Du tempérament de ceux-ci dépend le plus souvent la spécificité de ces écoles d’art et de design. Vision et engagement pédagogique les apparentent donc à de véritables missionnaires, porteurs d’une charge essentielle : façonner des générations de créateurs singuliers, d’individus curieux, responsables et critiques qui, eux, forgeront le monde de demain. En cela, ces institutions se positionnent de plus en plus comme des espaces citoyens. La méthodologie du design y relève de la tournure d’esprit capable d’embrasser les problématiques sociétales. Érigé en pivot, le designer doit révéler son aptitude à rendre le monde plus juste. Vive l’intelligence !
École des arts décoratifs de paris (ex-ENSAD)
Emmanuel Tibloux, pour une école en prise avec le réel
Pour Emmanuel Tibloux, qui confie n’aimer rien tant que s’immerger dans des environnements stimulants et se former de l’intérieur, l’EnsAD, dont il prend la direction en 2018, constitue alors un terrain propice. « Il s’agit de l’école la plus passionnante et la plus juste quant aux enjeux contemporains », déclare-t-il. Plus de 800 étudiants se répartissent dans dix secteurs couvrant largement le spectre de la création. Depuis sa fondation au XVIIIe siècle, l’institution s’illustre par son enseignement exigeant et ses formations de haut niveau artistique, technique et scientifique d’artistes, de designers et de chercheurs. Avec l’arrivée d’Emmanuel Tibloux, la notion de « décor » reprend une place centrale à partir de laquelle s’articule tout le projet éducatif. Un terme opératoire permettant de penser nos écosystèmes. « Le décor est ce qui médiatise notre présence au monde, il est ce qui fait milieu », explique-t-il. L’enjeu pour la direction de cette école d’art et de design est aujourd’hui de créer les conditions d’une politique d’excellence à la fois inclusive et émancipatrice, propre à former les concepteurs et les innovateurs de demain. Parmi les grands chantiers, celui notamment d’une réorganisation du cursus avec la mise en place d’un diplôme de licence et une reconfiguration des masters visant, d’une part, une articulation plus étroite avec le secteur de la recherche et, d’autre part, une professionnalisation via des programmes en alternance.
> Portes ouvertes les 28 et 29 janvier (présentiel et distanciel).
ENSCI-Les Ateliers – École nationale supérieure de création industrielle
Frédérique Pain, pour une école de la responsabilisation
Voué à la création industrielle et au design, l’établissement s’apprête à fêter ses 40 ans en 2022. L’occasion pour sa directrice, Frédérique Pain, arrivée en poste en 2020, d’affirmer et de donner à voir la singularité de l’école hors de ses murs. Forte d’une carrière de plus de vingt ans en design dans les domaines de la recherche, de l’industrie – chez Alcatel-Lucent notamment –, ou de l’éducation – avec Strate, École de design –, cette militante de sa discipline a pu prendre comme une évidence le fait de rejoindre l’école d’at et de design, ENSCI-Les Ateliers. En effet, la pédagogie innovante défendue par l’institution met l’élève au centre en lui donnant les moyens d’être acteur de sa formation dès son entrée. L’école accueille près de 300 étudiants, soit autant de parcours individualisés. Ici, pas de notion de promotion ni de limite d’âge. Les cours, les ateliers et les projets mélangent les niveaux de tous et les maturités de chacun. Une pluridisciplinarité et une plurimaturité pour apprendre le travail de façon collective, sans oublier la capacité de « faire sens et faire commun ensemble ». Un défi à la fois pour les élèves, mais également pour l’équipe enseignante dont l’agilité doit permettre un accompagnement pertinent sans prendre le pas sur l’autonomie. Différentes temporalités rythment le cursus de cinq ans dont la colonne vertébrale se structure autour d’ateliers-projets abordant des problématiques sociétales et se tournant vers de multiples partenaires : start-up, associations, entreprises, etc.
> Portes ouvertes les 28 et 29 janvier (présentiel et distanciel).
École Camondo – Architecture intérieure et design
René-Jacques Mayer, une ambition sociétale
Que ce soit durant ses années au ministère de la Culture, puis à la tête de l’Établissement public administratif de la Cité de la céramique – Sèvres et Limoges ou à celle des D’Days, le festival de design parisien, René-Jacques Mayer a passé sa vie professionnelle à côtoyer une grande pluralité de métiers créatifs. Depuis 2015, il pilote Camondo, établissement privé réputé pour son aptitude à former des architectes d’intérieur et des designers suivant un cursus en cinq ans. « L’architecture intérieure constitue la spécialité profonde de l’école, explique son directeur. C’est une discipline qui croise beaucoup d’échelles de pensées. » Loin du cliché qui en cantonnerait la pratique à une sphère élitiste et fortunée, l’école défend au contraire la capacité que possède l’architecture intérieure à concevoir des espaces et des usages émanant de l’intérieur pour se déployer vers l’extérieur, de l’espace privé à l’espace public, des êtres aux autres. La pédagogie elle-même se veut ouverte pour les 400 étudiants et cultive un principe de porosité à toutes les échelles. Une caractéristique que René-Jacques Mayer entend continuer à développer autour d’une institution pensée comme une constellation et s’inscrivant dans un réseau constitué de multiples partenaires issus des mondes académique, industriel, ou encore culturel. L’école d’art et de design, adossée au musée des Arts décoratifs (MAD Paris) depuis sa création, a inauguré une antenne méditerranéenne à Toulon (photos ci-dessus), en 2019, l’occasion de s’insérer dans un territoire et d’agir dessus.
> Portes ouvertes virtuelles les 28 et 29 janvier (à Paris et à Toulon)
ENSAAMA – École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art
Éric Chenal, l’humain au cœur des projets
Issue de l’École des arts appliqués à l’industrie, créée en 1922, et de l’École des métiers d’art, inaugurée quant à elle en 1941, l’ENSAAMA, aussi appelée Olivier de Serres, est l’une des figures historiques emblématiques du paysage du design français et de celui des métiers d’art aux côtés des écoles Boulle, Duperré et Estienne. Avec dix-sept parcours de DN MADE (diplôme national des métiers d’art et du design), six DSAA (diplôme supérieur d’arts appliqués) et deux masters, la quasi-totalité des champs de la discipline sont couverts. Sur plus de 900 étudiants, 80 % sont inscrits dans cette filière. « Même si le design et les métiers d’art ont un impact pratique, le design comme les métiers d’art participent à une forme d’utopie sociale », explique Éric Chenal, le directeur. Écouter, entendre, analyser, interroger et prototyper aussi bien des objets que des expériences fait partie des missions tout comme toujours se demander comment resituer l’humain au cœur des questions qui touchent au design. À la suite des ingénieurs et des administrateurs, le temps est venu pour les créateurs de prendre place et d’œuvrer pour le monde futur.
> Portes ouvertes virtuelles les 28 et 29 janvier.
Strate – École de design
Saran Diakité Kaba, pour inventer l’avenir
Trente ans après sa création, la première école de design privée en France est à nouveau dirigée par quelqu’un du sérail, depuis l’arrivée de Saran Diakité Kaba en 2021. Diplômée de l’école d’art et de design, ENSCI-Les Ateliers, celle-ci s’immerge dès ses études dans la réalité professionnelle du métier. Multi-entrepreneuse, elle travaille en agences de design pour de grands groupes prestigieux avant d’intégrer PSA où elle vit des expériences exaltantes en recherche et développement et mène de front des révolutions dans le milieu automobile. Avec déjà un pied dans l’enseignement – à Strate, en 2009 –, elle bouleverse ensuite sa vie professionnelle en acceptant la direction de cette école qu’elle a vue grandir en un temps record pour s’affirmer comme une référence d’excellence. « Quand on est designer industriel et que l’on vous donne la possibilité de redesigner le design, c’est une formidable source de réjouissance, un bain de jouvence ! » explique-t-elle. Avec engagement et passion, elle commence par s’entourer d’une équipe pédagogique motivée afin de construire une stratégie commune. Professionnalisation mais également recherche et formation continue constituent ses chantiers de prédilection pour toujours « penser en chemin faisant ».
> Portes ouvertes le 5 février.
CY – École de design
Dominique Sciamma, donner le pouvoir aux designers
« Le design est une manière de penser et je crois qu’il doit prendre le pouvoir », déclare Dominique Sciamma. Au vieux paradigme qui semble perpétuer une vision mécanique du monde, le directeur de l’école oppose la pensée du design, une culture capable d’appréhender la complexité tel un organisme vivant avec l’humain au centre. « La place du designer doit être au plus haut niveau possible de décision, quelle que soit l’instance », affirme-t-il. Pour donner vie à la mission qu’il s’assigne, Dominique Sciamma quitte Strate, École de design en 2020, établissement qu’il avait intégré en 1998 avant d’en prendre la direction en 2013. Années pendant lesquelles il a développé une vision, affûté ses armes et déployé une pédagogie. Dès l’automne 2020, CY École de design est annoncée et la première rentrée scolaire a lieu un an plus tard sur le campus d’iXblue, à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). L’établissement entend à terme accueillir 740 étudiants. Intégrée au sein de CY Cergy Paris Université, l’institution propose un cursus en cinq ans ainsi qu’un double diplôme inédit de designer-ingénieur en six ans. Le programme s’articule autour de sept piliers d’enseignements fondamentaux : la culture, le dessin, la matière, les sciences humaines et sociales, les projets, le fonctionnement des organisations et la professionnalisation. Une pédagogie ambitieuse, exigeante et dense pour donner les moyens aux futures générations de designers de s’imposer dans les instances du pouvoir à toutes les échelles.
> Portes ouvertes les 22 janvier et 4 juin.