Le bâtiment le plus émouvant ?
Franklin Azzi: La Fondation Cartier, de Jean Nouvel, à Paris. Il a su intelligemment déjouer la règle de l’alignement des immeubles parisiens en créant un écran de verre entre rue et jardin. En construisant le bâtiment en retrait, il a pu conserver le cèdre centenaire planté par Chateaubriand.
Le plus beau bâtiment historique ?
Lors de mon service militaire, j’ai vécu en Inde où j’exerçais le métier d’architecte pour l’ambassade de France à New Delhi. À cette occasion, j’ai découvert Chandigarh. L’architecture reflète parfaitement le travail de Le Corbusier et Pierre Jeanneret où brutalisme et monumentalité sont complétés par un soin apporté au détail et la recherche du confort des utilisateurs.
La ville la plus intéressante ?
New York. Une métropole captivante par son énergie, qui reste encore aujourd’hui un laboratoire de recherche sur les nouveaux modes de vie en ville. De nombreuses idées que nous développons dans nos projets s’inspirent des pratiques de reconversion des friches urbaines.
Une ville historique ?
Arles, découverte lors des Rencontres de la photographie.
Le quartier le plus intéressant ?
Shibuya, à Tokyo. S’y croisent les plus grands paradoxes de cette capitale fascinante. Une urbanité poussée à son extrême où surdensité, surconsommation et surfréquentation contrastent avec raffinement et élégance !
Un architecte contemporain ?
Rem Koolhaas (OMA). Son travail aura marqué plusieurs générations d’architectes, amorcé de nombreux débats sur la transformation de la ville contemporaine et la possibilité d’intervenir sur son développement.
Un mouvement architectural ?
Le Bauhaus reste une source d’inspiration intarissable. Berceau des arts appliqués, il a posé les bases de l’architecture moderne. Cette réconciliation entre artistes et artisanat, puis entre art et technique, portée par Walter Gropius, puise son inspiration dans le mouvement Arts & Crafts. En tant qu’ancien étudiant de la Glasgow School of Art, fondée par Charles Rennie Mackintosh, j’ai été nourri par ces deux mouvements et en garde un goût prononcé pour le faire, ainsi que pour le décloisonnement des disciplines.
Un livre d’architecture ?
Le dernier opus de La Trilogie de béton (IGH) de James Graham Ballard. L’action se situe dans une tour de 40 étages, habitée par 2 000 personnes. Symbole de la société moderne, elle va être le témoin et le motif d’une guerre civile à laquelle vont se livrer les différentes classes sociales qui la composent. Un livre qui interpelle sur la place de l’homme face à la destruction de son environnement et l’invasion des nouvelles technologies.
Un bâtiment du XXe siècle ?
À Turin, j’ai récemment visité le Palazzo del Lavoro (palais de l’Exposition internationale du travail) de Pier Luigi Nervi – avec la collaboration de l’architecte Gio Ponti et de l’ingénieur Gino Covre. Un bâtiment radical ! Ingénieur de formation, Nervi a développé une technique de béton armé qui lui a permis de résoudre des problématiques architectoniques jusqu’alors insolubles. Le plus remarquable, pour moi, est l’absence totale de second oeuvre dans ces ouvrages. La qualité esthétique du béton est assumée. Des principes constructifs qui m’inspirent et qui nourrissent mes convictions.
Et un bâtiment du XXIe siècle ?
Peut-on parler de bâtiment du XXIe siècle pour l’achèvement de la Sagrada Família ?
Le plus bel aéroport ?
Le terminal! 1 de Roissy, construit par Paul Andreu, dont la forme retranscrit parfaitement le mouvement des passagers.
À quelle autre profession peut-on comparer celle d’architecte ?
Je compare régulièrement le métier d’architecte à la médecine, notamment dans l’exercice de la réhabilitation. On procède à une analyse, à la façon d’un bilan de santé, puis on repère les différentes pathologies du bâtiment comme un médecin diagnostique un corps humain. La compréhension précise de l’existant et de ses dysfonctionnements est essentielle pour révéler le potentiel d’un bâtiment et lui donner une seconde vie pérenne.
Si vous n’aviez pas été architecte ?
Chirurgien !
Architecture rime avec…
Conjoncture. La réponse architecturale pure ne suffit plus. Il est essentiel de comprendre le contexte politique, économique, social et environnemental dans lequel on va construire un projet. Notre responsabilité est d’apporter une réponse pour plusieurs générations.