Quand on découvre Félix Millory (@felixmillory) dans son atelier du XIe arrondissement parisien, la première impression est celle d’une personnalité affable, souriante et au tutoiement spontané. La seconde, celle d’un homme convaincu qu’il faut prendre sa vie en main avant qu’elle ne vous enferme. Son parcours est de ceux qu’affectionnent les médias. Des études brillantes, un virage à 180 degrés, le succès à la clé.
Depuis tout petit, il se voyait créer des vêtements. « Je dessinais tout le temps, je construisais et déconstruisais les choses pour voir comment elles fonctionnaient, pour comprendre les assemblages. » Prié par sa famille de se choisir « un vrai métier », il range provisoirement ses rêves au placard et, par défaut, s’imagine en ingénieur. En bon élève qu’il est, il emprunte la voie prestigieuse de Math sup : « Je n’y étais pas du tout heureux. Il me manquait le dessin et la liberté créative. Je ne pensais pas en avoir besoin, or j’ai ressenti ce manque très physiquement. »
Alors qu’il traîne son ennui dans cet univers formaté, une amie lui vante les mérites des études d’architecture et se fait suffisamment convaincante pour que Félix Millory, rattrapé par ses envies, quitte en cours d’année les bancs de la prépa pour rejoindre ceux, plus cléments, de l’École spéciale d’architecture, à Paris : « Un lieu incroyable, où l’on a la chance de pouvoir rencontrer des gens comme Felice Varini, Claude Parent, Yona Friedman ou Peter Cook, et d’avoir beaucoup de liberté dans l’exercice intellectuel. »
Pendant ses études, achevées en 2008, Félix Millory dessine des bijoux, se fait la main chez Mathieu Lehanneur, Jakob + MacFarlane et Frank Salama où il œuvre comme chef de projet pendant quelques années. « J’y ai beaucoup appris, tout vu de la “vraie” profession : les emmerdes, le stress, les litiges, les clients… Une excellente expérience. » Mais le désir d’autonomie se fait sentir : « J’avais envie de vivre ma vie d’architecte. »
C’est par hasard – probablement est-il lassé de le raconter – qu’il fait le grand saut. En aidant Alysson Paradis lors d’un dégât des eaux chez elle, Félix Millory est amené à refaire entièrement l’appartement de sa chanteuse-actrice de sœur. En parallèle, il travaille à plein temps chez l’architecte Anne Demians. La cadence imposée par cette double activité se révèle néanmoins infernale. En 2011, il se jette donc à l’eau, bien décidé à voler de ses propres ailes.
« Le démarrage fut un moment très dur, se rappelle-t-il. Je travaillais seul chez moi. J’avais des connaissances mais pas assez d’expérience de terrain. Il a fallu que je fasse des erreurs pour apprendre et que je les assume. » Le chantier chez Vanessa Paradis – qui fait appel à lui après son intervention chez sa sœur Alysson –, « complexe pour plein de raisons », se termine non sans mal. Mais les connexions personnelles de Félix Millory ajoutées à, selon lui, « la magie de Walt Disney », vont écrire la suite de l’histoire : « Je publie mon travail sur les réseaux sociaux, je connais beaucoup de monde… Tout cela a mijoté et c’est allé assez vite ! »
À 31 ans, l’architecte enchaîne aujourd’hui les projets et n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer. Dégaine impeccable, tatouages de rigueur et l’air de ne pas trop se prendre au sérieux, il ne boude pas son plaisir. Et c’est d’ailleurs ce qui semble le caractériser : l’enthousiasme. Sur Instagram, il poste pêle-mêle des photos de ses réalisations, en cours ou terminées, de ses vacances ou de son mari. On le devine spontané, obéissant à son seul instinct, sans chercher à calculer quoi que ce soit.