« Je fais du design. Il n’y a pas d’ambiguïté. » Pour Fabien Cappello, la zone grise entre art et design serait plutôt le milieu naturel des marchands. Lorsque Donald Judd dessine un meuble, il reste un artiste et non un designer, abonde-t-il. « Ce qui me grise dans ma discipline, c’est l’équilibre entre technique et esthétique, entre le rationnel et le sensible. » Car se revendiquer designer ne l’empêche pas d’émouvoir. La frontière poreuse entre les deux mondes a d’ailleurs eu le temps de maturer chez lui.
Au Royal College of Art (RCA), à Londres, d’où il est sorti il y a quatre ans, comme auparavant à l’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL), fréquentée trois ans durant, des sommités de l’art et du design venaient chaque semaine. Si l’ECAL a une image très arty, elle revêt pour l’apprenti designer une vocation avant tout « formatrice ». Il y a appris une méthodologie. Au RCA, les étudiants développaient dans la même salle leurs univers respectifs ; qui un film, qui une montre. « On ne faisait pas d’art, mais on pouvait baigner dans du conceptuel qui repoussait les frontières du design. » Après son diplôme, ses voyages en Corée du Sud, au Japon et en Italie le poussent en résidences d’artistes. Parmi ses professeurs, de Sam Hecht à Jurgen Bey, Martino Gamper lui fait connaître la galerie Nilufar de Milan. Sa fondatrice, Nina Yashar, édite en 2013 le luminaire Column et l’applique Perforato en métal ajouré du jeune designer.
En 2015, Fabien Cappello lance Manico, un label consacré aux (belles) poignées. Au Pavillon des Arts et du Design, à Paris, ses luminaires Bright Rays, en acier coloré, ont été exposés sur le stand de la galerie Torri. Le galeriste Romain Torri souligne d’ailleurs : « J’accompagne l’émergence d’une génération de designers passée par le RCA, avec Fabien Cappello, Victoria Wilmotte, Fredrik Paulsen et Clémence Seilles. Le design m’oxygène des concepts de l’art contemporain. Tous les quatre travaillent d’ailleurs les matériaux comme des artistes. Mais Fabien n’est pas un designer artiste. » Le galeriste souligne l’efficacité plastique de son travail « intelligent, sobre et pudique dans le dessin », sans limite. Un projet ? Du mobilier pour les espaces dédiés à l’art. La référence en la matière, Carlo Scarpa, est citée. Cette année, à Paris, Bordeaux et Milan, Fabien Cappello expose ses pièces. C’est ce qui s’appelle émerger.