C’est parce qu’ils s’ennuyaient que Marcel Wanders et Casper Vissers ont démarré l’aventure Moooi en 2001. À la recherche de fantaisie et d’une plus grande liberté de création, les deux hommes baptisent leur marque d’après le terme néerlandais mooi, qui signifie « beau », mais en y ajoutant un troisième « o », comme pour signifier dès le départ leur envie de se démarquer. « Ils voulaient déclarer la guerre au design conventionnel et minimaliste, et remettre un peu d’humanité au cœur de leur démarche », confie Robin Bevers, l’actuel président de l’entreprise.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Moooi ne fait rien comme tout le monde. D’ailleurs, ne demandez pas à son dirigeant quels sont les derniers produits de son catalogue, il n’envisage pas les choses de cette manière : « Tous les ans, on nous demande quelles sont nos nouveautés. Bien sûr, nous lançons régulièrement de nouveaux produits, mais nous préférons parler de ce qui nous inspire, de nos recherches et de nos collaborations. Ce qui nous intéresse, c’est de nous développer en tant que marque. » C’est ainsi que s’est construite l’entreprise, dont Marcel Wanders est resté directeur artistique : avec la volonté chevillée au corps de s’épanouir hors des sentiers battus. Très impliqué dans son rôle, le designer a d’ailleurs promis à son équipe de ne jamais changer de cap, « et ce n’est pas facile de rester libre dans un marché si formaté, ajoute le président. Car, plus vous devenez grand, plus les enjeux le sont aussi. »
Là où d’autres se seraient vite pris au sérieux, la marque continue donc de fonctionner à l’instinct, préférant les coups de cœur aux stratégies marketing. Point de briefing ni de catalogue linéaire, Moooi édite d’abord ce qui lui plaît. « On rencontre des designers et on tombe amoureux de leur travail, explique Robin Bevers. C’est exactement ce qui s’est passé avec Maarten Baas. Ses assises en bois brûlé Smoke (2002) sont devenues un best-seller de notre catalogue. On a regardé de plus près ses dessins et il y figurait un incroyable canapé. » Le designer leur explique alors qu’il a toujours voulu créer un canapé qui ressemblerait à « quelque chose comme ça » : irrégulier, avec des contours sommaires, une ébauche plutôt qu’un produit fini, regrettant que son travail soit « souvent développé à partir de dessins dont la spontanéité disparaît au fil du processus industriel ».
Avec Moooi pour éditeur, le dessin original de Maarten Baas va prendre vie pour aboutir à Something Like This, un canapé modulaire où les angles à 90 degrés n’existent pas. Cette nouvelle collaboration illustre parfaitement l’ADN de la marque, qui n’a pas usurpé son slogan : « Une vie extraordinaire ».
Parmi ses derniers coups de foudre pour des talents prometteurs, on compte aussi le jeune Néerlandais Rick Tegelaar (dont elle a édité quasi simultanément le lustre en acier avec LED intégrées Meshmatics et le lampadaire Filigree, aux allures de tournesol géant) et le Japonais Arihiro Miyake (avec, l’an dernier, une lampe portant son nom, puis, cette année, la suspension Coppélia).
Intuitive mais aussi tenace, Moooi mène sa barque comme elle l’entend. « Pour nous, le design est d’abord une affaire d’émotion, déclare son président. Si les gens achètent nos produits, on veut que ce soit d’abord parce qu’ils les aiment ! » Et, s’il est un terrain de jeu où toute cette folie douce peut s’exprimer, c’est bien Milan. Chaque année, la marque crée l’événement au Salon du meuble. En 2018, avec son « Museum of Extinct Animals », elle n’a pas dérogé à la règle. « Dans un monde moderne où on regarde toujours devant, où on cherche la nouveauté, Marcel a suggéré qu’on fasse exactement le contraire, raconte Robin Bevers. On est tombés sur de vieux dessins d’animaux disparus ramenés du bout du monde par des aventuriers. Il n’y avait pas besoin d’inventer quoi que ce soit, tout était là. »
Inspirée par ces merveilles du passé, Moooi imagine des tissus, des matières et des tapis, mais aussi une série de revêtements muraux en collaboration avec Arte. Mises en scène à Milan dans un fabuleux musée éphémère, ces trouvailles ont transporté les visiteurs dans un fantastique voyage dans le temps. Jamais là où on l’attend, la marque néerlandaise cultive sa différence avec application. « Nous continuons à nous développer avec des yeux et des équipes tout autour du monde, et nous allons accentuer notre présence sur de nouveaux marchés, conclut Robin Bevers. Mais je peux aussi vous dire que nous travaillons déjà sur quelque chose de complètement différent pour le prochain Salon de Milan. Ce sera du jamais-vu ! » Venant d’un expert de la surprise, on n’en espérait pas moins.