En Belgique, les jardins de la Paix se font une place

Comment célébrer la fin de la Première Guerre mondiale tout en regardant droit vers l’avenir ? C’est tout l’enjeu des jardins de la Paix, un projet artistique et paysager né en 2018 d’une idée de l’association Art & Jardins Hauts-de-France. Vingt-deux jardins ont ainsi été inaugurés dans cette région, en Belgique et dans le Grand Est.

Alors qu’approchait 2018, année du centenaire de la fin de la Grande Guerre, la question de célébrer l’événement s’est naturellement posée en France. Encadrés par la Mission interministérielle du centenaire de la Première Guerre mondiale, créée à cette fin en 2012, de nombreux projets ont vu le jour, en l’absence de témoins, aujourd’hui tous disparus. La preuve avec les jardins de la Paix.

Le jardin de la Paix belge « À l’assaut du rempart », de Mathieu Allain, Thomas Van Eeckhout et du collectif Plan B, au Quesnoy (Nord). Projection d’une section de rempart, celui-ci se transforme en terrasse face aux fortifications. La brique, typique des Flandres, évoque les liens entre la Belgique et la région des Hauts-de-France. La végétation s’immisce et transforme le minéral en écrin végétal.
Le jardin de la Paix belge « À l’assaut du rempart », de Mathieu Allain, Thomas Van Eeckhout et du collectif Plan B, au Quesnoy (Nord). Projection d’une section de rempart, celui-ci se transforme en terrasse face aux fortifications. La brique, typique des Flandres, évoque les liens entre la Belgique et la région des Hauts-de-France. La végétation s’immisce et transforme le minéral en écrin végétal. DR

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L’Irlandais Peter Donegan et l’Irlandais du Nord Ian Price ont créé le Jardin d’Eutychia, à Péronne (Somme), en référence à la déesse de la bonne fortune. Les tables de pique-nique invitent aux repas partagés : quiétude et convivialité.
L’Irlandais Peter Donegan et l’Irlandais du Nord Ian Price ont créé le Jardin d’Eutychia, à Péronne (Somme), en référence à la déesse de la bonne fortune. Les tables de pique-nique invitent aux repas partagés : quiétude et convivialité. DR

Dans les Hauts-de-France, en Belgique et désormais dans le Grand Est, régions fortement marquées par le conflit, c’est par un parcours paysager et artistique qu’est commémorée la paix, jalonné par différents lieux de mémoire, des sites emblématiques le long de la ligne de front s’étirant de la Belgique à l’Alsace.

Le franco-allemand Jardin du troisième train, à Compiègne (Oise), de Gilles Brusset, Marc Blume (Allemagne) et Francesca Liggieri (Italie), accueille un banc-train de la paix.
Le franco-allemand Jardin du troisième train, à Compiègne (Oise), de Gilles Brusset, Marc Blume (Allemagne) et Francesca Liggieri (Italie), accueille un banc-train de la paix. Yann Monel

« Parce que le jardin est résilience, parce que la paix appartient à tous les protagonistes d’un conflit, nous avons entrepris, patiemment et avec conviction, de réunir le long de la ligne de front paysagistes et architectes des pays belligérants pour créer des jardins aux couleurs des nations meurtries », explique Gilbert Fillinger, ancien directeur de la Maison de la culture d’Amiens, aujourd’hui directeur de l’association Art & Jardins Hauts-de-France, qui porte ce projet avec ferveur et conviction depuis ses débuts.


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Dans le jardin gallois Trwy goetir yn ysgafn, de Dan Bowyer et Andrew Fisher Tomlin, à Thiepval (Somme), tel un ruban, une assise de 33 mètres en chêne gallois et pierre de Portland relie passé et avenir, en écho au mémorial de Thiepval. L’espèce de primevère « préférée des Gallois » tapisse le sol.
Dans le jardin gallois Trwy goetir yn ysgafn, de Dan Bowyer et Andrew Fisher Tomlin, à Thiepval (Somme), tel un ruban, une assise de 33 mètres en chêne gallois et pierre de Portland relie passé et avenir, en écho au mémorial de Thiepval. L’espèce de primevère « préférée des Gallois » tapisse le sol. DR

L’idée de ces jardins de la Paix est née d’une rencontre avec Joseph Zimet, directeur général de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale, et de l’impérieuse nécessité de laisser une trace pérenne une fois les célébrations passées. « Nous souhaitions nous inscrire dans la durée, sans être uniquement commémoratifs, à travers des propositions qui interrogent les visiteurs et créent les conditions sereines du devoir de mémoire », précise Gilbert Fillinger.

Le jardin marocain des Hespérides, sur le chemin des Dames, à Craonne (Aisne), signé Karim El Achak et Bernard Depoorter, en hommage aux soldats de ce pays du Maghreb tombés sur le sol français. Sur une plate-forme multicolore, telles les mosaïques marocaines, la vasque emplie d’eau symbolise la source de vie des jardins arabo-musulmans.
Le jardin marocain des Hespérides, sur le chemin des Dames, à Craonne (Aisne), signé Karim El Achak et Bernard Depoorter, en hommage aux soldats de ce pays du Maghreb tombés sur le sol français. Sur une plate-forme multicolore, telles les mosaïques marocaines, la vasque emplie d’eau symbolise la source de vie des jardins arabo-musulmans. DR

Il est vrai que les lieux de ce type sont généralement peu propices au recueillement. Les visiteurs ont rarement la possibilité de s’asseoir et de prendre, dans des conditions confortables et paisibles, le temps de ces expériences toujours difficiles. « Il est quelque peu oppressant d’être ainsi mis face à la réalité de l’Histoire », poursuit-il.


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