Dix personnalités de la création nous parlent de leur New York

Ils ont connu le Manhattan de Woody Allen ou celui du 11 Septembre. Ils ont apprécié une ville ultra-accueillante, au dynamisme échevelé, mais qui accepte mal l’échec. Ils ont découvert un cosmopolitisme euphorisant, qui parle à la jeunesse du monde entier… Jérôme Dreyfuss, Sarah Lavoine, Laura Gonzalez… Dix personnalités créatives ont confié à IDEAT leur vision de New York et leurs meilleurs plans.

 

6/ Pierre Yovanovitch / Architecte d’intérieur

Pierre Yovanovitch.
Pierre Yovanovitch. Jose Manuel Alorda

« J’avais à peine 18 ans quand je suis allé la première fois à New York. J’étais parti pour m’y installer et y faire ma vie. Finalement, ma raison a très vite repris le dessus et je suis rentré en France pour poursuivre mes études. L’ami avec qui j’étais y est resté et a d’ailleurs fait carrière là-bas. Quant à moi, plus de vingt ans plus tard, j’ouvre un bureau à New York ! Le rêve s’est réalisé… L’une des rencontres fondamentales que j’ai pu y faire est avec Evan Snyderman, directeur artistique et fondateur de la galerie R & Company. C’est lui qui m’a poussé à réaliser ma toute première gamme de mobilier et qui l’a exposée. La collection ‘“OOPS” était née. Ma vie se partage aujourd’hui entre Paris et New York, où je retourne très régulièrement. Je me souviens parfaitement de mon premier voyage, la ville avait un côté trash et très underground, tandis qu’aujourd’hui, elle est propre et “safe”. Depuis toujours, New York est une ville en perpétuelle évolution et, finalement, seule cette effervescence demeure. C’est un grand chantier en constante transformation. Près de trente tours sont en construction au même moment, signées par les plus grands noms de l’architecture, de Jean Nouvel, qui termine l’extension du MoMA, à Herzog & de Meuron, Renzo Piano, Tadao Ando et tant d’autres. À chaque fois que l’une d’entre elles est terminée, c’est le visage entier d’un quartier qui change. Et cela me fascine… Mais à New York, j’ai aussi le bonheur de m’échapper à la fondation Magazzino, dédicacée à l’arte povera, qui a ouvert ses portes il y a un an à Cold Spring (dans le comté de Putnam, au nord de la ville, NDLR), sous l’impulsion des collectionneurs Nancy Olnick et Giorgio Spanu. Un petit trésor habité de pièces exceptionnelles de Mario Merz, Luciano Fabro ou Jannis Kounellis. Un lieu qui mérite le voyage. J’affectionne aussi beaucoup le musée Noguchi, dans le Queens, ou le méconnu Pioneer Works. Ce centre culturel, inauguré dans Red Hook (Brooklyn), créé par l’artiste Dustin Yellin, est voué à l’expérimentation, à l’éducation et à la production dans toutes les disciplines. Grâce à un large éventail de programmes éducatifs, de spectacles, de résidences et d’expositions, il favorise l’accessibilité communautaire et culturelle. Indispensable pour que chacun puisse profiter de l’effervescence artistique de la ville. » M.G.


7/ Sarah Lavoine / Décoratrice

Sarah Lavoine
Sarah Lavoine RSPHOTOCREATION

« Je suis allée la première fois à New York lorsque j’avais 20 ans, pour y suivre des cours de théâtre. J’y suis restée un an. Je pense que je ne serais pas devenue ce que je suis aujourd’hui sans ce fabuleux apprentissage de la vie. Depuis, j’y retourne très régulièrement, autant pour le travail qu’en famille. En fonction de l’un ou de l’autre, je décide du quartier où je vais séjourner. Avec les enfants, j’irais plutôt près de Central Park. C’est un formidable poumon vert comme on aimerait en avoir un à Paris. D’une façon générale, je trouve que l’on peut s’y construire une vraie vie de quartier avec ses habitudes, sans avoir à traverser tout Manhattan chaque jour. New York est pour moi une source d’inspiration éternelle. Avec le fabricant de peinture Ressource, dont j’ai aménagé en mai dernier le showroom, je viens d’ailleurs de lancer une collection de teintes inspirées de la ville. On y trouve le rouge des briques, un rose pâle évocateur de Greenwich Village et de Little Italy, un vert qui rend hommage à Central Park, un jaune intense qui nous renvoie à Coney Island… Une demi-douzaine de couleurs au total que j’ai librement imaginées. » O.R.


8/ Cédric Morisset / Directeur de la Carpenters Workshop Gallery à New York

Cédric Morrisset.
Cédric Morrisset. Verhoeven

« Je suis arrivé à New York en 2016, lorsque nous avons ouvert notre nouvelle galerie sur Fifth Avenue. Un vrai challenge. Comme tout Européen, je ne pensais qu’à Manhattan en arrivant, puis, petit à petit, je me suis mis à tout explorer : Brooklyn, le Queens, les Hamptons, jusqu’à aller vers Upstate New York, à un peu plus d’une heure de train. C’est là où se rendent désormais tous les jeunes branchés et où se trouvent les plus belles fondations : le Dia:Beacon, Storm King Art Center, un parc de sculptures monumentales, et Magazzino, une nouvelle galerie vouée à l’arte povera. J’ai fait de belles rencontres à New York. Parmi elles, Peter Lane, un céramiste de Brooklyn, connu notamment pour avoir créé les murs de la piscine de l’Hôtel de Crillon, à Paris ; Valérie Pasquiou, une ancienne scénographe de cinéma française reconvertie avec succès dans l’architecture intérieure haut de gamme ; et Taher Asad-Bakhtiari, un designer textile connu pour ses tapisseries incroyables. Ce que j’aime chez les New-Yorkais, c’est leur curiosité. Ils sont toujours ouverts à la discussion, un peu par nature, un peu par intérêt… On ne sait jamais ! Ce que je déteste, c’est la culture du take away et des emballages jetables. Dans un pays aussi développé, l’environnement passe hélas ! au dernier plan… Mieux vaut également être en bonne santé sous peine de banqueroute financière. Mon premier souvenir, c’est l’hiver au chaud devant la cheminée de l’hôtel Marlton, un boutique-hôtel très cosy près de Washington Square Park, où je résidais avant d’emménager dans mon appartement. Mais aussi, l’intensité du bleu des ciels et la luminosité radieuse des matinées d’hiver. Mes adresses ? En amoureux, I Sodi, un petit restaurant italien romantique de West Village, qui propose une cuisine toscane pleine d’esprit et de saveurs. Pour la vue, la terrasse du restaurant Cecconi’s, à Dumbo ; ou le bar niché au sommet de l’hôtel William Vale, à Williamsburg. Pour vraiment bien manger – en tant que Français, on a plein de préjugés sur la cuisine américaine, alors que les restaurants sont fantastiques à New York –, je recommanderais le Flora Bar, dans le Met Breuer, aussi bon que beau, ou Estela, Downtown, propriété du même chef uruguayen. Ce qui me manque à New York, c’est la douceur de Paris ! C’est une ville électrisante, mais horriblement bruyante et stressante. Mais Paris n’en a pas le cosmopolitisme incroyable. Le monde entier passe par ici. Mes amis sont irlandais, iraniens, libanais, espagnols, italiens, israéliens… J’ai la chance de vivre dans mon quartier favori, NoHo (North of Houston Street). Niché entre l’East Village et Greenwich Village, c’est le plus petit quartier de New York. Il est à la fois pittoresque, avec ses quelques rues historiques,Bond Street, Great Jones Street, où habite Gigi Hadid, branché avec ses nouveaux restaurants et ses petites boutiques, mais aussi très pratique car on peut arpenter tout Downtown à pied depuis NoHo. » V.C.


9/ Antoine Ricardou / Cofondateur de Studio be-poles, agence de création graphique

Antoine Ricardou.
Antoine Ricardou. Photo DR

« Je fête cette année mes dix ans passés à New York ! Ou plus exactement le dixième anniversaire de la présence de Studio be-poles dans cette ville. Tout a démarré avec le NoMad Hotel. Son équipe souhaitait une touche française, dans un esprit Paris–New York. Le projet de marché que nous leur avons proposé pour la préfiguration a beaucoup plu et nous a permis de continuer sur la lancée avec d’autres clients, comme le chef Daniel Humm. Au démarrage, je me rendais à New York cinq jours par mois. Maintenant que notre équipe est bien constituée, avec un partenaire sur place, je n’y vais plus que tous les deux mois. Comme à Paris, je m’y déplace à vélo, que je me fais prêter par un très bon magasin de cycles, Redbeard Bikes, à qui j’ai par ailleurs acheté un Parlee pour la France. Le studio est installé dans SoHo, sur Broadway, dans le Cable Building, qui rassemble des entités très créatives – Monocle y a par exemple ses bureaux. Cette ville diffuse un enthousiasme très grisant. On repart de New York totalement euphorique, mais quand on y travaille, il faut savoir rester calme, car en réalité on n’y réalise que 10 % des propositions qui s’offrent à nous. » O.R.


10/ Laurent Denize d’Estrées / Fondateur de l’agence de relation de presse 14 Septembre

Laurent Denize d’Estrées
Laurent Denize d’Estrées Cédric Martineaud

« La première fois que je suis allé à New York, j’avais 16 ans. C’était lors d’un voyage scolaire et j’avais fait le mur du petit hôtel où on logeait pour aller me balader du côté de Meat Market qui, en 1978, était tout sauf un quartier sûr… Ce fut la plus belle engueulade de ma vie ! Aujourd’hui, j’y ai ouvert une antenne en m’associant à Beth Dickstein (agence BDE), avec qui je partage des clients, surtout italiens – n’oublions pas que Haworth a racheté Poltrona Frau, Cappellini et Cassina ! –, pour faire connaître les marques et la gastronomie européennes aux États-Unis. Ce que j’aime là-bas, c’est que j’ai la sensation de respirer. Ça peut sembler contradictoire, mais le fait d’avoir toujours ces immenses perspectives, c’est hyperénergisant. J’adore me promener sur la High Line, pique-niquer à Central Park, en mai ou en septembre – ça paraît cliché, mais c’est le pied ! Ou aller à Brooklyn goûter une pizza chez Roberta’s, ou encore manger divinement au restaurant de l’hôtel Baccarat… À New York, on ne te demande pas d’emblée d’où tu viens, mais plutôt ce que tu fais. Quand tu arrives en touriste, les Américains sont des amis formidables ; quand c’est pour le business, ils ouvrent grand les bras, mais ils ne les referment jamais. Et puis, ce côté “amazing !”, “gorgeous !” à toutes les sauces m’agace un peu. C’est une ville où il faut aller vivre jeune… et mieux vaut que ce soit avec pas mal d’argent et en bonne santé. Je pourrais y passer six mois par an (mais pas l’hiver !). Bien vivre à New York, c’est pouvoir s’en échapper… comme à Paris. » V.C.