Du côté des figures de proue de la profession, même subtile conversation croisée. Naoto Fukasawa, auteur de nombreux produits Muji, aurait très bien pu signer la lampe White, qui a, en fait, été dessinée par le Finlandais Ville Kokkonen pour l’éditeur Artek. Mais Fukasawa a, en revanche, bel et bien conçu un système d’étagères pour cette marque culte fondée par Alvar Aalto.
Maestro plus que discret du design finlandais, Harri Koskinen collabore depuis de nombreuses années à certains projets d’Issey Miyake, dont la collection « Pause for Harmony », coéditée sous l’entité Iittala x Issey Miyake lancée l’an dernier. Sawako Ogitani, directrice de projets du studio d’Issey Miyake, cite d’emblée Alvar Aalto comme « son héros » et ajoute que, pour elle, un des points de rencontre majeurs entre les deux cultures repose sur « l’acceptation de la nature telle qu’elle est et la conscience que l’on ne peut pas la contrôler ».
Ajoutons encore que c’est le studio danois OEO qui a su offrir une caisse de résonance internationale à l’artisanat historique de la région de Kyoto en lui insufflant le zeste de modernité nécessaire via le label Japan Handmade. Et un des best-sellers absolus d’Ikea depuis plus de quarante ans a été dessiné par un Japonais, Noboru Nakamura. Il s’agit du fauteuil Poäng sensiblement (trop ?) inspiré de l’iconique fauteuil 401 du Finlandais Alvar Aalto, créé pour Artek en 1933.
Certes, on ne peut nier que, socialement et économiquement, de grandes différences existent, notamment en ce qui concerne le poids de la hiérarchie. Mais les ressemblances sont parfois si profondes que l’on en vient à se demander s’il n’y a pas eu, dans l’histoire des migrations, un point de rencontre dans le Grand Nord.
En alternative aux preuves que certains linguistes et anthropologues rêvent de trouver pour démontrer formellement cette hypothèse, les architectes finlandais Marco Casagrande et Sami Rintala, marqués par le sentiment de familiarité qui les a assaillis lorsqu’ils ont posé un pied sur le sol japonais, ont, en 2002, parcouru en Land Rover les 12 000 km qui séparent Helsinki d’Hokkaido et documenté leur épopée (kalevala, en finnois), à leur arrivée au Japon, à travers l’exposition « Dallas-Kalevala ». « Il n’y a que la Russie entre la Finlande et Hokkaido. Ces trois régions appartiennent aux sphères culturelles nordiques », avaient-ils alors expliqué. « Si l’on pense globe plutôt que cartes, elles sont très proches les unes des autres. Le touriste japonais est une légende. Pour nous, ce sont de simples voisins. » De quoi démontrer que les migrations et les échanges entre différentes cultures sont synonymes d’enrichissement mutuel, un propos qui mérite aujourd’hui, plus que jamais, d’être souligné.