, en concevant des jardins résistants à la sécheresse et soucieux de l’eau pour la régénération, le bien-être, le jeu, le rêve, la durabilité, la relaxation et le divertissement », explique l’architecte paysagiste.
Avec sa théâtralité innée, la maison ne fait plus qu’un avec son tout nouveau jardin luxuriant et imprègne de son aura quiconque y pénètre. Tout le charisme d’une star de cinéma, non ?
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