S’il a étudié à Paris et fait un crochet par Shanghai, le Hyérois Kevin Dolci, entrepreneur, restaurateur et cofondateur de l’éditeur de mobilier et de décoration 13Desserts, avoue volontiers avoir eu besoin, après ces quelques années d’exil, de retrouver ses racines. En 2015, après quatre mois passés à barouder en Amérique latine aux côtés de son acolyte Clément Rougeot, il retourne au bercail. L’objectif ? Le duo souhaite se lancer dans le design.
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En toute créativité
« Au départ, nous faisions davantage un travail de commissaires d’exposition, de galeristes, confie Kevin Dolci. L’idée était d’aller à la recherche de designers en développement. Poser nos valises à Hyères était une évidence : il y a déjà tellement de talents qui gravitent à Paris et ses alentours qu’il aurait été plus compliqué de s’y démarquer. Sans parler du travail fourni par la Villa Noailles, désireuse de déployer, sur ce petit territoire du Sud, une vie culturelle animée en soutenant activement, depuis des dizaines d’années, la jeune création. Le Parcours des arts initié par la Ville apporte aussi une grande dynamique. Nous avons eu la chance de récupérer un local qui appartenait aux grands-parents de Clément et de pouvoir nous lancer. »






Leur première exposition a lieu en off du festival Design Parade de 2020 et les propulse sur tous les radars. Un engagement qui ne date pas d’hier : depuis sa première édition, en 1986, le Festival international de mode, de photographie et d’accessoires d’Hyères, organisé par la Villa Noailles, a vu défiler parmi son jury les plus grands noms du secteur, de Martin Margiela à Azzedine Alaïa en passant par Jean Colonna, Hussein Chalayan, Marc Newson et Andrée Putman. Quant aux participants, nombreux sont ceux à avoir marqué de leur empreinte le milieu très fermé de l’accessoire et du vêtement : Victor&Rolf, Felipe Oliveira Baptista, Anthony Vaccarello, Marine Serre, Botter, Ester Manas…
Le temps d’un week-end, journalistes, acheteurs et autres initiés délaissent les grandes capitales au profit de la ville varoise de 55 000 habitants pour y découvrir ceux qui feront la pluie et le beau temps de la mode de demain. « Je me souviens que lorsque j’étais plus jeune, le festival de mode d’Hyères était considéré comme l’événement de l’année. Nous faisions tout pour pouvoir assister aux défilés. »
Si ce festival a permis à la ville de rayonner dans le monde entier, « Toulon a mis plus de temps à se développer culturellement, confie Kevin Dolci. Mais depuis quelques années, tout s’est accéléré. »
Nouveau terrain de jeu
La récente inauguration du tout nouvel écoquartier de Chalucet, regroupant notamment l’École supérieure d’art et de design TPM (Toulon Provence Méditerranée), l’école Camondo Méditerranée, une pépinière d’entreprises numériques, une médiathèque, la réhabilitation des Halles ou encore la création de la branche toulonnaise de la Design Parade, consacrée à l’architecture intérieure et à la scénographie, ont contribué à ce bouleversement.





« En 2023, nous avons donc décidé de déménager 13Desserts à Toulon, explique Kevin Dolci. L’engouement de la ville pour la culture et la jeunesse nous plaisait, et elle nous a beaucoup soutenus. La métropole TPM veut faire bouger les choses et permettre aux artistes de se lancer plus sereinement. Par exemple, au lieu de laisser des locaux vides, ceux-ci sont mis à disposition d’artistes et de créateurs en échange d’un loyer avantageux. »
Kevin Dolci n’est pas le seul à remarquer que Toulon change. Ludo, pur produit toulonnais, dirige Vibe, temple du streetwear, depuis vingt ans. « Il y a une tendance et un appétit pour le Sud qui sont indéniables », admet-il. Jusqu’à maintenant, le phénomène semblait s’arrêter aux portes de Marseille. « Saturée, entre autres, de Parisiens en mal d’air marin, elle commence à lasser », continue Ludo. Il faut dire que le chef-lieu de la région PACA brasse plus d’un million d’habitants.
« Toulon, dont le centre-ville est entièrement piéton, est à taille humaine et nous remarquons que l’engouement pour le Midi est en train de s’étendre au-delà des frontières de la cité phocéenne, jusqu’à chez nous. » D’ailleurs, on assiste à une recrudescence de lieux nouveaux, dont Chez Jeanne, bar à cocktails d’un côté, distillerie locale de l’autre, et Superbuvette, minibar et cave à vins vivants ouvert il y a deux ans par Sarah, installée ici en 2017.
Issue du milieu culturel, cette ancienne Parisienne a constaté un changement chez la population locale, qui s’ouvre à de nouvelles expériences. « Au début, on me riait au nez quand je parlais de “vins vivants”, alors qu’à Paris, c’est presque devenu mainstream. Aujourd’hui, trois ou quatre caves ne vendent que ça, et de plus en plus de restaurants nous passent commande. » Les temps changent, et ça a du bon.
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