Cet automne, Faye Toogood s’est invitée dans la galerie Friedman Benda à Los Angeles avec une installation intitulée «Assemblage 7: Lost and found». Une exposition qui annonce aussi le quinzième annivers.
IDEAT : Comment ce projet a-t-il démarré ? Avec le précédent, « Assemblage 6: Unlearning », votre objectif était de désapprendre le processus de conception. Quelle est votre intention avec « Assemblage 7: Lost and found » ?
Faye Toogood : Par rapport à «Assemblage 6», « Assemblage 7» consiste en un travail de révélation, de sélection, à retirer les couches et à faire sortir cet objet d’un bloc. Le bloc en question est un bloc d’argile que j’ai sculpté. Il s’agit de révéler une forme, comme l’aurait fait un sculpteur traditionnel, qui va extirper une silhouette d’un bloc de matière. Par la suite, j’ai travaillé avec divers artisans pour m’aider à traduire celle-ci à travers le bois et la pierre.
IDEAT : Quel est le lien qui unit toutes les séries « Assemblage » ?
Faye Toogood : Je pense par groupes de pièces, rarement individuellement. Mes assemblages sont axés sur la matière, la narration et se connectent souvent avec des étapes de ma vie ou de ma recherche autour de nouvelles formes géométriques. «Assemblage 4 : Roly Poly» avec ses bords arrondis, a été créé à l’époque où j’ai eu mon premier enfant. Avec, «Assemblage 6 : Unlearning», je voulais trouver une nouvelle géométrie qui ne ressemblait à aucun de mes précédents travaux. J’ai passé du temps à créer librement des centaines de petites maquettes à partir de matériaux de tous les jours. Celles-ci ont ensuite été réalisées à échelle réelle, visant à capturer le moment de création incarné à travers les maquettes et révélant ainsi ma façon de travailler. Certains assemblages, en eux-mêmes, sont toujours en cours et se développent en morceaux. Je n’y vois pas forcément de fin, les plus anciens pourraient être archivés, mais aussi réédités.
Pourquoi avoir voulu évoquer l’archéologie et le Royaume-Uni dans ce nouveau projet ?
Faye Toogood : Mon travail a toujours été très influencé par le paysage britannique. Le chêne et le marbre de Purbeck sont des matériaux élémentaires tirés directement de ce paysage. Je vis à la campagne, à proximité de sites préhistoriques en pierre et ceux-ci ont été une source d’inspiration pour cet assemblage. J’avais l’impression de révéler quelque chose qui avait toujours été là. Quelque chose de presque préhistorique qui avait été perdu dans le temps, et il était de mon devoir de le retrouver. En ébréchant et en ciselant la matière, ce processus créatif ressemblait à une fouille archéologique : le bloc était un paysage et c’est dans ce même bloc que j’allais trouver «un trésor». La pièce en marbre de Purbeck provient de la côte du Dorset, au Royaume-Uni. Ce type de marbre – vert et rempli de fossiles – est souvent utilisé dans les églises et les bâtiments ecclésiastiques. Il a vraiment une dimension historique. Quant au chêne poli, il est incroyablement traditionnel et raffiné, mais aussi primaire, comme si les objets avaient été dragués du fond d’une tourbière. Les surfaces ondulées de ses pièces révèlent la main lente et habile du menuisier et du tailleur de pierre.
Cette année, vous avez aussi célébré votre carrière en publiant un livre. Qu’est-ce qui a motivé la mise en place de ce projet ?
Faye Toogood : Les éditions Phaidon m’ont approchée pour faire un livre – je pense qu’ils étaient initialement intéressés par un rutilant «coffee table book». Je ne me sentais pas tout à fait prête pour cela. J’ai pensé qu’il pourrait être intéressant de montrer certaines choses que le public n’a jamais vues, quelque chose de plus intime et qui impliquait le studio. J’ai suggéré que nous parcourions les archives et examinions notre façon de travailler. Il faut dire que je garde tout ! Il existe des boîtes d’archives pour chaque projet. Le livre Drawing, Material, Sculpture, Landscape est un regard approfondi sur chacun d’entre eux.
Parmi les disciplines que vous avez explorées figurent le vêtement, le mobilier, les installations, la décoration d’intérieur, etc. Dans quels autres territoires aimeriez-vous vous investir ?
Faye Toogood : Un domaine que je n’ai pas encore exploré mais sur lequel j’aimerai m’attarder est sans nul doute celui du bijou.
Comment percevez-vous les jeunes créateurs britanniques ? Qui a votre préférence ?
Faye Toogood : Je suis très fière d’être une designer britannique. Je crois que nous sommes doués pour perturber, trouver de nouvelles façons de travailler, expérimenter et jouer avec notre héritage. J’admire particulièrement le travail de mon ami, le designer Max Lamb. Son travail est pour moi le summum de l’exploration, de l’expérimentation et de la rigueur de conception.
Quel est votre projet pour le futur ?
Faye Toogood : Je travaille sur une commande pour une exposition à Chatsworth House dans le Derbyshire prévue pour mars 2023. Je travaille également sur l’intérieur de ma propre maison à la campagne. 2023 est le 15e anniversaire du studio – nous allons donc le célébrer !
> «Faye Toogood : Drawing, Material, Sculpture, Landscape» aux éditions Phaidon.