Düsseldorf, capitale du shopping de luxe

En plus d’abriter l’une des plus importantes académies d’art européennes, Düsseldorf se pose en haut lieu financier du marché de l’habillement et du textile grâce à ses salons internationaux. Capitale du shopping de luxe avec plus d’un millier de boutiques de mode internationale, elle continue d’investir dans ce domaine avec des projets architecturaux pharaoniques.

Si l’on demande aux Allemands quelle ville de leur pays ils associent spontanément à la mode, aussi surprenant que cela puisse paraître, la plupart répondront Düsseldorf. Et cela ne date pas d’hier !

En façade de la Kunsthalle, les créations de Max Ernst, de Joseph Beuys et de Michael Heizer, entre autres, font du bâtiment brutaliste une œuvre d’art.
En façade de la Kunsthalle, les créations de Max Ernst, de Joseph Beuys et de Michael Heizer, entre autres, font du bâtiment brutaliste une œuvre d’art. Tilman Lothspeich pour IDEAT

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En 1691, le prince-électeur du Palatinat, Jan Wellem, en épousant la Florentine Anne-Marie-Louise, dernière représentante des Médicis, importe un glamour que sa ville natale n’a cessé de cultiver depuis. Presque trois siècles plus tard, en 1949, l’Igedo, salon consacré à l’habillement, multiplie le nombre de ses exposants et de ses visiteurs.

Düsseldorf est le repaire des fashionistas.
Düsseldorf est le repaire des fashionistas. Tilman Lothspeich pour IDEAT

Avec le lancement des Collections Premieren Düsseldorf (CPD), il devient le salon de la mode le plus important et le plus grand du monde. Les carnets de commandes se remplissent à vue d’œil, tandis que les showrooms des labels prestigieux ouvrent leurs portes à un jet de pierre des halls d’exposition, autour de la Kaiserswerther Strasse, deux fois cinq jours par an.

Même si Berlin – plus internationale, plus festive ? – a fini par s’approprier l’événement il y a dix ans, cela n’a pas diminué l’influence de Düsseldorf sur le marché du vêtement. Simplement, le concept initial a disparu pour en laisser apparaître un nouveau.

La Rheinuferpromenade, au pied de la vieille ville, offre une vue dégagée sur le Rhin, la tour de télévision, le pont de Rheinknie et, à l’horizon, l’architecture moderne de la zone portuaire.
La Rheinuferpromenade, au pied de la vieille ville, offre une vue dégagée sur le Rhin, la tour de télévision, le pont de Rheinknie et, à l’horizon, l’architecture moderne de la zone portuaire. Tilman Lothspeich pour IDEAT

Adieu les halls d’exposition froids et fonctionnels, aujourd’hui c’est dans les anciennes aciéries Böhler que tout se passe. Entrepreneurs viennois, les frères Böhler établirent leur site de production en 1914 sur ce qui, à l’époque, n’était qu’une friche à la périphérie de la ville. Après quatre vingts ans d’activité, ce monument industriel protégé a été réhabilité pour être affecté à de nouvelles fonctions.


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Apprécié des créatifs et des artisans, tant pour sa situation (devenue centrale) que pour le charme de ses murs en brique, l’espace, plus petit, abrite désormais, à côté des maisons de mode habituelles et de leurs quelque 800 bureaux de commandes de marques internationales, des petites manufactures qui se sont rapidement installées.

Dior comme d’autres griffes de luxe ont pignon sur rue à Düsseldorf. Sa zone d’attractivité commerciale s’étend des Pays-Bas à la Belgique
Dior comme d’autres griffes de luxe ont pignon sur rue à Düsseldorf. Sa zone d’attractivité commerciale s’étend des Pays-Bas à la Belgique Tilman Lothspeich pour IDEAT

Tous les six mois, en janvier et en juillet, se tiennent ici les FASHN Rooms avec le salon Galery et Neonyt, qui réunissent un mélange de marques haut de gamme, de mode durable, de chaussures et d’accessoires. Et il existe toujours des coopérations internationales en matière de salons, comme avec IFCO Istanbul, qui a lieu en août.

D’autres manifestations sont organisées, telle la foire Art Düsseldorf, rendez-vous des galeries d’art de la région, du reste de l’Allemagne, mais aussi des pays voisins du Benelux. « C’est vrai que la fête a lieu à Berlin avec la Mercedes-Benz Fashion Week. Mais les affaires, c’est toujours à Düsseldorf qu’elles se font », explique Guido Boehler, directeur de l’agence de relations publiques à son nom, spécialisée en mode. Et puis, il y a toujours une occasion de s’amuser ici aussi, notamment lors du lancement de la saison, lorsque les grandes maisons présentent leurs collections », confie-t-il.

Vue sur la Marina, où l’on déchargeait autrefois des conteneurs. Aujourd’hui, un quartier animé dans lequel s’est développée une architecture moderne.
Vue sur la Marina, où l’on déchargeait autrefois des conteneurs. Aujourd’hui, un quartier animé dans lequel s’est développée une architecture moderne. Tilman Lothspeich pour IDEAT

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La designer Stephanie Hahn a quitté Paris pour revenir sur les bords du Rhin. Dans son conceptstore, elle organise des événements qui rapprochent l’art, la culture et la mode
La designer Stephanie Hahn a quitté Paris pour revenir sur les bords du Rhin. Dans son conceptstore, elle organise des événements qui rapprochent l’art, la culture et la mode Tilman Lothspeich pour IDEAT

Des racines textiles profondes

Si la région rhénane s’est établie comme berceau des affaires pour la mode, ce n’est pas uniquement dû au commerce des foires et des salons. En réalité, son histoire textile est bien plus ancienne. Les villes voisines comme Krefeld, grâce à son monopole sur le traitement de la soie, et Mönchengladbach, où l’on file et tisse le lin depuis des siècles, sont à l’origine de cet écosystème.

Quant à l’université de Niederrhein, son département Techniques du textile et de l’habillement continue d’attirer des étudiants du monde entier. Selon la Chambre de commerce, environ 30 000 personnes travaillent dans plus de 3 000 entreprises du secteur de la mode.

Jades et Jades Men, deux boutiques devenues cultes au-delà des frontières pour leur sélection de marques internationales.
Jades et Jades Men, deux boutiques devenues cultes au-delà des frontières pour leur sélection de marques internationales. Tilman Lothspeich pour IDEAT

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Des maisons allemandes comme Peek&Cloppenburg et C&A, avec leurs gigantesques centrales d’achat, ainsi que PVH Holdings et ses marques telles Calvin Klein et Tommy Hilfiger ont ici leur siège européen. « Düsseldorf offre une zone de chalandise incroyablement large. Toutes les griffes comme Dior, Chanel et Hermès sont représentées avec leurs propres boutiques, et pas seulement pour des raisons stratégiques, comme cela peut être le cas à New York et à Londres. Le pouvoir d’achat ici est simplement énorme. Il n’y a peut-être plus de défilés, mais la fréquentation des magasins est très élevée », explique la créatrice Stephanie Hahn, qui a abandonné son atelier parisien de confection pour homme au profit de son propre concept-store à Düsseldorf.

Inauguré en 1892, à Düsseldorf, le monument aux morts du Hofgarten conserve toute sa solennité devant le Kö-Bogen I de l’architecte Daniel Libeskind.
Inauguré en 1892, à Düsseldorf, le monument aux morts du Hofgarten conserve toute sa solennité devant le Kö-Bogen I de l’architecte Daniel Libeskind. Tilman Lothspeich pour IDEAT

Et de plus en plus d’industries liées aux cosmétiques et à la beauté s’installent également. Sur sa rue commerçante Königsallee (appelée Kö), la capitale rhénane aligne ainsi son chapelet de marques de luxe. « Voir et être vu », telle est la devise ici.

À Düsseldorf, la vitrine de Louis Vuitton constellée de pois multicolores, signature de l’artiste japonaise Yayoi Kusama, avec qui la marque a signé sa dernière collection.
À Düsseldorf, la vitrine de Louis Vuitton constellée de pois multicolores, signature de l’artiste japonaise Yayoi Kusama, avec qui la marque a signé sa dernière collection. Tilman Lothspeich pour IDEAT

Bien sûr, rien n’empêche de se glisser dans les files d’attente pour entrer regarder chez Tiffany, Gucci ou Hugo Boss. Mais s’asseoir un moment dans l’un des cafés pour observer les promeneurs est bien plus révélateur de cette atmosphère particulière renforcée par la clientèle cosmopolite des cliniques esthétiques privées (installées au-dessus des boutiques!) qui, le temps de sa convalescence, achète les dernières créations siglées.


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Frank Schnitzler, stratège de la vente au détail et expert du secteur, rappelle combien la Königsallee est unique. « Elle s’étend actuellement grâce aux nouveaux plans du boulevard Calatrava (du nom de l’architecte ingénieur espagnol, NDLR). Plus d’un milliard d’euros seront investis dans ce projet. La première étape a été l’achèvement des magasins Fendi et Moncler, l’année dernière. »

Ⓒ Tilman Lothspeich pour IDEAT.
Ⓒ Tilman Lothspeich pour IDEAT.

Ce complexe commercial haut de gamme, entre la Königsallee, la Königstrasse et la Steinstrasse, présente sous une voûte haute d’une quarantaine de mètres une rue intérieure comparable à un canyon sculptural immaculé. Le projet, réalisé en collaboration avec Uwe Reppegather, fondateur et directeur général du groupe Centrum, devrait être achevé en 2028.

Plus au nord, la Schadowstrasse est nettement plus décontractée. Cette zone piétonne, récemment rénovée à grands frais, est également consacrée au shopping. Mais, là aussi, il est intéressant de déplacer son regard.

Ⓒ Tilman Lothspeich pour IDEAT.
Ⓒ Tilman Lothspeich pour IDEAT.

L’architecte Christoph Ingenhoven a offert à la ville un nouveau poumon vert : 30000 jeunes hêtres plantés sur 8 kilomètres en façade d’un complexe de boutiques et de bureaux (Kö-Bogen II) qui fait suite au bâtiment emblématique de l’architecte américain Daniel Libeskind (Kö-Bogen I).


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Derrière sa structure en verre, métal et travertin, ont élu domicile le magasin de luxe Breuninger, mais aussi un Apple Store et quelques excellentes adresses pour grignoter.

Ⓒ Tilman Lothspeich pour IDEAT.
Ⓒ Tilman Lothspeich pour IDEAT.

La vieille ville est à quelques minutes à pied, avec ses ruelles pittoresques connues pour leur vie nocturne – au moins depuis que le groupe punk Die Toten Hosen y a débuté en 1982, faisant ainsi de la ville l’eldorado allemand de la scène alternative (hors Londres, évidemment).

Mais y flâner en journée vaut la peine, car les concept-stores Jades, Identità Italiana et Apropos, avec leurs sélections pointues, sont un paradis pour les fashionistas. On trouve aussi des magasins de couleurs, des antiquaires, des librairies et des boutiques de vêtements couture de seconde main. Et chaque jour un marché de produits frais et de fleurs sur la Carlsplatz.

Ⓒ Tilman Lothspeich pour IDEAT.
Ⓒ Tilman Lothspeich pour IDEAT.

Des coulisses plus au calme

Comme dans toutes les métropoles où les loyers du centre sont élevés et les commerces de proximité, rares, des pôles très vivants se sont formés dans différents quartiers. Sur la rive droite du Rhin, donc du même côté que le centre-ville, Bilk offre une multitude de petites boutiques créatives.


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En quittant Lorettostrasse, l’artère principale, et en s’enfonçant au hasard des rues latérales, on sera agréablement surpris de découvrir une tout autre population à l’ouverture d’esprit proverbiale. Ici, on engage rapidement la conversation et on apprend volontiers des anecdotes sur le monde de la mode du « village de Düssel ».

Ⓒ Tilman Lothspeich pour IDEAT.
Ⓒ Tilman Lothspeich pour IDEAT.

Et il ne faut pas longtemps pour que le nom de Claudia Schiffer soit évoqué. Cette fille de la ville, célèbre top model des années 80, a été repérée dans le légendaire club Checkers (propriété à l’époque de l’homme d’affaires Gunther Sachs, qui épousa Brigitte Bardot en 1966). De « la Schiffer » à la légende de la photo Peter Lindbergh, dont la carrière fulgurante a aussi démarré ici, il n’y a qu’un pas.

À quelques arrêts de métro vers le nord-est de Düsseldorf, l’ancien quartier ouvrier de Flingern a vu fleurir une subculture qui a déclenché un processus de gentrification inéluctable. Aujourd’hui, le long de l’Ackerstrasse, qui traverse le secteur, les étudiants et de jeunes parents côtoient les anciens habitants sur les terrasses de cafés, dans les commerces de bouche, les galeries ou chez le coiffeur, de manière beaucoup plus détendue que sur la Kö!

Ⓒ Tilman Lothspeich pour IDEAT.
Ⓒ Tilman Lothspeich pour IDEAT.

Presque en face, sur la rive gauche du Rhin, Oberkassel, également à proximité du centre, avec ses façades joliment rénovées, est plus chic. L’offre de boutiques et de restaurants y est aussi plus exclusive. L’un des événements phares, non seulement pour Oberkassel mais aussi pour toute la ville, est la « plus grande kermesse du Rhin », qui a lieu en juillet, sur les vastes prairies rhénanes.

Parmi ceux que les fêtes foraines rebutent, les germanistes pourront toujours se réfugier au théâtre de la Luegallee. Les autres iront visiter la Julia Stoschek Collection, qui rassemble une collection privée unique et sans cesse élargie d’art vidéo et multimédia.


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