Quand on regarde les making-of en vidéo de vos séries, en Inde notamment, on réalise à quel point votre travail est une aventure globale. Vous photographiez les gens dans leur environnement, vos photos illustrent leur culture et la confrontation de celle-ci avec la modernité. Quel message voulez-vous transmettre au public ?
BJ : Je veux créer des photographies qui fassent réfléchir. Montrer quelque chose que vous ne connaissez pas. J’espère réaliser une œuvre qui inspirera les jeunes artistes et que nous pourrons laisser en héritage.
R. : Je sens qu’il est important que les gens veuillent explorer et en savoir plus sur un lieu ou sur d’autres gens. Je veux que notre travail les transporte d’une certaine façon là-bas et leur donne envie d’explorer. Il ne s’agit pas juste de belles photos d’un lieu ; le voyage émotionnel dans lequel nous voulons les emmener doit leur permettre d’avoir un ressenti réel du lieu.
Parlez-nous du court métrage The Voyage, que vous avez réalisé en 2015 et présenté à Art Basel…
BJ : Après avoir vu la photographie d’Aylin Kurdi, cet enfant de 3 ans retrouvé mort noyé sur une plage de Turquie, Richeille et moi avons souhaité réaliser un court-métrage visant à mettre l’accent sur la détresse des réfugiés. Nous avons eu la chance que Jarred Land, le directeur de Red Digital Cinema (la société qui a créé les caméras Red, qui ont révolutionné le marché du numérique professionnel, NDLR), croie en nous et qu’il finance le projet. Tous les bénéfices ont été versés au Comité international de secours (IRC) et, en 2016, le film a été présenté au Short Film Corner du Festival de Cannes.
Avez-vous envie de faire d’autres films ?
BJ : Oui, aussi compliqué que cela puisse être : on passe de zéro assistant à une équipe de plus de 50 personnes ! J’ai toujours un projet de long-métrage qui mature en moi.
La série réalisée pour IDEAT, dans ce numéro, cette culture française dans le contexte du surréalisme des années 20 et 30, vous a-t-elle apporté quelque chose de nouveau ?
BJ : Absolument ! J’ai toujours admiré la folie douce et la liberté des surréalistes et j’ai énormément appris sur la culture et l’architecture françaises et le pourquoi de cet art. Je pense qu’il ne s’agit que d’un début et que nous explorerons plus avant cette série.
R. : Les surréalistes nous ont enseigné à voir au-delà de ce que nous croyons voir, à utiliser l’œil de l’esprit et à faire en sorte de le représenter d’une façon moins naturelle, moins évidente. On a saisi l’opportunité de voir les choses depuis un angle moins confortable pour nous et de prendre le risque de pousser plus loin le sujet… et de demander au spectateur de faire de même.
Acceptez-vous encore des commandes ?
BJ : C’est à double tranchant, n’est-ce pas ? Une partie de l’œuvre engendre plus de dépenses que de revenus alors que l’autre est indéniablement rémunératrice. Heureusement, la plupart de nos clients nous passent commande justement parce qu’ils adorent notre style et veulent voir apparaître notre marque de fabrique sur leurs produits. Donc le « oui » est franc envers les commandes commerciales.
Le clair-obscur et le glamour sont vos atmosphères de prédilection. Que pensez-vous de photographes comme Martin Parr ou Maurizio Cattelan ?
BJ : J’adore le réalisme dont Martin fait preuve et je salue son style qui a su le faire entrer dans l’agence Magnum, spécialisée dans le photojournalisme documentaire de la vieille école. Maurizio est un artiste complètement fêlé ! À une époque où l’originalité manque cruellement, la satire de Maurizio Cattelan et de Pierpaolo Ferrari, leur passion partagée pour des images uniques et surprenantes constituent un vrai bol d’air frais.
R. : Je pense qu’ils ont leur propre identité et objectif visuels. Le monde serait vraiment fade si nous parlions tous le même langage.
Quel autre métier auriez-vous aimé faire ?
BJ : Auteur-compositeur.
R. : Actrice… J’envie la personne qui peut parfaitement endosser la personnalité d’un autre et qui sait l’enlever avec autant de conviction pour en endosser d’autres encore.
Quels sont vos projets ?
R. : Motus et bouche cousue.
BJ : On peut quand même vous dire qu’on a commencé « Hysteria », une exploration des années 60 et 70. Il s’agit de mettre en lumière l’anxiété qui a régné durant l’après-guerre à travers des images qui abordent la beauté, la révolte et l’optimisme. Une époque où il semblait que le monde était à l’apogée de sa puissance mais aussi sur le point de déraper complètement. Des thématiques que l’on rencontre encore aujourd’hui.