Ne dites pas à Éloïse Bosredon qu’elle est architecte d’intérieur. Car, si elle réalise de nombreux projets d’architecture intérieure en effet, c’est toujours son regard d’architecte, voire d’urbaniste, qui guide son intention. Rencontre avec une Parisienne repentie qui vit désormais dans le sud de la France.
« À l’école d’architecture de Versailles, j’étais très orientée sur l’urbanisme puisque j’avais présenté mon diplôme sur la restructuration de la gare maritime de Sète et ses connexions avec la ville. L’analyse urbaine m’a toujours intéressée, explique-t-elle. Il me semble que, ce que l’on peut voir d’harmonieux, de fonctionnel et de dysfonctionnel, on le retrouve de la même manière dans une ville et dans un appartement. Les proportions et le rapport aux usages y sont semblables, et j’y déroule des questionnements identiques. En ce sens, mes études ont véritablement construit ma réflexion sur la façon d’habiter. »
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Un intérêt particulier pour le minimalisme
C’est aussi à cette période qu’elle s’est particulièrement souciée de la contrainte et de l’économie de moyens, elle qui se focalise depuis ses débuts sur l’essentiel. « Quand la proportion et la lumière sont justes, le reste n’est que du décorum », affirme-t-elle. Une maxime que l’architecte Éloïse Bosredon a appliquée dès son premier projet personnel.
Alors qu’elle travaillait en agence depuis deux ans, elle s’est retrouvée sur un chantier qui lui a permis de traduire ses convictions. « Notre chalet familial dans les Alpes a brûlé, raconte-t-elle. Après l’incendie, il ne restait qu’un demi-étage de mur… C’est en me lançant dans ce premier programme que j’ai eu l’idée de monter ma boîte. »
Contrainte par les ruines qu’elle souhaitait conserver, par un voisinage très proche, par le manque de moyens et par le format de ce chalet en indivision, et composant en outre avec des corps de métier peu habitués à travailler avec des femmes, l’architecte de 23 ans ne s’est pas découragée et a imaginé une habitation en béton banché qui demeure aujourd’hui le projet dont elle est le plus fière.
Elle a pourtant de beaux chantiers à son actif. En premier lieu, sa collaboration avec le studio Be-pôles (devenu Saint-Lazare), pour qui elle a dessiné la chocolaterie de Cyril Lignac, rue Chanzy, à Paris (XIe).
En parallèle, elle a commencé à rénover des appartements, avec cette idée de faire l’inventaire de ce que l’on peut conserver avant de démarrer. « J’essaie d’être systématiquement dans l’épure et l’usage… surtout chez les particuliers. J’ai grandi dans des maisons conçues pour être ouvertes aux amis, à la famille ; la convivialité et la simplicité sont par conséquent deux aspects que j’essaie de cultiver dans mes projets », résume l’architecte Éloïse Bosredon.
La réutilisation des matériaux
Elle va jusqu’à utiliser des matériaux de construction dans certains de ses aménagements, comme en témoignent les tables de chevet de l’hôtel Voltaire, à Arles – des boisseaux alvéolés en terre cuite –, et puise aussi dans l’Histoire. « Enfant, j’allais aux puces Saint-Michel, à Bordeaux, où je dénichais toujours des trésors… J’ai conservé ce goût et je chine souvent du vintage pour mes aménagements », confie-t-elle.
Alors que ses projets personnels et professionnels s’entremêlent depuis toujours, l’architecte envisage désormais de se former à la rénovation thermique : « Mon cœur de métier, c’est la rénovation, que j’essaie d’accorder aux enjeux de notre époque. »
Depuis qu’elle s’est installée à Béziers avec sa famille, l’année dernière, elle utilise sa maison comme un laboratoire. Elle diffuse ensuite ses idées chez ses clients, parmi lesquels les propriétaires de l’hôtel Voltaire, pour qui elle a aussi imaginé le tiers-lieu Parade.
Pour le groupe Orso, elle a récemment livré l’hôtel Orphée, à proximité du Jardin des Plantes, à Paris, où elle a conçu un dégradé de couleurs allant du blanc, au premier étage, au jaune safran, au sixième. Un jeu de contrastes qui dialogue avec des têtes de lit pensées comme des bas-reliefs, détail qui vient donner une identité propre à ces petites chambres parisiennes.
Cet hiver, elle se concentre sur l’aménagement d’un appartement et sur un projet d’hôtel à Dunkerque. Et elle nourrit un rêve : autoéditer son mobilier. Une suite logique pour celle qui dessine depuis des années les meubles qui viennent parfaire ses réalisations intérieures.
Les inspirations de l'architecte Éloïse Bosredon
- Un maître à penser : Le Corbusier, dont je ne renie pas l’expression « machine à habiter ». J’aime cette idée de fournir tous les outils basiques pour vivre, pour y plaquer ensuite une forme.
- Un courant : Je suis fascinée par l’architecture moderniste, qui a conceptualisé une nouvelle maison en dehors des normes bourgeoises.
- Un matériau : Je travaille beaucoup le carrelage ; mes amis m’appellent « 50 nuances de grès cérame ». Avec lui, on peut travailler la couleur, la matière et le graphisme, et il donne à peu de frais une véritable identité aux espaces.
- Un objet : Le pavé de verre, pour lequel je nourris une passion certaine.
- Un artiste : Louise Nevelson (1899-1988, NDLR), une sculptrice américaine géniale, influencée par les arts premiers et le cubisme.