Marco Lavit imagine des projets sensibles : cabanes dans les arbres, maisons flottantes… et du mobilier pour Living Divani (disponible chez My Design, à Paris) pour qui il a dessiné le confortable et sculptural fauteuil Lemni. Entretien.
IDEAT : Quel est, pour vous, le bâtiment en bois le plus emblématique ?
Marco Lavit : Il existe deux typologies de bâtiments qui m’intéressent. Les pavillons de thé japonais dont j’admire les techniques traditionnelles de construction – l’association d’un toit massif et d’éléments légers –, mais aussi la logique que demande l’agencement, dans une même structure, du bois à d’autres matériaux végétaux comme le papier ou la paille de riz. Dans cette veine vernaculaire, je me passionne également pour les trabucco, ces cabanes de pêcheurs sur pilotis que l’on retrouve sur la côte orientale de l’Italie. Une architecture à la fois spontanée et très logique.
IDEAT : Votre essence de bois favorite ?
Marco Lavit :J’utilise beaucoup le noyer pour le mobilier ou l’architecture intérieure et en particulier le canaletto pour son veinage. C’est une essence dure que l’on peut travailler avec un tour à bois. Pour l’extérieur, ces derniers temps, j’ai délaissé le pin pour le châtaignier, dont le veinage irrégulier donne un effet très vivant aux façades.
IDEAT : Votre arbre fétiche ?
Marco Lavit : Un magnolia que mon père avait planté dans notre jardin quand je suis né. Mes parents ont vendu leur maison lorsque j’avais 18 ans, mais ils ont emporté l’arbre pour le replanter face à la fenêtre de ma nouvelle chambre. C’est très émouvant pour moi de voir qu’il nous a suivis…
IDEAT : Un projet architectural du XXIe siècle ?
Marco Lavit : La High Line, à New York, végétalisée par le Néerlandais Piet Oudolf, pour sa capacité unique à « conduire » la nature en ville. Je suis admiratif de ces gestes très simples qui bouleversent complètement un contexte urbain.
IDEAT : La résilience, c’est…
Marco Lavit : Comprendre la force ou le potentiel du quotidien, comment l’homme va utiliser les bâtiments que l’on dessine. Les architectes oublient trop souvent qu’ils construisent pour des humains.
Le bâtiment historique qui vous touche le plus ?
Marco Lavit : Le théâtre antique d’Épidaure, en Grèce. Dans une nature rigoureuse avec la mer en toile de fond, ce demi-cercle en pierre construit avec un matériau local est un geste architectural très fort dans un contexte naturel.
Un maître en architecture ?
Marco Lavit : Carlo Mollino, mais plus pour son éclectisme que pour ses réalisations à proprement parler. Je m’intéresse davantage à ces architectes « isolés », comme Glenn Murcutt, Peter Zumthor ou Marco Zanuso, qu’à des courants architecturaux.
Vivre sur l’eau ou sur la terre ferme ?
Marco Lavit : Sur l’eau… sans doute parce que je ne l’ai jamais vraiment expérimenté. Cela reste pour moi une sorte de désir inassouvi, un rêve.
Vivre à quelle hauteur du sol ?
Marco Lavit : Ce n’est pas tant la hauteur qui m’intéresse que ce qui s’y passe. Ce que j’aime beaucoup, c’est d’avoir les yeux légèrement au-dessus de la ligne d’horizon, que ce soit en ville ou dans la nature. À Paris, j’aime me trouver à peine plus haut que les toits parisiens, et lorsque je construis une cabane, je l’implante juste au-dessus de la canopée.
Le geste écologique essentiel ?
Marco Lavit : La pensée liée à l’intuition. Je suis persuadé que prendre le temps de s’écouter et de réfléchir permet de produire des projets plus écologiques.
Une valeur fondamentale que vous enseignez à vos étudiants ?
Marco Lavit : L’optimisation du geste. Je demande toujours à mes étudiants d’expliquer « pourquoi » et « comment » ; pour moi, c’est la base. Ils doivent détailler pourquoi ils se sont lancés dans leur projet et comment ils ont mis en forme au mieux cette intention.
Un livre de chevet ?
Marco Lavit : De choses et d’autres, de Bruno Munari (éd. Pyramyd). Je suis fasciné par sa façon de transmettre de manière quasi enfantine son discours et sa démarche dans ce livre consacré à la question de la conception.
Votre forêt préférée ?
Marco Lavit : La forêt de Fontainebleau, où je me rends souvent à vélo. J’aime en particulier ces rochers qui semblent en lévitation au-dessus du sable blanc. C’est un endroit très dépaysant, on n’a pas l’impression d’être dans une forêt française. Et puis, là-bas, je monte aussi souvent sur les petites collines d’où j’aime observer le paysage, toujours dans mon idée de ligne d’horizon comme vue idéale pour le regard.