Emmanuelle, un fauteuil de légendes

Le 25 septembre sort une nouvelle version de l'érotique "Emmanuelle", mis en scène par Audrey Liwan, avec Noémie Merlant dans le rôle-titre. L'occasion de revenir sur l'histoire mouvementée du fauteuil culte en rotin popularisé par le film de 1974. 

Nul ne s’accorde vraiment sur l’origine du fauteuil Emmanuelle. Depuis 1974, il tire son nom du film éponyme, l’histoire d’une jeune femme trompant son ennui en réalisant ses fantasmes dans le décor exotique de Bangkok. Archétype du style colonial, son fauteuil serait d’origine océanienne. À moins que son histoire ne vienne d’ailleurs, sur le continent américain…


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Quand le roi Pomare V trônait sur son fauteuil Paon

Le film Emmanuelle est une véritable révolution à sa sortie en 1974. Vu par huit millions de spectateurs, il s’achève alors que Sylvia Kristel, qui campe le rôle d’Emmanuelle retouche son maquillage devant son miroir, auréolée du dossier de son fauteuil paon. Du jamais vu : pour la première fois, la censure autorise la sortie d’un film aussi sensuel hors des salles spécialisées. Pourquoi ? Grâce à l’élection d’un président jeune et moderne, Valéry Giscard d’Estaing… L’érotisme est de bon ton, les familles bourgeoises adoptent le fauteuil dans leur intérieur, une façon amusante de pimenter leur quotidien.

L’histoire communément admise est que cet objet spectaculaire servait de trône à la dynastie Pomare, les rois de Tahiti. Il paraît même que le dernier prince, Pomare V, serait décédé dessus en 1916. C’est en tout cas la légende retenue par la Galerie Vauclair, antiquaire spécialisé dans les objets en rotin. La galerie met à l’honneur l’assise à l’occasion de la prochaine fête des puces de Saint-Ouen. « Nous le collectionnons depuis longtemps, confie Laurence Vauclair, la fondatrice du lieu. Nous avions racheté l’exemplaire de l’actrice et écrivaine Simone Signoret. Toutes les générations aiment ce fauteuil : il vous embellit, il est très confortable et il va aussi bien dedans que dehors. »

Un Symbole du Black Power

La Galerie Vauclair a prêté l’exemplaire exposé à partir du 15 octobre au Musée des Arts décoratifs de Paris, dans le cadre de son exposition « L’intime, de la chambre aux réseaux sociaux ». Le MAD y explore l’évolution de la chambre, de la toilette, de la frontière entre privé et public.

Christine Macel, directrice des musées des Arts décoratifs, et commissaire général de l’exposition, souligne une autre origine. On retrouve la trace du fauteuil paon au XIXe siècle, sous les auvents des maisons coloniales du sud des Etats-Unis. Plus tard, les afro-américains en ont fait un symbole du « black power ». L’un des fondateurs du mouvement des Black Panthers, Huey P. Newton, trône dessus brandissant en guise de sceptre et d’épée une lance et un fusil.

Huey Newton, chef du Black Panther Party, posant sur le fameux fauteuil en rotin, dans l’objectif de Blair Stapp en 1967.
Huey Newton, chef du Black Panther Party, posant sur le fameux fauteuil en rotin, dans l’objectif de Blair Stapp en 1967.

En parallèle, dans les années 1960, l’arrondi en queue de paon déployée de ce fauteuil artisanal forme le cadre photographique idéal d’un beau portrait : la famille Kennedy et Michelle Obama, qui posait dessus lors de sa fête de diplôme, l’ont immortalisé dès les années 1960. Tout comme Elisabeth Taylor, Zsa Zsa Gabor, Diana Ross et, plus récemment, Beyonce, sur la scène de son Formation World Tour en 2016.

«  C’est amusant cette inversion des symboliques : on passe d’un emblème politique à un objet érotique », note la conservatrice. Les divas souls et disco se sont en effet réapproprié l’objet.  « Je ne m’explique pas le rapport avec le trône polynésien. Il manque un morceau de l’histoire, » s’interroge Christine Macel. Qui trouvera le chaînon manquant ?

> Rétrospective à la Galerie Vauclair à partir du 26 septembre au Marché Paul Bert, 96 rue des Rosiers, Saint-Ouen, allée 6, stand 79. 

> Exposition « L’intime, de la chambre aux réseaux sociaux » au Musée des Arts Décoratifs de Paris, du 15 octobre 2024 au 30 mars 2025.

> « Emmanuelle » d’Audrey Diwan, en salles le 25 septembre 2024.


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